L’ordre du jour était clair, le point 11 se concentrerait unique-ment sur le rapport de l’enquête interne au sujet du départ de trois employés menée par l’entreprise Equitable Solutions. 

Avant d’en arriver-là, les membres ont pu écouter le rapport de la présidente du CA, Blandine Tona et la rapport de la directrice générale, Fatimaty Gueye. La radio a lancé un nouveau site web, une nouvelle application mobile et a continué de développer sa programmation avec entre autres, un volet jeunesse ou encore une présence au rural. 

L’ordre du jour incluait également une proposition pour modifier les statuts et règlements de la radio communautaire. 

Désormais, il n’y aura plus de membre familial. Blandine Tona a justifié l’abrogation de cet article en expliquant que « la radio perd des revenus avec ce type de membriété et que plusieurs personnes peuvent voter sans que cela soit clair. » Il a cependant été expliqué par le CA que l’idée était de revenir plus tard sur cette membriété. 

Les assemblées générales extraordinaires devront se faire à la demande de 1/3 des membres et non plus de 25 comme avant. Blandine Tona a souligné « avec l’augmentation des membres qu’a connue la radio, il fallait chercher une meilleure représentativité. Un pourcentage faisait plus de sens. » La radio possède actuellement près de 400 membres. 

Les durées des mandats ont été revues pour que tout le CA ne soit pas en élection tous les deux ans. L’article sur les procédures d’élections a aussi été ajusté pour permettre cette nouvelle réalité. En 2024, tout le CA sera en élection et les nouvelles durées de mandat commenceront après ces élections. 

Toutes les modifications ont été adoptées par l’assemblée. 

C’est évidemment le rapport de l’enquête interne qui était le plus attendu puisqu’un an auparavant les membres avaient demandé ce rapport pour comprendre ce qui avait mené à la démission de trois employés de la radio communautaire. 

Les suivis de l’AGA 2022 

En effet, Valérie Rémillard avait proposé la motion suivante lors de l’AGA du 19 avril 2022 : « que le CA engage un.e expert.e indépendant.e dans le domaine des conflits de travail pour enquêter sur les évènements qui ont poussé des employés à démissionner et des bénévoles à quitter. » 

C’est le cabinet Equitable Solutions qui a été retenu pour mener cette enquête en la personne de Laurelle Harris. Cette dernière a décliné notre demande d’entrevue. 

Durant 25 pages, Laurelle Harris détaille deux questions : le processus d’embauche de la directrice générale et les circonstances propres au départ des trois employés démissionnaires. 

Pour mener à bien ce travail, la consultante a recueilli des documents, des enregistrements et des témoignages anonymes. Cependant les trois employés démissionnaires ont refusé de participer à cette enquête. D’ailleurs, lors des discussions autour de ce rap-port plusieurs membres de l’assemblée ont demandé quel environnement avait offert la firme pour que les trois employés se sentent en sécurité de donner leur témoignage. Laurelle Harris a répondu qu’ils n’avaient pas demandé de conditions spéciales pour se sentir davantage en sécurité et que leur refus était catégorique. 

Le rapport a conclu que le CA de 2021 avait agi de manière appropriée et raisonnable pour le recrutement de la nouvelle direction générale et dans les relations conflictuelles avec les trois employés démissionnaires qui ont suivi son embauche. 

Rapport attendu

Cependant ce rapport dénonce « le racisme anti-noir au sein de l’organisme ». Pour ce faire Laurelle Harris a utilisé une définition qui ne se base pas sur l’intention de nuire mais sur « le résultat ou l’effet sur la cible ». Elle a ensuite formulé 12 recommandations pour améliorer le climat de travail au sein de l’organisme. 

Pourtant le mandat demandé par l’assemblée n’incluait pas cette analyse. Martine Bordeleau a pris la parole en premier pour commenter ce rapport. « L’enquête s’est détournée de ce mandat très clair. Il a traité non pas d’une, mais de deux questions à savoir : Le processus d’embauche d’un nouveau directeur général et le 2e point qui est en concordance avec la proposition des membres, mais auquel on a ajouté ceci : y compris la question de savoir si le racisme a joué sa part de responsabilité dans le fonctionnement de la relation, individuellement et collectivement? 

« Je ne sais pas qui a demandé ces ajouts au mandat de l’enquêtrice, mais ils n’ont pas été approuvés par les membres et ceux-ci n’ont pas été mis au courant de ce changement. » 

Martine Bordeleau
Martine Bordeleau, membre de la radio communautaire, lors de l’AGA 2023. (photo : Jonathan Semah)

Martine Bordeleau a fait part de ses commentaires à Laurelle Harris sans attendre de réponse en retour. Elle a aussi soulevé le point de la langue. « Il s’agit d’une enquête et d’une rédaction qui ont été accomplies principalement en anglais. Le sommaire que nous avons reçu a ensuite été traduit en français. Pourquoi? Il existe un grand nombre d’experts dans ce genre de travail au pays aptes à mener cette enquête en français. » Pour elle, il s’agit de la plus grosse incohérence. « C’est une pente très glissante. La langue aurait dû être une condition obligatoire. Comment peut-on exiger de nos bailleurs de fonds de communiquer en français avec nous alors que, nous, on fait ce genre d’exercice en interne en anglais. » 

Comment ce cabinet a été choisi?

Dans le courriel envoyé aux membres avec les deux rapports, Laurelle Harris a fait savoir qu’en cas de divergence, la version anglaise est la version officielle. 

Blandine Tona, présidente du CA, explique le choix de ce cabinet. « L’appel d’offres a été transmis partout au Canada. Mais on voulait quelqu’un capable de comprendre la situation de la francophonie minoritaire, le cadre des petites structures comme Envol 91 FM, le rôle de la radio sur la communauté. La langue n’était pas un critère prédominant. Mais tout le monde pouvait communiquer dans la langue de son choix. » 

Le rapport a été adopté. Quatre personnes ont voté contre. 

Contactés par La Liberté, les trois démissionnaires ont fait la déclaration suivante : « Nous envisageons des avenues légales pour la suite des choses. Par conséquent, nous limitons nos commentaires à la suite de la diffusion du rapport qui nous accuse injustement de racisme. Nous n’accordons aucune crédibilité à ce rapport, son contenu et ses conclusions. Nous sommes bouleversés et tristes que notre réputation, notre dignité et notre intégrité aient été attaquées de façon injustifiée et mensongère ».