Une soirée Palette-Jasette a été organisée, mercredi 22 mars, pour encourager l’épanouissement de la culture francophone à l’Hôpital Saint-Boniface. 

Dix employé.e.s, munis de leurs trousses de peinture, ont suivi un cours avec l’artiste-peintre Paulette Fournier- Jones, dans une ambiance conviviale et décontractée. 

« Cette soirée fait partie d’un programme que nous appelons Édu-kits, qui existe pour soutenir et encourager ceux et celles parmi notre personnel qui apprennent le français, ou qui veulent améliorer leur français, pour mieux desservir nos patients francophones », explique Julie Lessard, organisatrice de l’évènement. 

C’est le cas d’Ashley Craig, infirmière en soin des plaies complexes. Elle, qui a été dans une école d’immersion de la maternelle jusqu’au secondaire, a quelque peu perdu son français à force d’évoluer professionnellement dans un milieu majoritairement anglophone, depuis voilà maintenant onze années. 

« Et pourtant, j’ai obtenu mon baccalauréat en soins infirmiers à l’Université de Saint-Boniface! Mais il faut dire que tous les stages se déroulaient dans des environnements anglophones. Je comprends parfaitement le français, mais j’ai tendance à oublier des mots quand je m’exprime. Ce genre d’occasions me permettent d’exercer mon français », témoigne-t-elle. 

L’intérêt pour Ashley Craig était aussi de « s’amuser en français » et de « faire connaissance avec des collègues » qu’elle ne connaissait pas forcément. 

Récompenser les efforts 

En recevant un financement, en octobre 2022, dans le cadre du fonds de dotation Soeur St-Yves de la Fondation de l’Hôpital Saint-Boniface, la coordonnatrice de santé des francophones a développé des trousses complètement franco-phones sur différents sujets, comme le soin des pieds, la construction d’un terrarium, faire du sport à la maison ou la peinture. 

« C’est aussi une manière de récompenser et de remercier nos employés qui font l’effort d’apprendre la langue pour offrir des services en français. Il y en a qui prennent de leur temps et qui dépensent de l’argent pour suivre des cours », fait-elle savoir. 

Selon Julie Lessard, sur plus de 4 500 employés à l’Hôpital Saint-Boniface, entre 7 et 8 % du personnel est bilingue. 

Plutôt que de faire la « police francophone » à l’hôpital, la coordonnatrice a opté pour une démarche entraînante. 

« La première trousse, c’était pour le soin des pieds, avec toutes les ressources, le sel, les huiles et un livret. Comme toutes les instructions sont en français, les employés vont faire l’effort de lire et de com-prendre les instructions, suivre les étapes et c’est une bonne méthode d’apprentissage », détaille-t-elle. 

Julie Lessard considère que l’apprentissage d’une langue ne se fait pas qu’en suivant des cours. « Nous pouvons aussi le faire de façon amusante. Une employée totalement anglophone s’est rapprochée de moi récemment. Elle m’a demandé si elle pouvait se procurer une trousse, pour faire une activité à la maison avec ses enfants qui sont dans une école d’immersion », raconte-t-elle 

Une démarche inclusive 

L’organisatrice de l’évènement est ainsi pour une démarche inclusive et proactive. Pour elle, le service en français commence par un simple bonjour. « Puis apprendre à dire à un patient ou à un visiteur « attendez un moment », le temps d’aller trouver un collègue qui parle couramment français… », explique-t-elle. 

Julie Lessard estime aussi que les trousses francophones, comme la soirée peinture, peuvent être considérées comme un bienfait pour la santé mentale. 

« C’est important de prendre soin de soi, déstresser et se pomponner un petit peu. Cela est valable aussi pour socialiser et prendre du bon temps entre collègues, après la période de pandémie », relève-t-elle. 

L’artiste-peintre Paulette Fournier-Jones est du même avis. « J’ai toujours dit à mes élèves que faire de l’art, c’est très thérapeutique. Je pense qu’il y a un manque d’occasion pour les gens de faire l’art. Lorsque nous sommes jeunes, nous faisons toutes sortes d’activités à l’école, mais aussitôt embarqués dans la vie professionnelle, nous perdons le contact avec l’art », fait-elle remarquer. 

Paulette Fournier-Jones a enseigné pendant 25 ans dans l’école francophone Saint-Joachim, à La Broquerie. Depuis qu’elle est à la retraite, elle donne des ateliers lorsque ses services sont sollicités. Dès lors, elle dit se sentir valorisée. 

« Je n’en reviens pas! Il y en a qui sont venus pendant leur pause », se réjouit-elle. 

C’est l’exemple d’Abdel L, commis d’unité. Originaire de l’Afrique du Nord, il est immigrant travailleur depuis une année au Manitoba. « J’ai profité de ma pause pour prendre du plaisir et me faire changer les idées. Échanger en français, aussi », lâche-t-il, timidement. 

Bonne humeur

En recevant ses élèves pour la soirée, la peintre-artiste, dont la bonne humeur est éclatante, a pris le soin de féliciter les employés d’être venus. C’était à dessein. 

« Je sais que c’est stressant de venir faire de la création devant des gens que nous ne connaissons pas. Je leur ai alors appris à prendre des risques et à accepter d’être vulnérable. Je leur ai expliqué que le plus important était le processus de création, l’expérience elle-même et non pas forcément le produit final », soutient-elle. 

Paulette Fournier-Jones, qui a présenté pour modèle à suivre des plumes d’oiseaux, a aussi laissé le choix aux participants de suivre le cours de leur imagination. 

Rachel Poiron a fait ce choix. Elle est commis d’expédition au département de gestion immobilière de l’hôpital et elle est issue d’une famille canadienne-française. 

« Je n’ai pas perdu mon français, mais parfois je le mélange avec l’anglais quand j’oublie un mot. Mon environnement est complètement anglophone, comme je travaille avec des électriciens et des plombiers. Mais je leur apprends à dire bonjour et bien d’autres mots… », lance-t-elle. 

Comme Rachel Poiron s’intéresse à l’art, c’était l’occasion pour elle de joindre l’utile à l’agréable. Sur une toile de 16 centimètres sur 20, elle a ouvert d’autres horizons à coups de pinceaux, après une dure journée de travail. Un soleil resplendissant trône dans un ciel bleu et jette ses rayons sur un lac immense et entouré d’oiseaux et de buissons. L’heure des vacances a peut-être sonné plus tôt que prévue, cette année, pour l’employée du département de la gestion immobilière!