Après 27 ans de loyaux services à Parc Canada, Rosemarie Péloquin a fermé une porte pour en ouvrir une autre. Celle d’une carrière d’artiste en solo. C’était en 2012. 

Il faut dire que quelque chose la prédestinait déjà à embrasser cette aventure artistique. Portée sur les arts depuis son enfance, elle excellait dans la peinture et le dessin. 

Mais de la sculpture en laine? C’était presque un hasard. Du moins une rencontre inattendue. 

« En 2014, j’avais participé à une formation sur le feutrage à l’eau. Comme je n’avais pas trouvé cela passionnant, la formatrice m’a montré la technique du feutrage aux aiguilles et comment donner forme à un visage avec de la laine. Je suis tombée sur le champ en amour avec cet art », raconte-t-elle. 

Rosemarie Péloquin allait développer petit à petit son art, en rejoignant un groupe de 12 femmes artistes du nom de Drawn Together – A Women’s Collective. C’était en 2015, du temps où elle vivait encore à Ste. Rose du Lac. 

Observation

« C’était une façon pour nous d’échanger sur nos expériences multi-artistiques, développer des projets et sortir de l’isolement qui caractérise le monde rural », témoigne-t-elle. 

Mais à partir de 2018, l’artiste allait renouer avec la solitude artistique, en déménageant à Saint Pierre-Jolys. Le hasard allait pourtant la conduire vers une nouvelle aventure. 

La société de production de laine Custom Woollen Mills, en Alberta, l’avait invitée pour une résidence artistique dans une ferme où était installée l’usine de production. En ce temps là, elle ne savait encore sculpter que des visages. 

« Mon studio qui ressemblait à une cabane était collée à la fabrique. J’y avais donc accès et j’ai beaucoup observé les ouvriers travailler la laine. C’est de là qu’est partie l’idée de sculpter des mains en laine », raconte-elle. 

Rosemarie Péloquin trouve quelque chose de poétique à ce que véhiculent les mains. C’est à croire qu’elle les entend lui murmurer des choses. Aussitôt après, elle donne forme à toutes ces émotions sous des représentations multiples. 

« Les mains revêtent un grand sens dans nos vies. Lorsque nous recevons quelque chose, nous ne pouvons pas avoir les mains fermées. Puis quelque chose nous tombe dans les mains! C’est beau aussi de tendre la main à son prochain… J’ai passé un moment à y penser, puis j’ai décidé de conter des histoires », confie-t-elle. 

La période de la pandémie et l’éloignement que le confinement sanitaire a imposé entre les familles et les amis, avait beaucoup donné à réfléchir à l’artiste. 

L’histoire d’une connexion 

Le fruit de ces longues réflexions vient d’être exposé dans les locaux de Prairie Fusion Arts & Entrainement Centre, à Portage la Prairie. Depuis le 10 mars, l’artiste présente une trentaine de mains qui reproduisent des gestes et des attentions de tous les jours. 

L’exposition s’appelle À main levée et elle se clôture le 30 mars. La grande salle abritant l’exposition est quelque peu sombre et les lumières sont braquées sur les oeuvres, comme pour donner l’impression d’une révélation. Les mains sont façonnées suivant la technique du feutrage aux aiguilles barbelées et Rosemarie Péloquin leur fait dire un tas de choses. 

« Le feutrage à la laine est une répétition de petits gestes, comme les éléments qui constituent notre vie de tous les jours. Et ce sont ces petits gestes qui renforcent la famille et la communauté. À mains levées signifie la connexion et le rapprochement entre les êtres », souligne l’artiste. 

C’est à l’exemple de cette scène nommée Dimanche Matin, qui représente deux adultes (voir la photo d’illustration) assis autour d’une table et qui observent leur enfant dessiner. 

D’autres scénarios se produisent aux différents coins de la salle de l’exposition. C’est à l’exemple de la main d’un enfant qui porte un petit coeur en laine et qui évoque le réconfort. 

« Je tisse des coeurs en laine et j’en porte souvent un dans ma poche pour le serrer à chaque fois qu’un être me manque. La pratique s’est un peu répandue dans mon entourage et je reçois souvent des commandes. Il y a des enfants qui portent ces petits coeurs avec eux à l’école, pour les tenir dans leurs mains à chaque fois qu’ils pensent à leurs parents », dit-elle. 

Le sens de l’écoute et de l’observation chez Rosemarie Péloquin l’ont beaucoup aidée dans son ouvrage. «Je suis toujours à l’écoute des gens. Je présente mes oeuvres et je les observe pendant qu’ils s’en rapprochent. Les réactions sont toujours différentes et cela me permet de m’inspirer de leurs moindres gestes », indique-t-elle. 

Pas plus tard que le 22 mars, l’artiste avait été surprise par la réaction d’une femme venue découvrir l’exposition. 

Geste

« En se rapprochant d’une main en laine qui tissait de la laine, elle m’a dit qu’elle se sentait enveloppée et réconfortée. J’ai alors trouvé une dimension thérapeutique à cela », raconte-elle. 

Rosemarie Péloquin a une vision philosophique de son art. Elle considère que le simple geste d’une main en laine peut plonger la personne dans des scènes du passé et de son enfance. 

« Cela peut aussi aider à reconsidérer le présent et l’avenir. Lorsqu’une personne s’attarde devant une main tendue vers une autre, elle va penser à la dernière fois qu’elle avait produit ce même geste. Cette réflexion peut mener bien des gens à se rapprocher les uns des autres. Parce que À main levée, c’est aussi l’histoire d’une connexion », relève-t-elle. 

Rosemarie Péloquin préfère, cependant, porter la main et le regard vers l’avant. « Mon parcours est devant moi et j’ai l’oeil sur les oeuvres à venir. Il y a une quarantaine de mains en production, en ce moment, dans mon studio et j’ai encore la tête pleine d’idées », fait-elle savoir. 

L’artiste prépare d’ailleurs une exposition itinérante à travers le Manitoba pour l’année 2025. Elle ambitionne aussi de faire voyager ses mains