Inès Lombardo

Les députés ont adopté rapidement les 20 derniers articles du projet de loi C-13 sur les langues officielles en séance le 31 mars, grâce à des amendements passés en accord avec le gouvernement du Québec. Une adoption rapide, qui a permis de clore l’examen du texte en comité et de le renvoyer devant la Chambre des Communes pour une troisième lecture.

Le conservateur Joël Godin a souligné l’accord entre le gouvernement fédéral et Québec en comité : « Nous avons reçu 11 amendements hier soir de la part du gouvernement. […] je suis obligé de dire que je fais confiance au gouvernement du Québec beaucoup plus qu’au gouvernement du Canada. »

Selon le député, ce renvoi en Chambre tient principalement aux partis d’opposition qui ont obligé le gouvernement fédéral à « fléchir un peu les genoux ».

Sa réflexion fait référence à la tentative de dépôt des libéraux d’un premier amendement d’une série visant à ajouter de nouvelles dispositions à la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. Cette Loi fait partie de C-13.

Deux avancées pour les francophones minoritaires…

Lors de cette séance du 31 mars, le NPD et les libéraux ont chacun fait adopter à l’unanimité un amendement en faveur des francophones minoritaires au Canada.

Niki Ashton, seule membre du NPD, a ainsi donné « plus de pouvoirs » et a « renforcé le travail très important que fait le Commissaire aux langues officielles », sans lire son amendement, voté à l’unanimité. Le public n’a donc aucune idée de ce que le NPD propose, si ce n’est qu’il s’agit d’une modification du (long) article 36 du projet de loi.

De leur côté, les libéraux ont proposé que le projet de loi soit examiné sur les dix premières années suivant son entrée en vigueur, avec l’angle de « l’épanouissement des minorités francophones et anglophones » et de «la protection et de la promotion du français au Canada ».

Si le projet de loi est adopté, les indicateurs culturels et éducatifs « depuis la petite enfance jusqu’aux études postsecondaires » reliés à, entre autres, la santé et la justice, devront être pris en compte. Tout comme la langue maternelle parlée et le taux d’anglicisation et de francisation.

Et plusieurs pertes

Néanmoins, des tentatives avortées de faire avancer la cause francophone au pays ont aussi été enregistrées. Les conservateurs avaient notamment proposé un amendement pour que la loi prenne en compte des faits survenus après le dépôt d’une plainte auprès du commissaire aux langues officielles, « notamment ceux permettant d’évaluer le bienfondé de la plainte et le caractère convenable et juste de la réparation à accorder ».

Une nécessité, selon le député Godin, pour accélérer le processus de plainte, qui permettrait « aux francophones de perdre moins de temps » et «d’éliminer certaines batailles juridiques », citant au passage celle de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB).

Toujours pour soutenir les causes britannocolombiennes, les conservateurs ont vu leurs espoirs douchés de conditionner la « vitalité institutionnelle de la minorité francophone de la région » à la présence d’un établissement d’enseignement public primaire ou secondaire ou « d’autres institutions appartenant à cette minorité».

Une référence à l’effort colossal déployé par la province pendant des années pour assurer des écoles francophones dans la province.

Les conservateurs et le Bloc québécois ont aussi, sans succès, tenté d’inscrire dans la future loi la capacité de parler français pour les postes de gouverneur général du Canada et de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick.

Les propositions conservatrices et bloquistes ont toutefois été sanctionnées d’irrecevabilité, car de telles nominations à de tels postes relèvent des pouvoirs royaux protégés par la Loi constitutionnelle de 1982, que les parlementaires ne peuvent modifier.

Le député anglo-québécois Housefather seul sur les banquettes libérales

Fait marquant au cours de cette séance : au moment de voter les amendements que Québec a négocié avec les libéraux, le député libéral Anthony Housefather a tenté de faire passer trois amendements pour assurer les droits de la minorité anglophone au Québec.

Ces modifications concernaient le droit des travailleurs anglophones au sein des entreprises privées de compétence fédérale, pour créer des « droits égaux », a plaidé l’élu.

À trois reprises, ses propositions ont été rejetées par les libéraux, les conservateurs, le Bloc et le NPD.

Le député avait fait les manchettes en février dernier avec Marc Garneau, qui a depuis démissionné du caucus libéral, et Emmanuella Lambropoulos, qui avait affirmé — à tort — que l’adoption de la loi 96 au Québec avait eu des conséquences négatives pour les anglophones. Les trois députés avaient catégoriquement refusé toute tentative du Bloc québécois de faire référence à la Charte de la langue française dans le projet de loi C-13.

Après son examen à la Chambre des Communes pour une troisième lecture, le projet de loi C-13 ira au Sénat, avant de recevoir la sanction royale que beaucoup dans la francophonie canadienne espèrent voir avant la fin de la session parlementaire, le 23 juin prochain.