C’est donc en tout 3,8 milliards de $ sur cinq ans qui seront alloués au Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028. Le financement supplémentaire se divise ainsi : 679,2 millions de $ pour l’éducation, 123,2 mil- lions pour l’immigration, 117 millions pour le développement économique, 111,4 millions pour la justice, activités culturelles et petite enfance, 24,5 millions pour la contestation judiciaire et 22,1 millions pour l’application de la Loi sur les langues officielles (LLO).
Alors que le mois de la francophonie s’est terminé il y a quelques jours, Ginette Petitpas Taylor, ministre des Langues officielles, s’était préparée à ces annonces. « J’ai eu la chance de voyager un peu partout au pays pour préparer le dépôt du Plan. J’ai su comprendre qu’il y avait vraiment une fierté de la francophonie canadienne. On peut vraiment sentir cette vitalité. Comme gouvernement fédéral, c’est important qu’on prenne nos responsabilités pour appuyer nos communautés de langues officielles en situation minoritaire. »
Du côté des organismes francophones, cette bonification est accueillie positivement. La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) évoque « un engagement substantiel ».
« C’est assez rare qu’un budget consacre trois pages à la question de la francophonie. C’est inédit que ces trois pages commencent par énoncer que les deux langues officielles ne sont pas sur un pied d’égalité au pays et que le poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire est en baisse. On sent que le gouvernement prend ce déclin au sérieux et fait l’effort de s’adresser à nos enjeux prioritaires », a déclaré Liane Roy, la présidente de la FCFA.
Ralentir le déclin
Cela reste l’une des questions les plus posées à Ginette Petitpas Taylor : comment ralentir et freiner le déclin du fait français?
Le recensement de 2021, dévoilé l’été dernier, montrait que la proportion des Canadiens (incluant les Québécois) pour qui il s’agit de la première langue officielle parlée a diminué, passant de 22,2%en2016à21,4%en2021.
En début d’année 2023, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC), Sean Fraser, a annoncé que le Canada avait atteint sa cible de 4,4 % d’immigrants d’expression française hors Québec en 2022.
Une bonne nouvelle certes, mais cette cible devait être atteinte initialement en 2008. Depuis, la FCFA a proposé de nouvelles cibles : 12 % d’immigrants d’expression française hors Québec en 2024 et 20 % en 2036. La ministre sait tout le travail qu’il reste à faire.
« Quand on regarde à la question de la perte démographique, l’immigration francophone est un item clé. On doit s’assurer d’établir des cibles d’indicateurs.
« Nous allons continuer à consulter les communautés et les intervenants pour voir quelle est la cible adéquate. On parle de chiffre et de cible, mais on doit aussi s’assurer que les immigrants attirés au Canada restent dans les communautés de langues officielles en situation minoritaire. C’est une responsabilité fédérale, mais les Provinces, Territoires et Municipalités ont aussi un rôle à jouer. »
À cet égard, un suivi de ces populations une fois qu’elles sont arrivées est extrêmement important. C’est dans ce cadre que la ministre avait inauguré le Centre d’innovation en immigration francophone à Dieppe, au Nouveau- Brunswick. « Ce centre va faire du travail de recherche pour bien comprendre cette situation et voir ce qu’on peut faire pour attirer et recruter d’autres immigrants francophones. »
C-13, « priorité absolue »
Dans cette optique, Ginette Petitpas Taylor rappelle l’importance du projet de Loi C-13. Encore à l’étude au Comité permanent des langues officielles, ce projet de modernisation de la Loi sur les Langues officielles connaît depuis plusieurs semaines des débats agités autour de plusieurs récents amendements qui ont ralenti le processus. « Si tout va bien, j’espère réellement qu’on pourra voir le passage de ce projet avant la fin de la période parlementaire du mois de juin », lance la ministre.
Sur le fond, malgré les jeux politiques de tout bord, Ginette Petitpas Taylor voit déjà un projet qui vise à moderniser Loi sur les langues officielles plus fort que les moutures précédentes. « C-13 a plus d’éléments que C-32. On a fait plusieurs ajustements. Je pense notamment au Commissaire aux langues officielles qui nous a dit qu’il avait besoin d’outils pour faire son travail. Il ne pouvait que faire des enquêtes, mais sans conséquence après ça.
« Avec la nouvelle mouture, le Commissaire pourra par exemple imposer des sanctions administratives pécuniaires sur certaines entreprises. Il aura aussi des pouvoirs de médiation et d’ordonnance. »
Donc aucun risque que C-13 connaisse le même sort que C-32 et meure au feuilleton? « Je travaille d’arrache-pied pour m’assurer qu’on aura l’adoption de la loi. C-13 fera une réelle différence pour nous, communautés en situation minoritaire. »