Côté politique, le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau avait trois objectifs :

• maintenir l’entente de soutien et de confiance qu’il avait conclue avec le Nouveau Parti démocratique;

• compenser le taux d’inflation toujours trop élevé; et

• réagir au Inflation Reduction Act des États-Unis, une loi qui injecte des milliards de subventions dans l’économie pour encourager une transition vers l’énergie verte.

Côté financier, la ministre prétend que le gouvernement s’est engagé à poursuivre ce qu’elle appelle une « tradition de responsabilité budgétaire ». Cette notion imprécise de responsabilité budgétaire ne sous-entend en aucun temps le retour à l’équilibre budgétaire, puisque ce gouvernement n’a jamais eu une politique qui allait dans ce sens et ce budget n’en prévoit aucune.

À preuve, en novembre dernier, la ministre prévoyait un déficit budgétaire de 30,6 milliards $, un chiffre qui est passé à 41,1 milliards $ la semaine dernière. Le retour à l’équilibre budgétaire avait été prévu pour l’année 2027-2028 avec un surplus de 4,5 milliards $. Quatre mois plus tard, l’équilibre espéré est disparu et le surplus s’est transformé en un potentiel déficit de 14,0 milliards $. Et les frais de la dette qui étaient de 24,5 milliards $ en 2021-2022 pourraient doubler à 50,3 milliards $ en 2027-2028.

Faisant mine de faire des économies, la ministre propose de réduire les dépenses des ministères et organismes fédéraux, les services de consultation et les déplacements des fonctionnaires. Sur des dépenses prévues de 496,9 milliards $ en 2023-2024, ces réductions sont extrêmement modestes.

Tout indique que Justin Trudeau se rappelle que le point tournant de sa campagne en 2015 avait été sa déclaration qu’il prévoyait « un modeste déficit à court terme » de moins de 10 milliards $ pour chacune des trois premières années, puis un budget équilibré en 2019-2020. L’électorat, fatigué des restrictions budgétaires des conservateurs, avait récompensé les libéraux en les portant au pouvoir.

Encore aujourd’hui, Justin Trudeau s’inscrit dans la même logique budgétaire. En se démarquant ainsi de la position des conservateurs de Pierre Poilievre, il a mis la table pour la prochaine élection fédérale qui pourrait avoir lieu, si l’entente avec le Nouveau Parti démocratique tient, en 2025. D’évidence, il parie qu’il pourra convaincre l’électorat que le niveau d’endettement du pays est encore une préoccupation secondaire, et qu’il importe plutôt de miser sur ses trois priorités budgétaires : les soins de santé, incluant un plan dentaire, les mesures pour pallier l’inflation, et l’économie verte.