Il avait alors provoqué un tollé en s’adressant à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain uniquement en anglais. Face à ce reproche, il avait répliqué qu’il n’avait pas le temps d’apprendre le français. Mais, pire encore, il s’était félicité d’avoir réussi à vivre à Montréal pendant 14 ans sans avoir à le parler.

Pour calmer les esprits, Michael Rousseau s’est engagé à apprendre le français. Et le président du Conseil d’administration d’Air Canada, Vagn Sørensen, avait confirmé que l’apprentissage du français « fera partie intégrante de son évaluation de rendement ».

Or la circulaire d’Air Canada se montre très discrète quant aux progrès linguistiques de M. Rousseau. Elle annonce tout simplement que « M. Rousseau a continué à respecter son engagement personnel à apprendre le français ». Cette phrase laconique permet de soupçonner que ses progrès sont encore limités puisque, la semaine dernière, l’émission Zone économie de Radio-Canada révélait que M. Rousseau avait encore une fois refusé de lui accorder une entrevue.

D’évidence, Air Canada ne fait pas un lien étroit entre la rémunération de M. Rousseau et l’évaluation de ses compétences en français : en 2022, il a reçu une compensation globale de 12,38 millions $, une augmentation de 233 % par rapport à l’année précédente. Autre précision : la compensation des cinq principaux dirigeants de la société a augmenté de 8 274 400 $ à 23 149 700 $. La circulaire explique qu’il s’agit de la première année complète après que la société s’est retirée d’un programme d’aide fédéral qui avait plafonné la rémunération des hauts dirigeants. Elle se dit maintenant libre de retourner à ce qu’elle appelle « ses pratiques habituelles basées sur le marché ». Et ce malgré une perte d’exploitation de 187 millions $ en 2022.

Voilà un autre épisode dans la pénible saga des langues officielles de cette société entièrement privatisée en 1989 mais toutefois assujettie à la Loi sur les langues officielles. Les compensations généreuses offertes à ses principaux dirigeants semblent n’avoir aucun effet sur leur volonté de prendre au sérieux leurs responsabilités en ce qui concerne les langues officielles du Canada.

Manifestement, un changement culturel volontaire en profondeur s’impose pour faire d’Air Canada un modèle plutôt que la source de plaintes en ce qui regarde l’égalité des langues officielles. Malheureusement, rien dans la circulaire d’Air Canada ne laisse entrevoir une évolution dans la pensée de ses dirigeants.