Inès Lombardo

« Toutes les provinces et tous les territoires ont reçu la même offre » en matière d’accès à la santé dans la langue de la minorité, a indiqué le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos devant le Comité sénatorial des langues officielles le 17 avril.

Au début février, le gouvernement a conclu une entente avec les provinces et les territoires pour augmenter les transferts fédéraux en santé de 46,2 milliards pour les dix prochaines années.

Les ententes entre les provinces, les territoires et le fédéral comprennent des « indicateurs clés », comme l’embauche de personnel de la santé ou le taux d’accès à la médecine familiale, pour faire respecter les clauses linguistiques. Un suivi des progrès en matière d’accès aux soins dans la langue de son choix fait également partie du marché conclu avec les provinces.

Engagement de façade?

« Lorsque [les provinces et territoires] acceptent une lettre d’entente de principe, ils doivent répondre essentiellement et explicitement qu’ils sont d’accord sur l’importance d’avoir des indicateurs dans leurs plans », a précisé le ministre.

Mais si le gouvernement les « encourage » à respecter leurs obligations linguistiques au sein des transferts, rien ne les y contraint réellement.

Certaines ententes en cours de négociation contiendraient un « engagement » de la part des provinces et des territoires pour améliorer les services pour les populations en quête d’équité, dont les CLOSM.

Ces ententes sont « un outil que nous pouvons utiliser, pour nous assurer qu’ils améliorent les services aux communautés de langue officielle en situation minoritaire », a renchéri la sous-ministre Jocelyne Voisin devant le Comité.

Tout au long de la rencontre, le ministre Duclos et les fonctionnaires du ministère fédéral de la Santé ont répété avec insistance que les provinces et les territoires étaient compétents pour gérer la livraison des services de santé.

Peu de données sur l’accès à la santé dans les CLOSM

Interrogé par le sénateur Pierre J. Dalphond sur la qualité des informations des usagers et des professionnels de santé, incluant les préférences linguistiques, le ministre Duclos a affirmé que pour bâtir les ententes avec les provinces, son ministère disposait de huit indicateurs « de haut niveau », dont la santé mentale, les travailleurs en médecine familiale ou encore l’usage des données.

Il a néanmoins reconnu que les données de base dont son ministère dispose sont peu exploitées pour tirer des analyses, notamment en ce qui concerne la santé publique dans les CLOSM.

« Dans la plupart des cas, nous n’avons pas d’information sur l’accès à la médecine familiale en milieu rural » a pointé Jean-Yves Duclos.

Un travail plus approfondi « au cours des prochaines années » avec l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) permettrait d’exploiter ces données, a indiqué le ministre, qui ne s’y est pas formellement engagé pour autant.

Mobilité et personnel étranger : un consensus « dans les prochains mois »

L’assurance de Jean-Yves Duclos a plutôt porté sur le consensus « dans les prochains mois » concernant la mobilité des professionnels de santé entre les provinces et territoires. Le Conseil de la fédération l’aurait pratiquement décidé.

Le ministre a pris l’exemple du registre régional de médecins et chirurgiens, porté par les provinces de l’Atlantique. «Un médecin qui travaille dans l’une des quatre provinces [de l’Atlantique] pourra travailler dans l’une des quatre autres», a-t-il rappelé.

Le ministre a parlé d’un « consensus encore meilleur » pour les professionnels de la santé formés à l’étranger, pour qui la reconnaissance des titres et compétences est ardue au Canada.

« Lorsqu’une province pourra reconnaitre les compétences de travailleurs formés à l’étranger, ces derniers pourront plus facilement se déplacer ou offrir leurs services de manière virtuelle et collaborative. Cela comprend les populations vivant en situation linguistique minoritaire. »

Mais au moment de répondre sur la vérification des titres de ces personnes, le ministre de la Santé s’est contenté de réitérer que les provinces et territoires étaient compétents. « Si on facilite la venue des travailleurs étrangers, on facilite la venue de ceux qui peuvent venir en milieu minoritaire », a-t-il fait valoir.

Jean-Yves Duclos a notamment fait valoir qu’il existait le Programme pour les langues officielles en santé (PLOS), créé en 2003, qui a formé 10 000 professionnels de la santé bilingue.

Il a aussi rappelé que le Budget 2022 avait aidé 11 000 personnes à travailler dans les CLOSM. Mais, encore une fois, aucun engagement n’a été pris devant le Comité.