Lorsqu’il est question de gaspillage alimentaire, il faut tout d’abord s’entendre sur cette notion. Le gaspillage alimentaire est la perte, la dégradation ou le fait de jeter une partie comestible, d’un aliment destiné à la consommation humaine dans n’importe quelle étape de sa vie. Dans cette définition, ce qu’il faut retenir, c’est le mot comestible, puisque dans beaucoup d’études qui portent sur le gaspillage alimentaire, les chiffres incluent les aliments non comestibles et la perte d’humidité.

Des éléments qui peuvent créer de la confusion comme l’explique Éric Ménard, expert et leader en lutte au gaspillage alimentaire et en consommation éthico-responsable, qui tente de faire tomber ces fausses croyances. « Les chiffres présentés dans les études sont à prendre avec précaution. Il est difficile de leur faire confiance. Tout repose sur comment ils ont été calculés. Une étude se lit en entier. Il y a un contexte autour du chiffre.

« Dans certaines études, il y a les parties non comestibles qui sont incluses. Ce n’est pas du gaspillage lorsque ce n’est pas comestibles. C’est pour ces raisons que les chiffres méritent d’être étudiés avec plus d’attention. »

Enjeu important

Alors quand certains écrivent que 58 % de la nourriture produite est gaspillée au Canada, ce n’est pas totalement vrai. En réalité, il s’agirait plutôt de 30 %, soit environ 11,17 millions de tonnes. Cependant, Éric Ménard affirme que malgré une mauvaise interprétation des chiffres, 30 % de gaspillage alimentaire reste un enjeu inquiétant. À l’échelle individuelle, cela correspond à environ 70 kgs de nourriture comestible gaspillée par personne par année.

Depuis plusieurs années, Éric Ménard travaille pour accompagner les personnes dans la réduction du gaspillage alimentaire. L’un des facteurs qui contribuent à ces millions de tonnes d’aliments jetés est la date de péremption ou la date de « meilleur avant ». Tous les aliments en possèdent une, mais au final qu’est-ce que c’est? Éric Ménard donne les grandes lignes. « Il y a des raisons officielles pour avoir une date de péremption. C’est une recommandation aux consommateurs pour consommer le produit lorsqu’il est à sa meilleure qualité.

« Les fabricants veulent que les gens mangent les produits lorsqu’ils sont les plus frais et ils ont le plus de qualité possible. C’est dans leurs objectifs, pour que les consommateurs rachètent leurs produits. »

De la compréhension

Outre cet aspect commercial, il y a évidemment une question de salubrité des produits, comme le souligne Éric Ménard. « C’est mieux de manger les produits avant cette date. Dans le meilleur des mondes, tout le monde le fait et il n’y a jamais de produits jetés.

« Cependant, il y a eu quelques détournements de compréhension. Cette date sert d’indication pour la qualité du produit. Mais il y a énormément de produits qui peuvent être consommés après. »

L’exemple le plus commun est celui de la consommation d’un yaourt après sa date de péremption. Un point sur lequel rebondit Éric Ménard. « Le yaourt est un des produits qui peut se garder très longtemps après la date, sans problème. Même plus que quelques semaines. Une émission avait fait un test de salubrité sur un yaourt qui avait passé sa date de péremption de neuf mois. Il était encore très salubre.

« Les aliments ne deviennent pas non comestibles après cette date de péremption, ils ont juste un risque d’avoir perdu de leur qualité. »

Une meilleure éducation

Un consommateur averti en vaut mieux que deux. Cependant, les consommateurs ne sont pas les seuls à avoir un rôle à jouer. « Il y a beaucoup de produits qui peuvent ne pas se retrouver sur les étagères parce qu’il y a eu un délai dans la chaîne d’approvisionnement. Les produits ont alors une date de péremption trop rapprochée et ils n’auront pas le temps d’être achetés et consommés. Alors ces produits sont jetés, même s’ils sont bons au moment de les jeter. »

Être informé pour mieux consommer est donc nécessaire pour éviter un certain gaspillage alimentaire, bien que le bon sens prévale, comme l’indique Éric Ménard.

« Les produits qui sont les plus concernés par cette date de péremption sont les produits auxquels les gens font déjà attention, comme les poissons, les viandes, les fruits de mer.

« Pour la vaste majorité des produits non réfrigérés qui ont une durée de conservation de plus de 90 jours, outre les produits de boulangerie, la date de péremption n’est pas obligatoire. »

Une étape à la fois

Sucre, farine ou encore confiture pourraient donc se passer d’une date de péremption. « Mais des consommateurs sont tellement habitués d’avoir cette date que ne pas la voir sur un produit pourrait les perturber.

« Une meilleure éducation dès l’enfance pourrait permettre une consommation plus responsable et de combattre des croyances bien ancrées. La société gagnerait à intégrer un volet à l’école sur cette question. Par exemple : pendant longtemps, je pensais que la peau de la courge de butternut ne se mangeait pas. Sauf que si, elle est comestible. »

La lutte contre le gaspillage alimentaire, c’est une étape à la fois. Éric Ménard donne une piste de solution pour commencer. « Le soir, quand on se demande ce qu’on va manger, essayons de faire une recette avec les ingrédients du frigo et des placards plutôt que d’aller acheter autre chose pour le repas. C’est déjà un grand pas. »