Pour les besoins de cette étude, la spécialiste en éducation s’est vue octroyer 90 000 $ par le fonds Nouvelles frontières (1). Appelée à appliquer pour ce fonds en août 2021, c’est en avril 2022 que Gail Cormier recevait la bonne nouvelle. Son projet est d’ailleurs « l’unique projet en éducation en milieu minoritaire francophone à l’échelle du pays et compte parmi les quatre seules demandes en français qui ont été retenues », peut-on lire sur le site web de l’USB.

Gail Cormier rappelle le contexte à cette époque. « Avec la pandémie, tout s’est fermé très vite. On s’est demandé : comment continuer à faire de la recherche dans ces conditions? On ne pouvait plus travailler correctement, même une entrevue, c’était impossible. On ne pouvait plus travailler sur le terrain, donc plus de recherche. Et je me suis aussi retrouvée dans cette situation. »

La professeure, à l’USB depuis 2018, ne voulait pas que la pandémie lui dicte sa façon de travailler. Même si, selon elle, cette période a eu un impact important sur l’éducation et « ça va prendre du travail pour rattraper ce qu’on a perdu ».

S’adapter

Malgré ce constat, elle a alors cherché à s’adapter à cette nouvelle réalité. Et en matière d’adaptation, elle a vite remarqué que tous les enseignants, comme elle, se sont adaptés et ont surmonté les défis qui leur étaient présentés. Son projet évoluant, Gail Cormier cherche alors à se mettre en contact avec les enseignants de la province en contournant les difficultés créées par la pandémie. Son but : aller à la rencontre de ces professeurs, parfois loin des grands centres, qui luttent au quotidien pour faire vivre le fait français dans les écoles. « J’ai commencé plus activement en septembre 2022. Il y a 47 écoles d’immersion française au rural au Manitoba. J’ai contacté toutes les divisions scolaires, c’est quelque chose comme 23 divisions scolaires différentes. Je voulais vraiment parler aux enseignants dans les programmes d’immersion française. Je me suis entretenue avec eux via Zoom. Puis, eux autres, avec une tablette, m’ont donné une tournée virtuelle de leur école. On commentait le paysage linguistique qu’on voyait et je prenais des captures d’écran. Je rentrais dans leur école depuis mon bureau à Winnipeg. »

Gail Cormier concède d’ailleurs qu’elle n’aurait jamais fait sa recherche de cette façon si la pandémie n’était pas passée par là. La technologie lui a donc permis d’éliminer des barrières et a ouvert des possibilités encore inexplorées. « En parlant avec les enseignants en milieu rural, ils sont parfois, dans ces situations, les seuls enseignants qui parlent le français dans leur école. Le programme d’immersion, c’est eux! Ça prend une personne. Ça peut être isolant et ça leur met une forme de responsabilité. Si les enseignants d’immersion voient une faute ou s’il manque de l’affichage en français, ils prennent très à cœur ce genre de chose et se sentent responsables de faire les changements. »

« Aussi beaucoup de ces divisions scolaires étudiées sont dirigées par des directions anglophones, et pourtant elles essaient toutes de promouvoir le français et le programme d’immersion dans nos écoles. Des choses simples ont un impact. Par exemple : sur ma porte, est-il écrit Madame Cormier ou Miss Cormier? Ce sont ces détails qui font la différence. »

Gail Cormier

Analyse des données

À date, Gail Cormier en est environ à la moitié de son étude qui doit se terminer à la fin février 2024. Elle se prépare à une nouvelle ronde d’entrevues, à distance et aussi en personne, et commence doucement l’analyse des données déjà récupérées. S’il est encore tôt pour les conclusions, plusieurs tendances se dégagent. « Déjà, c’est un grand plaisir pour moi de rentrer dans ces écoles-là et de voir à quel point il y a des personnes passionnées par le français dans tous les coins de la province. Et ce sont des coins qu’on ne voit pas assez. Le programme d’immersion française ainsi que la DSFM contribuent à avoir des locuteurs francophones. Il y a du très beau travail qui est fait. Se dire que des parents dans des petites communautés anglophones veulent et envoient leurs enfants dans ces programmes et croient dans cette éducation, c’est très intéressant. »

Gail Cormier espère aussi, en mettant en avant les histoires de ces enseignants, démontrer la vitalité bien réelle pour cette éducation. « Je veux valoriser la perspective de ces gens-là avec leurs défis et leurs succès. Aussi beaucoup de ces divisions scolaires étudiées sont dirigées par des directions anglophones, et pourtant elles essaient toutes de promouvoir le français et le programme d’immersion dans nos écoles. Des choses simples ont un impact. Par exemple : sur ma porte, est-il écrit Madame Cormier ou Miss Cormier? Ce sont ces détails qui font la différence. »

(1) Pour information, ce fonds est administré par le Secrétariat des programmes interorganismes à l’intention des établissements pour les trois organismes qui subventionnent la recherche au Canada : le Conseil des recherches en sciences humaines, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et les Instituts de recherche en santé du Canada.