Marianne Dépelteau
Une collaboration entre le Centre interdisciplinaire pour la santé des Noir.e.s et la Faculté des sciences de la santé de l’établissement a permis la création de ce laboratoire visant à améliorer la santé des personnes âgées. La recherche portera sur les soins de longue durée ethnospécifiques à domicile et en établissement.
« L’initiative mettra l’accent sur l’équité en matière de santé en veillant à ce que les interventions soient adaptées aux besoins spécifiques des groupes les plus vulnérables, notamment les personnes ainées défavorisées, autochtones, issues de la diversité et LGBTQ+ », peut-on lire dans le communiqué de presse de l’Université d’Ottawa.
« Les conditions de vie en résidence ne se prêtent pas bien à ces minorités qui sont issues d’une culture différente », observe Idrissa Boego, professeur adjoint à l’École des sciences infirmières (ÉSI) de la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa et directeur du LESA.
« L’alimentation, ce n’est pas évident, dit-il. Manger des patates pilées tout le temps pour quelqu’un qui, dans sa vie active, mangeait [autrement]. C’est un peu la même chose pour les minorités arabes qui sont musulmanes. Comment pratiquer ses prières quotidiennes? Ils ne mangent pas de porc, comment s’assurer que dans les repas il n’y a pas de porc? »
« En réalité, même les personnes âgées blanches en ont marre de ce qu’on leur sert. »
La francophonie sous la loupe
Bien que le LESA ne se concentre pas exclusivement sur les francophones en situation minoritaire, Idrissa Boego compte bien se pencher sur leurs besoins particuliers. « [Après avoir] fait un tour à Winnipeg, raconte-t-il. J’ai compris à ce moment-là combien c’était difficile de vivre en tant que francophone dans cet océan anglophone. »
Pour Jean-Luc Racine, directeur général de la Fédération des ainées et ainés francophones du Canada (FAAFC), le lancement du LESA est une « excellente nouvelle ».
« On n’a pas toujours les services dont on aurait besoin, explique-t-il. Souvent [les ainés] vivent en français dans nos communautés et dès qu’ils tombent malades, ils sont souvent expatriés de leurs communautés. Ils s’en vont dans des résidences pour ainés avec soins, avec aucune considération par rapport à la langue. »
Il ajoute que pour certains groupes minoritaires, « il y a un choc culturel par rapport aux services. Par exemple, […] certains ne comprennent pas qu’on puisse “placer” les ainés dans des résidences. Pour eux, c’est à domicile que ça se fait. »
« Il faut adapter les services de santé pour tenir compte de cette dimension culturelle qu’on néglige parfois dans le système de santé », ajoute le directeur de la FAAFC. Il espère que la recherche du LESA facilitera cette adaptation.
Combler un manque
Idrissa Boego identifie des lacunes dans la littérature sur les soins de longue durée et sur les minorités dans ce domaine. « La littérature que nous utilisons vient des États-Unis […] les réalités sont totalement différentes. »
Il espère que ses recherches aideront à éclairer les décideurs politiques. « On peut critiquer les décideurs dans tous les sens, tant qu’ils n’ont pas de résultats dérivants de recherches, c’est difficile de prendre une décision. On ne peut pas se fonder sur la littérature étatsunienne pour prendre des décisions [ici]. »