Inès Lombardo

Le projet de loi C-13 a passé l’étape de la troisième lecture en Chambre, avec un vote libéral contre : celui du député de Mont-Royal, Anthony Housefather. Les autres députés libéraux anglo-québécois, tels que le ministre Marc Miller, Patricia Lattanzio ou encore Emmanuella Lambropoulos, ont finalement voté en faveur virtuellement.

« Mon collègue a eu la chance de partager ses inquiétudes de certains de ses commettants. Finalement aujourd’hui il a pris sa décision finale. […] Je ne suis pas rancunière », a répondu la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor à la question d’éventuelles sanctions contre M. Housefather.

Elle a par la suite reconnu que la langue française « est la seule langue menacée au Canada », mais a tenu à rassurer la minorité anglophone : « La modernisation de la Loi sur les langues officielles n’enlève aucun droit aux anglophones du Québec. »

Du côté des conservateurs, le député Joël Godin a expliqué en entrevue que son parti n’avait pas dévoilé ses intentions de vote en raison de « certains libéraux frileux » à voter.

La deuxième lecture au Sénat devrait avoir lieu ce jeudi 18 mai, selon le bureau du sénateur indépendant du Nouveau-Brunswick, René Cormier, président du Comité permanent des langues officielles à la Chambre haute.

« Du travail à faire » au Sénat avant juin

« Nous reconnaissons que le Sénat a du travail à faire », a lâché Ginette Petitpas Taylor, qui espère voir la sanction royale apposée sur son projet de loi avant la pause parlementaire estivale, le 23 juin.

Le porte-parole conservateur pour les Langues officielles, Joël Godin, pense toutefois que le projet de loi a de bonnes chances d’être adopté avant cette échéance.

Le projet de loi C-13 validé en troisième lecture à la Chambre des Communes passe en deuxième lecture au Sénat. Il cheminera ensuite vers le Comité sénatorial des langues officielles qui entendra des témoins si besoin et rendra un rapport, qui sera remis en troisième et dernière lecture au Sénat, avant la sanction royale.

« Les sénateurs ont mené une préétude du projet de loi C-13, ils ont quand même déjà entendu des témoins. J’espère qu’on pourra voir l’adoption dans les plus brefs délais, mais on respecte le travail des sénateurs et sénatrices », a précisé la ministre des Langues officielles.

Bien que René Cormier espère une adoption rapide de C-13, il rappelle toutefois que les prochaines étapes au Sénat ne seront pas accessoires.

« Ce sont les mêmes étapes qu’à la Chambre des Communes, observe-t-il. Dire que c’est une formalité, c’est sous-estimer l’expertise du Sénat et [le fait] que les sénateurs ont la responsabilité constitutionnelle d’examiner les projets de loi avec un second regard attentif pour s’assurer que les enjeux qui touchent la population canadienne soient pris en compte. »

« On sait dans quel état C-13 nous arrive. C’est sûr que le travail en comité va aussi dépendre des discours des sénateurs et sénatrices en 2e lecture », ajoute René Cormier.

Pour le sénateur acadien, C-13 au Sénat est une question « d’équilibre » : « Il y a une volonté qu’on fasse notre travail avec rigueur, mais en même temps, qu’on ne retarde pas indument l’adoption du projet de loi. »

Toutefois, selon lui, une adoption trop rapide viendrait « à l’encontre de l’esprit de travail du Sénat ».

Un travail facilité par la Chambre

Par ailleurs, le travail réalisé à la Chambre des communes « facilite en un sens » le travail à venir du Sénat, au vu des amendements votés et du temps passé en comité.

« Il faut applaudir ce travail-là, souligne encore René Cormier. [Les députés] ont déjà fait une partie importance de la réflexion sur certaines dispositions. À nous de voir si tous les amendements proposés respectent l’esprit de la loi et la constitutionnalité. »

Selon lui, les membres du Comité permanent des langues officielles du Sénat sont « bien équipés » et ont l’expertise pour s’attaquer aux amendements de C-13.

À cela s’ajoute le fait que le Sénat a déjà étudié la question de la modernisation en 2017, rendu plusieurs rapports en 2019 et fait une étude préalable l’automne dernier sur C-13.

Les demandes des communautés francophones en situation minoritaire sont claires et ont été entendues au comité sénatorial. Les anglophones minoritaires demeurent toutefois inquiets, notamment à propos de la référence à la Charte de la langue française du Québec dans la Loi sur les langues officielles modernisée.

« C’est important que [ces] inquiétudes et demandes soient prises en compte par l’étude qui sera faite au Sénat », rapporte René Cormier.

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) craint qu’il y ait un «risque» que le projet de loi ne reçoive pas la sanction royale avant l’automne. « Présumer que le projet de loi sera adopté dans les deux ou trois semaines qui viennent est impossible, ça va à l’encontre de l’esprit de travail du Sénat », tempère René Cormier.