André Samson, professeur titulaire d’orientation scolaire et professionnelle à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, conclut une étude qui porte sur la motivation à poursuivre ses études postsecondaires en français en milieu minoritaire.

Ayant déjà effectué plusieurs recherches auprès d’élèves au secondaire, André Samson se tourne vers les étudiants postsecondaires.

Les résultats préliminaires tentent d’expliquer pourquoi les jeunes issus de ces milieux sont portés vers des études postsecondaires en français et délimitent des aspects indispensables à la construction de l’identité francophone en milieu minoritaire.

Identité culturelle

Attiré par ce sujet en raison de sa propre identité francophone, le chercheur insiste sur l’importance d’affirmer son identité culturelle, surtout dans des communautés minoritaires. « La jeunesse francophone est l’avenir de nos communautés. En choisissant de poursuivre leurs études en français, ils soutiennent la francophonie. »

Cette recherche rassemble des témoignages de 30 individus qui étudient en français en situation de langue minoritaire. Des étudiants de l’Université Sainte-Anne, du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick, de l’Université d’Ottawa et de l’Université de Saint-Boniface (USB) ont participé à l’étude.

« Une recherche qualitative s’appuie sur les témoignages, leurs convergences et leurs divergences, pour en tirer des conclusions. D’habitude pour une étude pareille, on aurait simplement recueilli une douzaine de témoignages. J’ai été chanceux de pouvoir en recueillir 30 », signale André Samson, témoignant de l’engagement des jeunes francophones.

Motivation

Grâce à ces nombreux témoignages, le chercheur a été en mesure d’identifier quelques facteurs clefs qui motivent les jeunes à poursuivre des études postsecondaires en français.

« L’identité des jeunes se construit dans leur communauté, dans leur l’école, dans leur village et dans leurs quartiers. Il n’est donc pas surprenant pour ces jeunes de développer une appartenance à l’identité culturelle de leur communauté. »

Chez les jeunes avec une forte appartenance, poursuivre ses études en français était ce qu’il y avait de plus naturel pour eux. « Pour les jeunes francophones ayant grandi dans des milieux francophones minoritaires, les études postsecondaires en français, c’est un automatisme », souligne André Samson.

Ce phénomène se produit aussi chez les jeunes qui intègrent la communauté francophone. « J’ai fait une entrevue avec une jeune femme venant d’une famille anglophone qui avait fait ses études en français dès son plus jeune âge. Aujourd’hui, son appartenance à cette communauté est si forte qu’elle s’identifie comme francophone. »

Compétence

La construction identitaire s’effectue aussi en développant un sentiment de compétence. Dans le cas de cette étude, c’est une compétence en français et inévitablement en anglais.

« Dans un milieu où le français est une langue minoritaire, l’anglais, c’est comme l’air qu’on respire, c’est partout! Se sentir compétent en français permet à la langue de ne pas s’oublier, et suivre des études postsecondaires en français évite que la langue soit limitée à la vie privée des gens. »

Grâce à l’appartenance et la compétence expliquées plus haut, une autonomie se manifeste chez les étudiants. « Une fois leurs sentiments d’appartenance et de compétence développés, les jeunes découvrent leur autonomie. Souvent, des études en français donnent aux jeunes le senti- ment d’être prêts pour le marché du travail après avoir fait des choix pour l’épanouissement de leur identité culturelle », affirme André Samson.

Des avantages

Habitué des études effectuées auprès des jeunes de cet âge, André Samson souligne la pertinence de son analyse préliminaire. « La motivation qu’ont les jeunes à poursuivre leurs études en français est fascinante. C’est une motivation qui vient de soi, ils choisissent de poursuivre leurs études en français car c’est ce qu’ils aiment. Leur motivation n’est pas influencée par des éléments extérieurs comme l’argent. C’est cela qui en fait sa force. La motivation que j’appellerai intrinsèque ou vocationnelle ne ternit pas avec le temps. »

Les jeunes qui étudient dans les institutions francophones ont souvent certains avantages, comme l’explique André Samson. « Plusieurs étudiants de l’USB suivent aussi des cours à l’Université du Manitoba. Les classes de l’USB rassemblent 30 à 40 étudiants, contrairement à U of M qui rassemble souvent des centaines d’étudiants tout en rendant l’accès aux professeurs plus difficile. »

Adaptation

« On entend souvent dire que c’est plus sûr d’étudier en anglais et que ce serait un désavantage d’étudier en français. Pour les étudiants avec qui j’ai parlé, leurs études en français ont facilité leurs capacités d’adaptation et ils m’ont dit qu’étudier en anglais leur aurait compliqué la vie. »

Ces premières données coïncident aussi avec d’autres recherches. « Ce qui a vraiment validé mes analyses, c’est qu’elles rejoignaient des théories plus larges. Comme celles qui ont étudié les liens culturels et identitaires des individus en situation minoritaire, que ce soit une minorité ethnique, une minorité en langue ou une minorité d’identité de genre comme personnes 2SLGBTQ+. »

La valorisation de l’identité culturelle se dévoile comme un outil indispensable pour le bien-être des sociétés multiculturelles, comme le Canada. « Les étudiants de l’Université de Saint-Boniface m’ont fait comprendre que l’autonomie et la confiance qu’ils ont acquises leur permettaient de mieux accueillir d’autres étudiants qui avaient un bagage culturel différent ou des accents différents. »

(1) Il sera possible de retrouver les résultats complets de l’analyse des données effectuées par André Samson à l’automne 2023.