La nouvelle Présidente parle de « tourbillon » quand il s’agit de décrire les premiers jours qui ont suivi sa nomination. Ses premières pensées sont justement allées à sa communauté. « Je voulais certainement prendre le temps de saluer les gens du Manitoba, et aussi les membres de la francophonie manitobaine. C’est important pour moi de demeurer en contact avec ma communauté », estime la récipiendaire du Prix Riel en 2015.
« Honneur et privilège », voilà ce que représente cette nomination pour Raymonde Gagné, qui a été nommée par la gouverneure générale sur l’avis du Premier ministre Justin Trudeau. Ce dernier a eu d’ailleurs quelques mots pour la nouvelle Présidente. « La sénatrice Gagné est reconnue pour ses idées productives, objectives et équilibrées, et elle apporte une vaste expérience au rôle de Président du Sénat. Je suis convaincu qu’elle saura préserver l’intégrité de la Chambre haute et maintenir la confiance des Canadiens dans leurs institutions démocratiques », avait-il notamment déclaré.
Une voix pour la francophonie
La responsabilité de Raymonde Gagné atteint désormais un tout autre niveau. En plus de présider les travaux de la Chambre rouge (1), elle fait respecter les règles et veille au bon déroulement des délibérations. La Présidente du Sénat va aussi jouer un rôle de diplomate. En effet, après le gouverneur général, le Premier ministre du Canada et le juge en chef du Canada, le président du Sénat est la quatrième personnalité la plus importante du pays dans l’ordre de la préséance.
Pour information, les sénateurs et sénatrices sont 19e dans cet ordre. C’est donc un grand changement pour Raymonde Gagné. « On est appelé à accueillir des dirigeants et des délégations étrangères. On est aussi appelé à siéger dans des délégations parlementaires à l’extérieur du Canada.
« On devient alors le visage du pays auprès des parlements des autres pays. J’espère être digne de cette responsabilité. Et si j’ai accepté, c’est que je crois pouvoir jouer un rôle important pour donner voix aux Canadiens et Canadiennes, à la francophonie et aux communautés francophones en situation minoritaire. »
C-13 au menu
Sénatrice indépendante depuis le 1er avril 2016, Raymonde Gagné se souvient de plusieurs projets marquants au cours de ces dernières années. Sans hésiter, la femme politique pense à tout le travail réalisé auprès du Comité des langues officielles. « Ça a été une priorité. J’ai toujours été très active dans le cadre de comité-là », lance-t-elle.
D’ailleurs, ce sujet, si important pour elle, la suit toujours aujourd’hui. Hasard ou coïncidence, sa nomination a été annoncée trois jours avant que le projet de loi C-13, qui vise à moderniser la Loi sur les langues officielles, ne soit adopté en troisième lecture à la Chambre des communes. Le projet est, à l’heure de passer sous presse, étudié par le Sénat. « C’est même le tout premier message envoyé par la Chambre des communes que j’ai dû annoncer. C’est le premier projet de loi qu’on a reçu sous ma présidence. Ça révèle une certaine importance. Étant une fière Franco-Manitobaine, ça signifie beaucoup. J’espère vraiment que le projet puisse maintenant voir le jour dans des délais raisonnables. »
Éducation et jeunesse
D’un point de vue plus personnel, Raymonde Gagné, ancienne rectrice de l’Université de Saint-Boniface (USB), souhaite aussi trouver sa place en poussant sur certains sujets comme l’éducation ou l’engagement des jeunes. «Ilyauneffortdelapart du Sénat pour être impliqué dans le développement d’outils démocratiques. Il faut encourager les discussions, j’ai moi-même rencontré récemment des classes de 3e et 4e année.
« Le Sénat propose par exemple le programme S’ENgage, qui est une bonne façon pour les jeunes, partout au pays, de rentrer en contact avec les sénateurs et comprendre le rôle du Sénat dans notre démocratie. »
Si cet organe démocratique gagne à être plus connu selon la nouvelle présidente, le Sénat a aussi un enjeu de représentativité. Si la parité hommes-femmes a été atteinte pour la première fois au Sénat en 2020, il reste du travail sur la question de la diversité des profils. « Le Sénat a beaucoup évolué ces dernières années. Il faut pouvoir entendre différentes voix et je suis contente de voir ces changements, qui finalement servent les Canadiens. »
Raymonde Gagné se donne donc du temps pour servir au mieux la population et trouver ses marques dans ce nouveau rôle. Nommée sans échéance fixe, Raymonde Gagné pourrait rester à ce poste jusqu’à sa retraite prévue en 2031. Alors, s’imagine-t-elle présidente jusque-là? « Ça ne sera pas nécessairement ma décision. On a vu dans le passé qu’un changement de gouvernement peut avoir un impact sur ce poste. Donc, je n’y pense pas, et je peux difficilement y répondre. »
(1) La Chambre rouge est l’un des surnoms du Sénat du Canada. On peut aussi l’appeler Chambre haute ou encore Chambre de second examen objectif.
Une fierté manitobaine
Née à Saint-Pierre-Jolys, et résidente de Saint- Boniface, Raymonde Gagné est très heureuse, par sa nomination, de représenter le Manitoba.
Raymond Maynard, maire de Saint-Pierre-Jolys, y voit aussi une grande fierté pour son village. « On est très content de voir quelqu’un de chez nous occuper une telle position. C’est un honneur et un gros atout pour notre village. »
Raymond Maynard « espère » aussi que cette nomination provoque peut-être de futures vocations chez les jeunes de Saint-Pierre-Jolys. Sur ce sujet, Raymonde Gagné souhaite également montrer qu’il est possible pour tous d’y arriver. « Pour moi, c’est une occasion de pouvoir éveiller ce désir de la part des jeunes. J’espère que ça inspire plus de gens à s’engager dans toute activité de démocratie, que ce soit dans leurs provinces, villes ou municipalités. »
Du côté de l’Université de Saint-Boniface, ce fut égale- ment un grand honneur d’apprendre cette nomination. Raymond Gagné a été rectrice de l’USB de 2003 à 2014. Pendant cette période, elle a notamment dirigé les démarches pour faire de cet établissement, qui avait le statut de collège, une université. « Quelle excellente nouvelle pour la francophonie manitobaine! La sénatrice Raymonde Gagné, qui a été étudiante, membre de l’équipe de direction ainsi que du corps professoral, puis rectrice de l’USB, se distingue à nouveau et offre un modèle inspirant pour la population étudiante de notre établissement et la communauté dans son ensemble. Par sa vision et son leadership, elle a laissé sa marque à l’USB. Nous lui souhaitons de tout cœur autant de succès dans son nouveau rôle à la présidence du Sénat », souligne Sophie Bouffard, la rectrice en exercice depuis 2019