Il y a des passions héritées par nos parents, d’autres qui viennent de notre cercle d’amis et pour Claude Desrosiers c’est le hasard qui l’a conduit jusqu’aux orgues. « En 1945, je suis entré dans un collège du Québec, j’arrivais tout juste de la Saskatchewan. J’allais suivre un programme de formation en vue de la vie religieuse. J’étais très intéressé par la liturgie. Et en arrivant au Québec, je suis tombé en amour avec les orgues.

« Entre cet amour et mon désir d’accompagner la musique religieuse, je me suis naturel- lement tourné vers l’orgue. »

Autodidacte, Claude Desrosiers a rapidement pianoté quelques notes à son collège du Québec. « Au collège, il n’y avait pas vraiment de programme spécialisé en musique. Mais il y avait des pianos et des harmoniums dans tous les coins. Nous étions très encouragés de nous en servir. Alors je m’en servais! Je jouais de l’orgue et du piano. C’est resté en moi.

Apprentissage

« Je me souviens qu’il y avait un frère du Sacré-Cœur qui avait un doctorat en musique. Il avait pris un petit groupe d’étudiants pour les vacances de Pâques, il nous a enseigné des méthodes d’accompagnement à partir de la ligne de musique. Il nous montrait la note et il fallait qu’on nomme l’accord. Il voulait que ce soit instantané. »

Après sa formation, Claude Desrosiers est devenu enseignant, il a occupé des postes au Québec, en Ontario, en Saskatchewan jusqu’à atterrir au Manitoba. « Pendant mes années d’enseignant, je ne jouais plus vraiment. J’ai pris la direction du secondaire à McCreary. À l’école, il m’arrivait de passer près du piano et de jouer quelques accords. Rien d’extraordinaire.

« De là, quelqu’un a eu l’idée que j’étais pianiste alors que je ne l’étais vraiment pas (rires). J’avais quelques notions et il y a bien des années, j’avais accompagné quelques offices religieux. Mais rien de plus.

« Sauf qu’un dimanche matin, je suis à l’église de la paroisse de Our Lady of the Nativity Church à McCreary et la directrice de la chorale me dit : il n’y a pas d’organiste présent alors viens jouer de l’orgue! J’étais un peu surpris. Puis je suis monté, j’ai joué et en septembre de cette année, ça fera 54 ans que je joue là-bas de manière régulière. »

Une relève difficile à trouver

De fil en aiguille, la réputation d’organiste de Claude Desrosiers se construit et la paroisse de Laurier, Notre-Dame des Victoires, lui demande de jouer également. « C’est le même curé, Patrick Neufeld, qui s’occupe des deux paroisses et il y a une quinzaine d’années, il m’a invité à Laurier pour y jouer. Souvent je fais un service à McCreary et ensuite je cours pour le service de Laurier. L’un est en anglais et l’autre est bilingue. »

Claude Desrosiers est bien conscient que son amour pour l’orgue se fait de plus en plus rare chez les jeunes. « C’est très dommage qu’il y ait peu de personnes qui jouent de l’orgue. Surtout au rural, il y a peu de personnes qui s’investissent dedans. Alors qu’il y a des musiques qui sont magnifiques à jouer sur un orgue. Je pense à Je louerai l’Éternel ou encore Comme Lui. Évidemment, suivant les services je ne joue pas les mêmes musiques.

« Il y a moins de monde dans les églises et la relève est difficile. Quand j’ai commencé, il y avait un chœur de chant de 16 personnes à McCreary. Maintenant, s’il y en a trois, on est content. C’est pareil partout.

« J’ai 90 ans et je pense que bientôt il va falloir que quelqu’un me remplace. Si ce n’est pas de l’orgue, ce sera certainement de la guitare. Sauf que la sonorité ne sera pas du tout la même chose. Avec un orgue ou un piano, il y a un prélude et une sortie. C’est toujours possible avec une guitare, mais je ne l’ai jamais vu. »

Instrument accessible

L’organiste souhaite donc encourager les jeunes à considérer l’orgue dans les cours de musique. « Il y a des jeunes qui jouent du piano et qui sont inquiets de passer à un orgue. Oui c’est différent. Mais une transition facile peut se faire. Ce n’est pas une montagne à gravir, l’instrument n’est pas si différent d’un piano.

« Avec un orgue, il y a une multitude d’arrangements possibles, c’est aussi des tonalités peu communes. Je pense que l’orgue peut être exploité. »

Les années passent comme le dit Claude Desrosiers, et pourtant son engagement pour l’orgue n’est pas prêt de s’arrêter. « Bon après 54 ans, je me rends compte que de la page de musique à l’œil, au cerveau et au doigt sur le clavier, le trajet devient plus difficile. Je n’ai plus l’habileté que j’avais il y a 20 ans. Mais je ne prévois pas arrêter bientôt. »