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Située à 330 kms à l’ouest de Winnipeg, l’École Saint-Lazare se niche dans la vallée de la rivière Assiniboine près de la frontière saskatchewannaise. Une localisation bien particulière pour cette école de 70 élèves.

Richard Fiola est le directeur de l’école depuis l’année scolaire 2019/2020. Après avoir passé 30 ans dans les écoles montréalaises, ce Manitobain d’origine voulait revenir chez lui. « J’ai grandi à La Broquerie, j’ai toujours aimé les écoles au rural. Alors être à Saint-Lazare me semblait un bon choix pour ma fin de carrière. »

De par sa proximité avec la Saskatchewan, l’École Saint- Lazare a un profil démographique particulier. En effet, un tiers des élèves sont saskatchewannais. « Comme nous sommes une communauté frontière, les gouvernements provinciaux acceptent que les francophones de la Saskatchewan viennent dans notre école. Lorsqu’il y a un changement d’heure, ce système peut connaître quelques limites puisque nos jeunes saskatchewannais se lèvent vers six heures (heure de la Saskatchewan) pour être à l’école à neuf heures (heure du Manitoba). C’est une transition difficile pour nos jeunes dans les premières semaines. »

Des services limités

Toujours dans cet esprit de proximité, les résidents de Saint-Lazare peuvent se rendre en Saskatchewan pour utiliser les soins de santé. Un point important puisque Saint-Lazare est une communauté éloignée. « Ce qui attire le plus en termes d’emploi, c’est évidemment la mine, l’école et l’agriculture. Le recrutement et la rétention d’une famille sont toujours un enjeu parce qu’il faut prendre conscience des distances. Saint-Lazare c’est assez éloigné de tout, Brandon est à presque deux heures de route. Il faut être prêt à faire de grands voyages pour faire des achats.

« Même chose pour les services essentiels. Il n’y a pas d’épicerie autour, ni de dentiste, ni de médecin donc la personne doit avoir un permis de conduire et une voiture pour la plupart des choses du quotidien. »

Une autre réalité est que Saint-Lazare n’a pas de couverture pour le réseau cellulaire. Un enjeu de taille dans certaines situations comme le précise Richard Fiola. « Heureusement, il y a internet. Il faut sans cesse passer par internet pour communiquer avec les gens. C’est une habitude à prendre. Question urgence, question sécurité, c’est difficile.

« C’est donc un ensemble d’éléments que nous devons considérer. »

Une solidarité

Mais cette réalité fait partie du charme de Saint-Lazare. Être éloignés rapproche les gens et resserre les liens, comme il est possible de le ressentir à l’intérieur de l’école. D’ailleurs certains enseignants sont eux-mêmes parents d’élèves dans l’école. « Il y a beaucoup d’engagement et d’implication de la part des membres de notre personnel. Ils sont toujours prêts à mettre en place des activités pour nos élèves. Finalement tout le monde se connaît ici.

« Je donne un exemple : il arrive souvent que nous profitions d’une activité à Brandon ou Portage-la-Prairie, pour nous rendre à Winnipeg afin de faire des activités en français. C’est évidemment beaucoup de transport et beaucoup d’engagement de la part des surveillants. Mais je pense que les retombées sont positives et les élèves voient la francophonie ailleurs. »

Un point essentiel puisque le village de Saint-Lazare n’échappe pas au déclin du français. Le recensement de 2021 indiquait que le français était la langue maternelle de 50 personnes alors qu’en 2016, le chiffre s’élevait à 75. Richard Fiola travaille avec les autres membres du personnel pour montrer aux élèves l’utilité du français à l’extérieur d’une salle de classe. « Nous avons pu reprendre nos activités comme l’improvisation alors nos jeunes peuvent s’apercevoir que le français n’est pas seulement dans le cadre scolaire. Nous avons été à Winnipeg pour la ligue d’impro du secondaire, la LISTE. Et nous avons aussi reçu des élèves de Winnipeg.

« Il y a des amitiés qui se forment hors des salles de classe. Il y a un aspect de socialisation et c’est beau de voir nos élèves développer leur sentiment d’appartenance à la francophonie manitobaine. »

Un réseau d’écoles au rural

L’École Saint-Lazare fait partie de la Division scolaire franco-manitobaine depuis sa création. Richard Fiola, directeur de l’école rappelle : « La promesse était que tant qu’il y aurait des familles qui demandent l’enseignement en français, il y aurait une école. Beaucoup de nos élèves viennent de familles exogames, même de familles anglophones qui veulent que leurs enfants soient bilingues. »

Si l’école offre des classes de la prématernelle à la 12e année, le secondaire est toujours un enjeu délicat. « Le secondaire est plus difficile en matière de recrutement parce qu’il faut rechercher des enseignants avec une spécialisation dans les matières. »

Alors pour ne pas perdre d’élèves, les écoles du rural se sont organisées pour offrir le programme CAMPUS. « C’est un programme qui existe depuis une dizaine d’années. Le principe est de mettre en relation des élèves avec des enseignants de six autres écoles de la DSFM (1). Tout se fait de manière virtuelle, les cours et les examens. »

« Nous nous sommes regroupés pour offrir une programmation plus complète au niveau du secondaire. Nos élèves partagent alors des cours avec les autres élèves de la DSFM dans d’autres régions. C’est un beau moment de partage.
« Autrement, nous ne pourrions pas offrir ces options par manque de personnel. C’est aussi une manière de retenir nos jeunes au secondaire. Même si l’école en perd toujours quelques-uns. »