Comme plusieurs personnes trisomiques, mon frère, Olivier, a des problèmes cardiaques. Ses problèmes l’ont conduit il y a quelques années à se faire installer un « pacemaker ». Évidemment, sa compréhension parfois limitée de la vie et du monde qui l’entoure ajoute à la complexité déjà existante de naviguer dans le système de santé.

Le concept même de « pacemaker » est flou pour Oli. Il sait qu’il a une petite boîte en métal sous la peau sur sa poitrine et qu’elle contient une batterie pour faire fonctionner son cœur. Il est un « petit frère à batterie ». C’est comme ça qu’on est arrivé à lui faire comprendre : ton cœur a besoin d’une batterie pour fonctionner, comme ta voiture téléguidée ou la télécommande. Ça lui a suffi. Il montre sa poitrine à presque chaque nouvelle personne qu’il rencontre : « Regarde! Pacemaker ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la plupart des encolures de ses t-shirts sont étirées du côté gauche au grand désarroi de ma mère.

Oli
(photo : Gracieuseté)

Oli se demande surtout ce qu’il faut faire si la batterie s’arrête. Je lui réponds à peu près toujours la même chose : « C’est simple Oli, il faut la changer. Comme on change la batterie de la télécommande. On ouvre la porte, on sort la batterie qui ne fonctionne plus, on met la nouvelle, on referme la porte, et ça marche! » C’est simple! C’est imagé! C’est à sa portée. Son cardiologue trouve sans doute que ça manque de nuances, mais Oli comprend, et ça le rassure.

Après près d’une dizaine d’années avec son « pacemaker », ses médecins se préparent à une nouvelle opération. Le plan initial était de changer la batterie, comme pour une télécommande. Ça nous rassurait tous! C’était simple et l’on s’était fait à l’idée. Toutefois, il semble que le plan ait changé. Sa santé s’est un peu détériorée, et il est probable que l’opération soit plus complexe et risquée.

Oli passe donc plusieurs examens afin d’aider les médecins à prendre leur décision. Il fait pas mal bien pendant les examens et il comprend que c’est au sujet de son cœur. Il collabore, il répond de son mieux aux questions du médecin et en pose quelques-unes à son tour : « Pourquoi tout nu dans la jaquette d’hôpital? », « Pourquoi peux pas manger avant? », « Pourquoi regarder mon ventre si pour mon cœur? ».

Au retour des examens médicaux, il m’appelle toujours. D’abord, pour me dire qu’il a fait « numéro un » et ensuite pour me donner des nouvelles de ce que le médecin a dit. Après son échographie de l’abdomen, il m’a téléphoné pendant qu’il déjeunait. Il m’a expliqué que l’examen s’était bien passé et qu’il avait eu la chance d’avoir deux déjeuners ce matin-là : un dans l’auto sur le chemin du retour et un second à la maison. Un peu surprise, je lui ai demandé pourquoi deux déjeuners, c’est un peu inhabituel! Très sérieusement, il m’a répondu : « Ben voyons! Vu mon ventre à l’écran. C’était vide! Faut remplir! »

Sa réponse m’a amusée autant qu’elle m’a inquiétée! Si c’est sa compréhension de ce qui se passe dans son corps, comment va-t-on arriver à lui faire comprendre que son cœur faiblit et qu’il faut l’opérer? Ce n’est plus comme changer la batterie de la télécommande désormais. Comment va-t-on le préparer à se faire endormir? Comment va-t-on le rassurer alors que nous ne sommes même pas prêts et rassurés nous-mêmes?