Avec son diplôme de secrétaire de direction du Collège communautaire de Saint-Boniface en poche, Monique Murphy a frappé à la porte de plusieurs organismes pour trouver un emploi. C’est la Société franco-manitobaine qui l’a embauchée comme secrétaire. Elle a ensuite gravi les échelons pour devenir adjointe exécutive à la fin des années 1990.

Monique Murphy se souvient : « La SFM a été mon premier et mon dernier employeur! Quand j’ai commencé, il y avait beaucoup plus d’employés à la SFM, puisque beaucoup de domaines se trouvaient sous notre responsabilité. Je pense à l’économie, l’éducation, la petite enfance, le développement communautaire ou encore bien sûr la politique.

« Il y avait donc des agents chargés de ces différents domaines. Je m’occupais de l’administration des agents économiques, de la petite enfance et de la politique.

« Je suis devenue adjointe exécutive lorsque madame Jacqueline Thioux a pris sa retraite. À partir de ce moment- là, je me suis occupée de tout le côté administratif pour les hauts responsables. »

Des tournants inoubliables

En plus de quatre décennies, Monique Murphy a connu 18 présidences de la SFM et sept directions générales. Elle a aussi vu l’organisme vivre des changements en profondeur. Le premier qui l’a marquée est l’incendie des bureaux de la SFM en 1983, premier point d’orgue de tensions grandissantes entre minoritaires francophones et majoritaires anglophones en raison de la crise linguistique. Elle était encore dans sa vingtaine.

« Avant même l’incendie, nous recevions beaucoup d’appels de menaces. Même si je ne répondais pas directement au téléphone, il m’arrivait de devoir le faire parce qu’il y avait trop d’appels.

« Je me sentais très intimidée. Mes parents sont Claire et Maurice Noël et je dois dire que le fait d’avoir pris le nom de mon mari, anglophone, m’a d’une certaine manière permis de me rassurer. C’est malheureux. Ce n’était vraiment pas une période facile.

« Le jour de l’incendie, je m’en allais à pied avec une amie à la chapelle des Sœurs Oblates, là où la Villa Aulneau se situe maintenant. En cours de route, nous nous sommes aperçues qu’il y avait de la fumée. Je me suis dit : J’espère que ce ne sont pas les bureaux de la SFM. J’ai eu un pressentiment.

« Je dois saluer le courage de Léo Robert, qui était le président. Il recevait énormément de menaces. Mais il n’a jamais laissé transparaître de la peur. »

Pour Monique Murphy, l’incendie criminel a mis en évidence le rôle central de la SFM. « Dans les années 1980, le gouvernement fédéral proposait des fonds pour la création de nouveaux organismes. Si bien que beaucoup de domaines dont on s’occupait ont eu leur propre organisme.

« Malgré cette séparation officielle des tâches, les responsables se regroupaient souvent pour discuter, pour échanger. Et quand il y avait des plaintes à formuler envers les différents paliers de gouvernement, les organismes se tournaient vers la SFM.

« Au fond, même si les gens nous critiquaient, ils savaient que nous étions là pour les aider. »

« C’est sûr que ça va être difficile de quitter cette deuxième famille. J’ai pleuré en remettant ma lettre à Daniel [Boucher]. C’est un gros changement qui m’attend. Mais je suis prête. »

Monique Murphy

La communauté, la préoccupation première

Monique Murphy a aussi appris que routine et SFM ne s’accordaient pas. « Comme secrétaire, je ne savais jamais trop ce qui allait me tomber dans le coin de l’assiette. Parfois, nous recevions des appels du gouvernement fédéral pour nous prévenir que des ministres allaient nous rendre visite. Alors il fallait organiser des rencontres avec des gens de la communauté. J’ai rapidement appris à ne pas paniquer.

« En fait, c’était très intéressant de recevoir les visites de toutes sortes de personnes qui voulaient mieux comprendre la francophonie manitobaine. Je pense spontanément à Michaëlle Jean. Quand elle a été nommée gouverneure générale, elle est venue au Manitoba très peu de temps après. »

Bien que la politique soit une dimension centrale de l’organisme, aux yeux de Monique Murphy, rien n’aura été plus important que la communauté. « La planification stratégique avec la communauté dans le cadre des ententes Canada-communautés a été un grand moment. Nous avons toujours tenté de garder l’accent sur le côté communautaire, même si souvent l’intérêt politique des organisations prenait le dessus.

« Les États généraux dans les années 1980, comme les plus récents, ont aussi représenté de grands moments, de grands défis, surtout au niveau d’assurer une bonne organisation. Nous voulions rejoindre le monde au rural, et ça voulait dire beaucoup d’appels. Mais à chaque fois ces temps forts ont permis à l’organisme d’évoluer avec son temps. »

Parce qu’au fil du temps, Monique Murphy a aussi été en mesure de bien prendre conscience du changement de visage de la francophonie manitobaine. « Nous commencions à recevoir de plus en plus d’immigrants francophones. Daniel Boucher avait d’ailleurs fait, en 1998, un voyage au Maroc pour discuter des possibilités d’immigration. Avec pour résultat que trois familles s’étaient lancées dans l’aventure.

« Cette approche avait eu comme conséquence qu’il fallait construire du nouveau. Car il n’y avait pas d’organisme prêt à les accueillir. L’Accueil francophone est né de cette volonté d’ouverture en 2003. L’intérêt de venir vivre au Manitoba français était lancé. Tout n’était pas parfait. Même aujourd’hui il y a encore de la place à l’amélioration. Notre francophonie est plus diverse que jamais, et nous devons célébrer cette diversité. »

Une deuxième famille

Immigration, politique, communauté : beaucoup de dossiers importants ont occupé les journées de Monique Murphy. Des journées toutefois jamais exemptes d’humanité. « Vraiment, la SFM a été ma deuxième famille. L’ambiance de travail était excellente. Aussi, dans les derniers 25 ans, le personnel est devenu plus stable.

« Il faut dire que nous n’avions pas de gros salaires, parce qu’à un temps l’organisme dépendait plus du financement des différents paliers de gouvernement. Il fallait donc trouver des moyens de retenir le personnel en place. Nous avions un comité de fun pour maintenir la bonne ambiance au travail.

« Lorsque mon mari, George, est décédé, il y a six ans, tous mes collègues ont été présents pour m’aider à traverser cette épreuve. Je dois mentionner que cette année-là est certainement la seule fois où j’ai manqué une AGA de la SFM. »

Monique Murphy tient à souligner le travail de son directeur général. « Daniel Boucher a toujours été bon pour voir les qualités en toi et pour t’aider à les développer pleinement afin que tu puisses grandir.

« C’est sûr que ça va être difficile de quitter cette deuxième famille. J’ai pleuré en remettant ma lettre à Daniel. C’est un gros changement qui m’attend. Mais je suis prête. »