Mon frère Olivier n’aime pas la confrontation, la chicane ou se faire reprendre. Depuis qu’il est tout petit, il maîtrise l’art de se sortir de situations où il pourrait se faire disputer. Ce qui est fascinant pour moi, c’est qu’il sait comment faire avec tout le monde! Il sait que la stratégie gagnante n’est pas la même pour moi, ma mère ou mon père. Il sait aussi que c’est autre chose qui fonctionne avec mon mari.

Lorsqu’il était à l’école, c’était définitivement le plus tannant! Le plus turbulent! Le plus actif! Mais, c’était TOUJOURS le préféré de tout le monde! Quand ses enseignant.e.s parlaient de lui, c’était toujours avec un regard rempli d’affection, et ce, peu importe ce qu’il avait fait! Ça m’a toujours fascinée! Je n’avais pas ce talent… je ne l’ai toujours pas d’ailleurs.

Au fil des ans, nous avons tous appris à reconnaître son petit côté manipulateur, et ses stratégies fonctionnent de moins en moins. Il doit donc faire preuve d’adaptation et de créativité. Règle générale, il essaie de nous surprendre et de nous faire rire. Dans certains contextes, il va seulement cligner des yeux en mettant sa tête sur notre épaule. Il appelle ça « faire les yeux trop mignons ». Il va sans dire que cela désamorce assez bien notre envie de le gronder. Il peut aussi à certaines occasions faire des blagues, s’excuser, nous dire je t’aime, qu’on est beau, etc. Il peut aussi s’affirmer en nous disant qu’on lui fait de la peine ou qu’il n’aime pas quand on lui parle « avec LE ton ».

Comme ses stratégies sont devenues moins efficaces qu’avant, il tente de nous surprendre avec des élans d’affirmation voire de contestation. Il faut savoir que l’affirmation de soi et la prise de position sont assez récentes chez Oli. Il s’est toujours conformé sans contester. Récemment, cela a changé. Il s’affirme de plus en plus et c’est maintenant souvent l’effet de surprise causé par une affirmation spontanée qui le sort du pétrin.

Sa stratégie de prédilection est ce que l’on surnomme « le mon chéri ». S’il sent la soupe chaude, il changera de ton et nous dira doucement Chut. Calme-toi mon chéri…, qui s’ensuivra d’un câlin ou d’un bisou sur la joue. Comme la stratégie commence à vieillir et à perdre en efficacité, il en rajoute avec arrogance : Relaxe chéri. Lorsqu’il voit qu’il est allé trop loin, il nous répondra à grands coups de « chéri » : Oui chéri, J’ai compris chéri, Merci chéri.

La vérité, c’est qu’on a un peu perdu le contrôle! Le « chéri » est désormais employé pour tout et pour rien et dans tous les contextes. À la maison, dans le transport adapté, au travail, en famille et entre amis, tout le monde y passe et Oli appelle tout le monde « chéri ». Il ne comprend pas que dans certains contextes, ce n’est pas approprié, comme chez le médecin par exemple.

C’est après une visite chez la cardiologue chérie d’Oli que mon père a instauré une nouvelle règle familiale. Le « chéri », c’est à la maison quand on parle avec papa, maman ou Marie-Élaine, et c’est TOUT! C’est avec ses yeux trop mignons qu’Oli a répondu avec conviction : Ok chéri. Compris chéri papa.