Avant d’être remplacé par Marc Miller au poste de ministre de l’Immigration, des Réfugiés, et de la Citoyenneté (IRCC), Sean Fraser a terminé son mandat par deux annonces qui pourraient être décisives pour les immigrants francophones.

D’abord, le 15 juin, le désormais ex-ministre de l’IRCC dévoilait l’expansion du programme Mobilité francophone. Les critères d’aptitudes en français ont notamment été réduits pour poser sa candidature à ce programme. Les personnes intéressées « doivent avoir une maîtrise modérée du français, pour la compréhension et l’expression orales. Cela équivaut au niveau 5 des exigences linguistiques », pouvait-on lire dans une communication officielle du gouvernement fédéral. Le niveau 5 étant le niveau minimal pour l’expression orale et la compréhension de l’oral.

Initialement réservé aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires d’expression française hautement qualifiés, Mobilité francophone, en abaissant ses critères, s’ouvre à un bassin plus large de candidats. En effet, depuis le mois de juin et pour une durée de deux ans, tous les francophones (ayant donc au moins le niveau 5) pourront demander un permis de travail sous Mobilité francophone, quelle que soit leur catégorie d’emploi, à l’exception des emplois en agriculture primaire. Alors qu’il fallait jusqu’ici que l’emploi soit qualifié. Et pour rappel, Mobilité francophone est ouvert à tous les francophones, quels que soient leur nationalité et leur âge.

Cette annonce spécifique vient répondre à un vrai besoin des communautés selon Daniel Boucher. « Cela créait des obstacles qui n’étaient pas, selon nous, nécessaires. J’ai l’impression que le ministère a écouté les communautés, car ça fait quand même quelques années qu’on parle de ces enjeux-là. »

Cette maîtrise « modérée » du français désormais attendue pour le programme Mobilité francophone n’inquiète pas Daniel Boucher qui ne pense pas que ça aura un impact sur la qualité du français en général. « Il fallait trouver un juste milieu, et dans ce cas-ci, c’est ce qui a été fait. Cet assouplissement nous rend confiants à recevoir de plus en plus de gens et aussi de pouvoir les intégrer avec le niveau de français qu’ils ont. »

« Quand on parle de Mobilité francophone, d’Entrée express, on est en train de peaufiner et améliorer les programmes existants. Ils fonctionnaient déjà plutôt bien jusqu’à date, mais avaient besoin d’un nouvel élan. »

Daniel Boucher

Baisse des critères

Le programme Mobilité francophone offre un visa de travail temporaire. En abaissant les critères, l’objectif est aussi de se qualifier pour la résidence permanente pour plus de personnes immigrantes d’expression française. À titre d’indication, de juin 2016 à décembre 2020, 1 080 personnes détentrices de ce permis de travail temporaire, sur 5 700, ont effectué une transition vers la résidence permanente. « Quand les gens ont l’option de rester et s’installer, souvent, ils la prennent. Et de notre côté, on essaie justement de rendre ce choix plus facile. Mais à la fin, c’est toujours les individus qui décident », remarque Daniel Boucher.

À noter qu’en 2019, IRCC a délivré 1 900 permis de travail (y compris les prorogations) sous ce programme, et ces volumes sont restés identiques en 2020 et 2021, selon des données du ministère.

En ce qui concerne « ce choix » des individus, de récents chiffres de Statistique Canada ont justement dévoilé un solde migratoire interprovincial de la population du Manitoba négatif pour les personnes ayant le français comme seule première langue officielle. De 2016 à 2021, 2 115 personnes ont quitté la province pour s’installer au Québec ou en Ontario. Dans le même temps, seules 1 215 personnes ont déposé leurs bagages au Manitoba.

Comme d’autres chiffres qui peuvent indiquer un recul du français au Manitoba, c’est une préoccupation pour Daniel Boucher. En revanche, le directeur général de la SFM souhaite surtout mettre en avant une vision plus large. « Évidemment, il y a des défis. Mais quand on regarde à l’ensemble de la communauté, on voit tout de même une vraie vitalité. Et en ce sens, on va dans la bonne direction. On a de plus en plus d’élèves dans nos écoles, plus de gens veulent apprendre le français. Ça reste une inquiétude, mais on ne peut pas tout contrôler. On peut simplement agir sur les moyens qu’on a pour augmenter cette francophonie. »

Entrée express change aussi

En plus du programme Mobilité francophone, le système Entrée express offre désormais lui aussi aux immigrants francophones une voie d’accès simplifiée.

En effet, début juillet, les premières rondes d’invitations à Entrée express pour les nouveaux arrivants francophones étaient annoncées. Cela entrait dans le cadre de la sélection axée sur les catégories qui se concentrent cette année sur les candidats ayant là une solide maîtrise de la langue française ; ou de l’expérience de travail dans les domaines des soins de santé, des métiers de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM), des métiers, tels que charpentiers, plombiers et entrepreneurs, les transports, l’agriculture et l’agroalimentaire.

Daniel Boucher y voit des mises à jour bienvenues pour ces programmes. « Quand on parle de Mobilité francophone, d’Entrée express, on est en train de peaufiner et améliorer les programmes existants. Ils fonctionnaient déjà plutôt bien jusqu’à date, mais avaient besoin d’un nouvel élan. Et c’est encore une fois à partir des expériences passées qu’Entrée express peut se relancer. Pour nous, c’est tout à fait logique de vouloir plus d’immigrants francophones dans nos communautés. »

Si ces pas dans la bonne direction du fédéral sont notables, cela pourrait tout de même avoir un impact sur les programmes provinciaux. Par exemple, le programme Candidats du Manitoba (PCM) qui choisit des travailleurs qualifiés au Manitoba ou à l’étranger permet notamment d’améliorer significativement le dossier d’un candidat en vue d’une résidence permanente. Le PCM pourrait donc être moins privilégié par les candidats alors que les critères des programmes fédéraux sont de plus en plus larges. À ce sujet, le ministre du Travail et de l’Immigration du Manitoba, Jon Reyes, rassure : « Certains secteurs qui connaissent une pénurie de main-d’œuvre sont compris dans notre programme Candidats du Manitoba et non pas dans Entrée express. »

Dans la liste des professions en demande que le PCM fournit, on y retrouve entre autres le secteur de la santé, l’enseignement, les arts, l’administration, les ressources naturelles ou encore le transport.