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L’enterrement de l’abbé Léo Couture a eu lieu le 20 mai à la Cathédrale de Saint-Boniface. La nouvelle de la poursuite est sortie dans les médias le 25 mai. Pour Raymond Hébert, arrière-petit- cousin de Léo Couture, il est certain que l’archidiocèse avait été mis au courant de la plainte et des allégations à l’encontre de l’abbé Léo Couture. « J’ai été vraiment très surpris d’apprendre que la poursuite en justice a été intentée le 15 mai et que les funérailles ont eu lieu le 20 mai. Monseigneur Albert LeGatt a reçu les documents avant les funérailles, c’est sûr. Pourtant, il n’a pas décidé de réduire la taille de la cérémonie.

« J’étais aux funérailles. Je dois dire qu’il y a eu de grands éloges, de grands hommages, une chorale. J’ai été profondément offusqué que la cérémonie se tienne de cette manière alors que l’abbé Léo Couture était accusé d’agressions sexuelles. Je respecte évidemment la présomption d’innocence.

« Mais au vu des allégations et par respect pour les victimes présumées, une cérémonie plus discrète aurait été de bon goût. »

Raymond Hébert
Raymond Hébert a assisté à l’enterrement de l’abbé Léo Couture le 20 mai 2023. « Au vu des allégations et par respect pour les victimes présumées, une cérémonie plus discrète aurait été de bon goût. » (photo : Marta Guerrero)

Contacté pour savoir à quelle date l’archidiocèse avait été notifié d’une plainte à son encontre, le responsable des communications, Daniel Bahuaud a expliqué « l’avoir appris de la part des médias qui l’ont contacté le 23 mai. Il n’y avait donc aucune possibilité de faire un commentaire en sensibilité aux funérailles de l’abbé Léo Couture. »

Pourtant, Me Guy Jourdain, ancien directeur général de l’Association des juristes d’expression française du Manitoba, explique que « le document qui introduit l’instance s’appelle une déclaration. Et que ce document est remis immédiatement aux parties citées. Une fois que la déclaration leur est notifiée, les défendeurs disposent d’un délai de 20 jours pour produire une défense. » Dans ce cas, l’archidiocèse de Saint-Boniface, la Division scolaire de la Vallée de la rivière Rouge, la Corporation archiépiscopale catholique romaine de Saint- Boniface, l’archevêque de Saint- Boniface (à titre d’entité morale) et la succession de l’abbé Léo Couture.

Information corroborée par, la Division scolaire de la Vallée de la rivière Rouge qui dit, elle, l’avoir reçue la troisième semaine du mois de mai, soit entre le 15 et le 19 mai.

Plainte

En effet, les défendeurs font l’objet d’une poursuite au sujet d’un cas présumé d’agressions sexuelles qui se seraient produites entre 1990 et 1991.

Dans sa déclaration, la victime présumée explique qu’elle fréquentait l’école Saint- Jean-Baptiste de 1984 à 1992, il était également membre de l’église catholique de Saint- Jean-Baptiste, dont la gestion relevait de l’archidiocèse de Saint-Boniface.

La victime, dont l’identité ne peut pas être révélée puisqu’elle était mineure au moment des faits, aurait été agressée à plusieurs reprises par les abbés René Touchette et Léo Couture, notamment lors des pauses déjeuner lorsqu’elle aidait les abbés dans diverses tâches à l’église.

La victime allègue que les agressions auraient commencé lorsqu’elle était âgée entre 10 et 11 ans.

Dans la déclaration de la Cour, la victime présumée allègue que « l’archidiocèse et la Division scolaire savaient, ou auraient dû savoir, que Couture et Touchette étaient des pédophiles. » En effet, toujours d’après les documents de la Cour, plusieurs plaintes d’agressions sexuelles avaient été formulées à l’encontre des abbés René Touchette et Léo Couture.

Dans la déclaration, le nom de Léo Couture est mentionné bien que ce dernier soit décédé le 11 mai 2023.

Poursuite au civil

Étant donné que Léo Couture est décédé, la poursuite doit se faire au civil. C’est en tout cas ce qu’explique Me Bernard Richard, ancien avocat et ancien député libéral au Nouveau-Brunswick dans la circonscription Shediac-Cap-Pelé. Me Bernard Richard a également participé au documentaire Le silence de la réalisatrice acadienne Renée Blanchar (1) qui raconte l’histoire de jeunes hommes qui ont été victimes d’agressions sexuelles entre les années 1950 et 1980 par des prêtres catholiques au Nouveau-Brunswick.

« Il n’est pas possible de poursuivre une personne qui est décédée. C’est pour cette raison que ce n’est pas de nature criminelle. Mais c’est une poursuite au civil. »

Avec une poursuite au civil, la victime présumée pourrait espérer avoir des dommages et intérêts. Dans ce cas, il y a des poursuites contre toutes les personnes qui ont une responsabilité dans l’affaire.

En prenant son vécu personnel, cousin de l’une des victimes, Me Bernard Richard expose que le processus de plainte peut aider certaines victimes à la guérison. « Je pense que pour certaines personnes c’est important pour elles d’en parler publiquement. Cela fait partie de leur chemin de guérison. Évidemment, chaque être humain est individuel donc le chemin de guérison est propre à chaque personne. »

Me Bernard Richard
Me Bernard Richard a participé au documentaire Le silence de la réalisatrice Renée Blanchar. « Lorsqu’une poursuite judiciaire est entamée, il y a des plaies qui s’ouvrent et qui vont mettre du temps à guérir, parfois qui ne guériront jamais. » (photo : Gracieuseté)

Des questions envers l’Église catholique

Pour Raymond Hébert, l’histoire de l’abbé Léo Couture vient soulever un certain nombre de questions. « Je me pose également la question et je ne pense pas être le seul à me la poser : Quels genres de dossiers existent au bureau de l’archidiocèse de Saint-Boniface sur les différents abbés? Je pense que c’est légitime par rapport à l’abbé Léo Couture de savoir ce que l’archidiocèse a dans ses dossiers.

« Ce sont des personnes qui ont été influentes et qui ont eu des positions où elles étaient fréquemment en contact avec des jeunes. Le cas de l’abbé Léo Couture soulève vraiment beaucoup de questions sur d’autres cas qui auraient pu arriver dans le diocèse. »

La confiance envers l’archidiocèse de Saint-Boniface et envers l’Église catholique est donc une nouvelle fois ébranlée. Là encore Me Bernard Richard pense que le chemin est individuel. « Certaines personnes ne pourront plus jamais avoir confiance dans l’Église catholique. D’autres se disent que ce sont les actes de certains individus. Il reste que l’Église n’a jamais très bien géré les cas de pédophilie dans ses rangs. Il y a eu des enquêtes partout dans le monde qui l’ont démontré. Il y a eu beaucoup trop de cas de pédocriminels. L’Église a essayé trop souvent de cacher ces actes, souvent en déplaçant les prêtres d’une paroisse à l’autre. Sauf qu’ils continuaient.

« Les diocèses sont poursuivis pour cette raison. Ils auraient dû agir autrement. L’Église, comme tout autre employeur, a une responsabilité juridique par rapport aux actes de leurs employés. »

Même son de cloche du côté de Raymond Hébert. « C’est un mode de fonctionnement de l’Église catholique de cacher et d’enfouir les dossiers jusqu’à ce que les choses sortent. C’est navrant. »

Néanmoins, pour Me Bernard Richard, « lorsqu’une poursuite judiciaire est entamée, il y a des plaies qui s’ouvrent et qui vont mettre du temps à guérir, parfois qui ne guériront jamais. Ces déclarations créent aussi des divisions au sein de la communauté. Les poursuites judiciaires peuvent être longues et les victimes peuvent avoir l’impression de ne jamais pouvoir refermer le livre. Il faut beaucoup de patience. »

(1) Le documentaire est disponible sur le site de l’Office national du film : https://www.onf.ca/film/silence/. Il raconte l’histoire de jeunes hommes qui ont été victimes d’agressions sexuelles entre les années 1950 et 1980 par des prêtres catholiques au Nouveau- Brunswick.