Par Raymond Clément.

Au-delà des discours politiciens, retenons ceci : en plus de devoir à l’occasion subir des interférences politiques, la Société de la Couronne doit vivre avec les conséquences d’une mauvaise planification due à une analyse incomplète du marché de la demande manitobaine et du marché de l’exportation.

Les preuves des errements : Keeyask et Bipole III

Plusieurs études bien connues des experts ont démontré que la construction du barrage hydroélectrique Keeyask aurait pu être retardé jusqu’en 2040. Du coup on aurait pu remettre à plus tard la ligne de transmission Bipole III, dont les coûts estimés au départ à 1,0 milliard de $ ont grimpé à 4,6 milliards. Pareille retenue aurait permis de limiter la dette à entre 10 et 15 milliards $, alors qu’elle dépasse aujourd’hui les 22 milliards $.

Les conséquences des errements sur le marché de l’exportation

Hydro Manitoba a toujours vanté les mérites des exportations d’électricité vers les marchés américains. La Société de la Couronne prévoyait que les ventes payeraient le coût du barrage Keeyask et entraînerait une baisse des tarifs manitobains. Rien de la sorte ne s’est produit jusqu’à maintenant.

Essentiellement parce que les analyses d’Hydro Manitoba n’ont pas pris en compte deux facteurs qui affectent nos exportations : l’impact du gaz naturel de schiste qui a fait baisser le prix américain de l’électricité, ainsi que l’arrivée de l’éolienne dans la production américaine. Le prix américain de vente entre 2005 et 2021 se situait aux alentours de 4,6 cents/KWh. Or, les coûts de production d’Hydro Manitoba sont bien au-delà des 10 cents/KWh. En clair : nous sommes en train de subventionner les consommateurs américains.

Les conséquences des errements sur le marché manitobain

La croissance économique annuelle durant les années 1960 et 1970 se chiffrait entre 3,5 % et 5,0 %, alors que la demande pour l’électricité augmentait annuellement entre 5 % et 8,0 %. Depuis 16 ans, la croissance économique annuelle s’est chiffrée à 1,8 % et la demande électrique a été de 0,6 %, bien en-dessous des prévisions d’Hydro Manitoba. Le secteur résidentiel a tenu bon avec une croissance moyenne annuelle de 2,1 %. C’est du côté minier et manufacturier que les choses se sont gâtées. Ces secteurs ont connu une baisse moyenne annuelle de 0,9 %.

Si bien que par nécessité le prix de l’électricité a beaucoup augmenté pendant ces derniers 16 ans. Au point où le tarif en 2021 se situe à 9,6 cents/KWh. En 2005, il était encore parmi les plus bas au monde, soit à 6,0 cents/KWh.

Que faire maintenant? Espérer malgré tout!

Plusieurs idées ont été avancées. Comme par exemple transitionner la production électrique vers le secteur du transport ou encore construire un réseau transcanadien afin d’éliminer les génératrices canadiennes qui fonctionnent aux énergies fossiles. Chacune de ces idées sont bonnes. Mais elles comportent bien évidemment aussi leur part de défis.

Les évènements climatiques au Canada et à l’échelle mondiale nous interpellent plus que jamais : nous devons modifier nos façons de vivre. Est-ce que la Province et Hydro Manitoba vont faire les bons choix? Leur bilan jusqu’à présent n’est guère inspirant. Mais nous sommes condamnés à espérer malgré tout.