Persévérance, volonté, énergie et mentalité sont des mots qui peuvent autant s’appliquer au sport qu’à la politique. Mais un bon sportif fait-il forcément un bon politicien? Et même, est-ce qu’une carrière sportive professionnelle et reconnue permet-elle de remporter des élections? Offre-t-elle une notoriété décisive au moment de faire un choix politique?

Gaël Rajotte-Soucy termine une maîtrise en science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) qui porte sur la relation entre le sport et l’identité nationale au Canada et au Québec. Selon lui, « la relation entre le sport et la politique n’est plus à faire et existe sous plusieurs angles. » Gaël Rajotte-Soucy évoque d’abord la représentativité. « Il est difficile de mettre en image ce qu’est un Canadien, mais lorsqu’on voit une équipe sportive représentant le Canada, on peut mettre nos yeux sur une représentation des Canadiens. Un autre élément à considérer est que le monde du sport est construit autour d’une logique d’affrontement. Un sport nécessite des règles, des gagnants et des perdants. Ceci fait en sorte qu’il existe un nous et un eux. Cette appartenance crée un lien fort qui peut dépasser les frontières du sport. Voici une raison pourquoi les politiciens qui sont anciennement des athlètes ont la cote. »

Gaël Rajotte-Soucy
Gaël Rajotte-Soucy. (photo : Gracieuseté)

« La politique, on prend aussi pas mal de coups. Mais ce sont des coups différents. C’est plutôt des coups à l’esprit et à l’égo. Et jusqu’à date, les coups que j’ai pris en sport ou en politique n’ont jamais été trop graves. »

Daniel Vandal

Rigueur et esprit d’équipe

Cette « logique d’affrontement » décrit parfaitement ce qu’a connu Daniel Vandal. Aujourd’hui député de Saint- Boniface—Saint-Vital et ministre fédéral des Affaires du Nord, l’homme politique a surtout commencé par une carrière sportive importante dans le monde de la boxe. Il a débuté la boxe à 15 ans, en 1975. À l’époque de Mohamed Ali et Joe Frazier, son but était d’abord de se remettre en forme.

« Je m’entraînais chaque soir dans un club de boxe à Saint-Boniface. Mon père m’encourageait beaucoup. J’ai boxé cinq ans en tant qu’amateur. Puis, cinq autres années en professionnel. J’ai gagné plus que j’ai perdu, ce qui est toujours une bonne chose! »

La carrière de boxe de Daniel Vandal atteint son apogée au début des années 1980 quand il combat pour le titre de poids moyen devant 18 000 spectateurs au Forum de Montréal. Il admet que sa carrière lui a donné une rigueur et une routine qu’il applique encore des années plus tard dans le monde politique.

« Le cadre est semblable et le but est d’être le plus efficace possible le soir du combat ou le soir de l’élection. Je suis convaincu que mon expérience de boxeur m’a aidé dans les autres domaines de ma vie », souligne Daniel Vandal.

Obby Khan
Obby Khan, ancien footballeur, est le ministre manitobain du Sport, de la Culture et du Patrimoine. (photo : Gracieuseté)

Demandant tout autant de rigueur et de solidité, Obby Khan a lui excellé dans le football. Présentement ministre manitobain du Sport, de la Culture et du Patrimoine, Obby Khan a notamment joué cinq saisons pour les Blue Bombers entre 2006 et 2011. Selon lui, il ne serait tout simplement pas l’homme qu’il est aujourd’hui sans cette carrière sportive.

« Le sport et la politique ont quasiment tout en commun : travail d’équipe, discipline, exigence, communication, sacrifice, confiance, responsabilité et écoute de ses partenaires. Toutes ces connaissances que j’ai acquises dans le football sont directement liées à ma vie actuelle en tant qu’homme politique », assure Obby Khan, dans une entrevue réalisée avant le lancement de la campagne électorale provinciale.

« Je ne pense pas qu’être un bon footballeur fait de vous un bon politicien. Ce n’est pas parce qu’on fait une chose bien qu’on va tout faire bien. Ce qui m’a donné du succès en politique, c’est plutôt toutes les autres choses que j’ai faites pour en arriver là. »

Obby Khan

Médiatisation

À la lumière des témoignages de Daniel Vandal et Obby Khan, on comprend que le sport a été essentiel pour eux, que ce soit personnellement ou professionnellement. Les deux hommes ont certainement un avantage notable par rapport à leur concurrent politique : ils sont déjà connus du public.

« Donc, pour un(e) athlète(e) qui cherche à devenir un(e) politicien(ne), une médiatisation importante a déjà été faite pour lui ou elle. Ceci est non-négligeable en politique, parce que généralement les candidats sont peu connus du public avant de se lancer en politique », analyse Gaël Rajotte-Soucy.

En effet, que ce soit Daniel Vandal ou Obby Khan, ils ont eu tous les deux l’opportunité de se présenter au public avant de se soumettre aux urnes. « Quand j’ai commencé le sport, j’étais une personne beaucoup plus gênée. Je n’aimais pas trop parler en public. Mais je suis devenu plus confiant. Ça a été une bonne fondation », se souvient Daniel Vandal.

Obby Khan évoque aussi cette fondation, cette base. « Mais je dirais que ce n’est pas seulement le sport qui offre ça. Je pense aussi que la culture, l’art, la musique, la danse donnent les compétences pour avoir du succès. »

Vision globale

En février 2022, Obby Khan a notamment remporté le vote d’investiture pour l’élection partielle de Fort Whyte. Alors, pense-t-il que sa notoriété sportive est d’une quelconque utilité au moment des élections? « Je l’espère! Mais je ne pense pas qu’être un bon footballeur fait de vous un bon politicien. Ce n’est pas parce qu’on fait une chose bien qu’on va tout faire bien. Ce qui m’a donné du succès en politique, c’est plutôt toutes les autres choses que j’ai faites pour en arriver là. J’ai été très engagé dans la communauté, dans les œuvres de bienfaisance, dans la distribution de nourriture, dans des initiatives pour soutenir le centre-ville et les questions d’itinérance. Donc, tout ça, ma carrière dans le sport et dans les affaires m’ont mené à être un meilleur politicien. Quand vous regardez plus profondément en moi, il y a beaucoup plus qu’un simple joueur de football. »

Reste une question importante : quel est le plus dur entre la politique et le sport? « Je dirais que la politique est beaucoup plus difficile que le football professionnel. C’est la chose la plus difficile que j’ai eu à faire dans ma vie, mais c’est aussi celle qui m’apporte le plus de joie. Je sais que je fais une différence dans la vie des gens, dans la communauté et dans la province », soutient Obby Khan, qui pratique de temps en temps le hockey et le basketball pendant son temps libre.

Pour Daniel Vandal, qui a pris beaucoup de coups dans sa vie sportive, l’analogie lui vient naturellement. « La politique, on prend aussi pas mal de coups. Mais ce sont des coups différents. C’est plutôt des coups à l’esprit et à l’égo. Et jusqu’à date, les coups que j’ai pris en sport ou en politique n’ont jamais été trop graves. »