Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté
Junior Ngandu est arrivé au Manitoba en 2017 depuis l’Afrique du Sud. Les conditions de son immigration ne sont pas vraiment des plus joyeuses, car c’est en tant que réfugié que Junior Ngandu a déposé ses valises dans la Province. En 2008, l’Afrique du Sud fait parler d’elle après la mort de 42 personnes pendant une manifestation xénophobe motivée par la hausse du chômage et de la pauvreté dans le pays. Les violences envers les communautés dites étrangères semblent persister aujourd’hui encore. Mais en 2017, la communauté congolaise est particulièrement ciblée par ces violences xénophobes et Junior Ngandu en a fait les frais. « J’ai été victime de beaucoup de choses, confie le Manitobain d’adoption. En raison de ces problèmes de sécurité, les conditions de vie n’étaient plus réunies pour moi en Afrique du Sud. »
Parce qu’il a déjà de la famille installée au Manitoba, le choix d’immigrer au Canada se fait assez naturellement. Jusqu’à l’arrivée de sa femme, Gloria Ngandu en 2020, Junior vivait à Winnipeg. Mais rapidement, le couple, parent de deux enfants, a eu besoin de s’éloigner de la ville. En raison des loyers élevés et de l’insécurité, entre autres. Le couple prend alors la décision de s’installer à Steinbach, à 60 kms de Winnipeg. « Nous voulions vivre dans un endroit plus calme, avec de grands espaces pour y élever nos enfants. »
Un réseau
Leur installation au rural s’est passée sans encombre, en partie grâce au soutien de l’Accueil francophone. Par le biais de l’Accueil, la famille est parvenue à se créer un réseau d’une vingtaine de personnes, que Junior Ngandu appelle « la communauté francophone du Sud-Ouest ». Les connaissances faites à travers ce réseau ont été d’une grande aide, notamment pour faire face « aux nombreux défis qui s’imposent lorsque l’on vit au rural. Comme celui de l’emploi, mais aussi trouver une école francophone, une librairie francophone, ou un médecin de famille francophone. » Aujourd’hui, c’est au tour de la famille Ngandu d’aider les nouveaux arrivants « du mieux possible » à réussir leur transition au Manitoba.
Le Congolais d’origine raconte d’ailleurs que les problématiques évoquées plus haut ont encouragé plusieurs nouveaux arrivants à se rendre vers l’Est, au Québec principalement. Parmi les principales raisons évoquées, la difficulté à exercer un travail en français, qui correspond aux compétences de ces nouveaux arrivants. « Beaucoup sont arrivés en étant des travailleurs qualifiés en Afrique, mais les diplômes ici ne sont pas les mêmes. Les ingénieurs par exemple ont besoin d’une certaine certification pour exercer dans ce domaine-là. Mais tous les examens n’existent qu’en anglais. Et c’est problématique, car leur niveau en langue les empêche de démontrer qu’ils maîtrisent leur domaine. C’est comme ça que j’ai perdu beaucoup d’amis qui sont partis à Montréal pour travailler dans leur domaine. »
Tout reconstruire
Une solution qui pourrait être envisagée, selon le résidant de Steinbach, serait que la nécessité de parler anglais ne soit pas imposée par l’employeur et que les examens de compétences soient disponibles en français. « S’il existe des infirmiers et infirmières qui ne parlent pas un mot de français, pourquoi l’inverse ne serait-il pas possible? »
Junior Ngandu a lui aussi dû « repartir à zéro » professionnellement : « Je suis ingénieur en géologie. Ce que je fais aujourd’hui n’a rien à voir avec tout ce que j’ai appris. J’ai dû rebâtir sur du vide. » Aujourd’hui, le père de famille travaille auprès de la Province et pour ajouter davantage aux défis auxquels il est confronté, il fait plus d’une heure de route pour se rendre au travail. Plus de deux heures passées sur la route chaque jour.
Et cela a un coût. « Le carburant, cela représente environ 400 $ par mois. » Et cela sans compter les frais de stationnement. « Il n’y a pas de bus, pas de train, je suis obligé de me déplacer. » Bien sûr, Junior Ngandu a exploré la possibilité de travailler plus proche de chez lui, mais le constat est amer : « Il n’y a pas beaucoup de possibilités de travail au rural. » Pour autant, la famille Ngandu qui nous vient d’Afrique a la ferme intention de rester ici, de « saisir le taureau par les cornes ».