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« Je dis souvent que je suis arrivé au rural par la force. » Komi Kuessan pose d’entrée de jeu cartes sur table. Pourtant, même si c’est la force qui l’a amené dans la région de la rivière Seine, Komi Kuessan ne regrette en rien ce choix.

« C’est ma femme, Safariate Guidi, qui voulait venir au rural. J’ai grandi à Lomé, la capitale du Togo, une ville au bord de la mer. Alors le rural ne faisait pas vraiment de sens pour moi. Mais amour oblige, j’ai suivi. Sans aucun regret. Parce que le rural m’a permis de découvrir la communauté francophone comme je n’aurais pas pu la découvrir à Winnipeg. »

Son chemin jusqu’à Steinbach commence d’a-bord par l’Université de Saint-Boniface (USB), là où il a rencontré sa femme. « Initialement, je devais partir à Montréal. Cependant, une grande partie des gens de ma promotion partait pour Montréal. Or mon idée de partir à l’étranger était de découvrir de nouvelles personnes. Alors après une discussion avec ma mère, j’ai décidé de changer de projet. Je suis donc arrivé le 3 janvier 2014 à Winnipeg. »

Un 3 janvier, au Manitoba. Komi Kuessan n’est pas prêt d’oublier son arrivée. « Il faisait froid. Vraiment froid (rires). Le seul mot d’anglais que je connaissais était Hello. Le bureau des étudiants internationaux de l’USB nous a beaucoup aidés pour les démarches. Dans la même semaine, il fallait trouver un logement, suivre les cours et acheter des vêtements pour le froid. C’était intense. Mais tellement une belle expérience. »

Premiers pas au rural

Diplômé en 2017 d’un baccalauréat ès arts avec une mineure en administration des affaires et une majeure en sciences politiques, Komi Kuessan s’est ensuite installé à Sainte-Anne. « Honnêtement, notre installation a été vraiment facile. Ma femme avait commencé à travailler en janvier 2017, nous faisions la route tous les jours. Et quand notre projet de s’installer a commencé à se concrétiser, j’ai pris une marche dans Sainte-Anne, j’ai vu un appartement à louer, j’ai appelé la personne et deux jours plus tard nous le visitions et nous signions le bail.

« Peut-être que les démarches ont été simplifiées parce que le propriétaire était lui aussi un immigrant, de l’Autriche et sa femme des Philippines. C’est devenu un très bon ami qui m’a aidé à Sainte-Anne. »

Ce que Komi Kuessan aurait aimé savoir en s’installant au rural, c’est la curiosité des gens. « Quand on vient au rural, il faut être curieux et s’intéresser aux gens. Il ne faut pas avoir peur de poser des questions parce qu’eux vont t’en poser. De fil en aiguille, tu t’intègres vraiment facilement.

« C’est un cercle assez fermé. Mais une fois que tu es rentré dans ce cercle parce que tu as fait l’effort, c’est vraiment chez toi. Tout le monde connaît tout le monde.

« Je donne une anecdote : J’avais l’habitude de courir tous les matins. Sans le savoir, je passais sur le chemin privé de quelqu’un. Un jour, en prenant une marche avec ma femme, je croise une personne qui me dit : Il y a longtemps que tu n’as pas couru! Je lui ai demandé comment elle savait ça. Elle me répond : Parce que tu passes dans mon chemin tous les matins vers 6 h 30. Ça m’a frappé. C’est là que j’ai compris que j’étais au rural. »

Pleinement épanoui

Avant de prendre ses marques, Komi Kuessan faisait quelques allers-retours à Winnipeg. « Je ne vais pas le cacher, je m’ennuyais au début. J’allais à Winnipeg entre deux et trois fois par semaine. J’avais mes habitudes, mes amis. Alors que maintenant, quand on me propose des plans sur Winnipeg, c’est rare que je vienne parce que je suis occupé ici.

« À Sainte-Anne, il y avait le dépanneur quand il manquait une ou deux choses pour les repas. Autrement, il fallait se déplacer à Steinbach pour faire les épiceries. Je dois dire que les magasins ont vraiment évolué en termes de produits, sûrement parce que les populations environnantes ont changé. Maintenant, c’est facile de trouver des produits pour cuisiner de la nourriture de chez moi. »

Désormais, Komi Kuessan a tout d’un véritable résident du rural. « Je me suis découvert une passion pour le jardinage. C’est surprenant. Je n’y connaissais absolument rien. J’ai appris et les gens me donnaient des conseils en me voyant jardiner. »

Komi Kuessan est cependant bien conscient que le rural comporte des aspects difficiles. « Je ne veux pas dire que le rural, c’est le monde des bisounours. Il y a parfois des moments d’incompréhension de la part de l’autre. Ou alors des moments où l’autre a de la réticence vis-à-vis de nous. Il faut aller au-delà de ces premières impressions et aller à la rencontre de l’autre. C’est un pont à construire à deux. »

En 2021, Komi Kuessan et sa famille ont quitté Sainte-Anne pour s’installer vers Steinbach. « Les maisons à Sainte-Anne étaient un peu en dehors de notre budget. Nous cherchions quelque chose avec de l’espace et plus raisonnable. Nous avons pu trouver notre bonheur à Steinbach, qui est limitrophe avec La Broquerie. »

Un sentiment de communauté

Bien qu’il ait déménagé, le sentiment d’appartenance à sa communauté d’accueil n’a pas disparu pour Komi Kuessan. « Tu te sens bien. Les gens connaissent ton prénom, ce que tu aimes, ce que tu fais. C’est chaleureux. Tu peux demander de l’aide aux gens et ils vont le faire avec plaisir.

« L’autre jour, j’ai demandé à mon voisin des conseils pour les gouttières. Il m’a donné tout ce dont j’avais besoin et m’a même montré comment faire. J’ai probablement épargné un 300 $ grâce à lui. Je pense que seul le rural peut t’apporter ce sentiment.

« Mon fils joue avec les enfants du voisin, ma femme peut sortir seule le soir sans que je sois inquiet. »

Pour Komi Kuessan, sans aucun doute, les communautés du rural regorgent d’atouts cachés. « On essaye de vendre les communautés rurales. Elles ont des atouts incroyables. Dès qu’on connaît quelques personnes, elles vont te faire découvrir des endroits magnifiques. Les nouveaux arrivants doivent faire un travail sur eux. Ils doivent faire un pas en dehors de Winnipeg. Il faut prendre le risque. »