Par : Brenda Sawatzky – Initiative de journalisme local

À une époque où le monde cherche des moyens d’abandonner les combustibles fossiles, les trottinettes électriques ont tout leur sens.

Toutefois, comme c’est le cas pour de nombreuses nouvelles technologies qui font leur apparition sur le marché, l’adoption par le public progresse plus rapidement que les lois qui les réglementent. À l’heure actuelle, peu de lois régissent l’utilisation en toute sécurité des trottinettes électriques.

Avant tout, des questions se posent quant à la place de la trottinette électrique – sur le trottoir avec les piétons ou dans la rue au milieu de la circulation? Par ailleurs, doit-elle être soumise au même code de la route qu’un véhicule ou qu’une bicyclette?

Robert Girden, de Niverville, a vu des utilisateurs de trottinettes électriques emprunter à la fois les trottoirs et les rues pour se déplacer en ville. D’après son expérience, certains utilisateurs ne connaissent pas les règles de base du code de la route ou s’en moquent.

« Hier, j’ai vu, à l’angle de Spruce et de la Cinquième Avenue, une jeune femme griller un panneau d’arrêt alors qu’il y avait déjà deux voitures arrêtées à deux des quatre panneaux d’arrêt de l’intersection, raconte M. Girden. Si l’une des deux voitures arrêtées avait franchi le carrefour, cette jeune femme aurait été gravement blessée. Elle n’a même pas essayé de ralentir au panneau d’arrêt. »

Selon le sergent Paul Manaigre de la GRC, la prolifération des bicyclettes électriques, des trottinettes et d’autres engins motorisés incite la Province à examiner attentivement les modifications à apporter au Code de la route.

En l’état actuel des choses, tant qu’il n’y a pas de réglementation spécifique pour les trottinettes électriques, elles relèvent de la même catégorie qu’un vélo ou qu’un véhicule ordinaire.

« Les agents de la GRC sont informés que tous ces engins doivent être traités comme des véhicules en vertu du Code de la route jusqu’à ce que la Province nous dise le contraire, explique M. Manaigre. Techniquement, si vous êtes sur la route, vous devez respecter le Code de la route. Donc, si vous brûlez un panneau d’arrêt, vous pouvez être inculpé. »

Lois du Manitoba concernant les dispositifs assistés

Tant que les dispositifs à assistance électrique sont traités comme des bicyclettes électriques, la loi est très précise.

Selon le Code de la route du Manitoba, les bicyclettes assistées ne peuvent être utilisées que par des personnes âgées de 14 ans ou plus. Les cyclistes doivent porter un casque lorsqu’ils conduisent une bicyclette assistée et doivent rouler en file indienne avec les autres véhicules motorisés qui occupent la même voie.

S’il n’y a pas encore d’indication claire sur l’utilisation des trottinettes électriques sur les trottoirs, la loi est claire en ce qui concerne les bicyclettes.

« Il est interdit de faire circuler sur un trottoir une bicyclette dont la roue arrière a un diamètre supérieur à 410 mm », stipule la loi.

Ce qui se passe ailleurs

La plupart des villes du Canada et des États-Unis s’efforcent d’élaborer une législation qui s’applique aux trottinettes électriques indépendamment des autres appareils électriques.

En novembre 2022, l’Île-du-Prince-Édouard a adopté une politique interdisant la conduite d’une trottinette électrique aux personnes âgées de moins de 16 ans. Les trottinettes doivent être équipées de feux et d’une cloche ou d’un klaxon.

Des restrictions de vitesse s’appliquent, limitant la vitesse maximale à 24 kilomètres par heure et n’autorisant les trottinettes électriques que sur les routes où la vitesse maximale affichée est de 60 kilomètres par heure ou moins. Les trottinettes électriques ne sont en aucun cas autorisées sur les trottoirs, ni sur le sentier de la Confédération de la province.

Des villes comme Toronto et Oshawa avaient initialement ouvert leurs portes aux trottinettes électriques. Depuis, Toronto les a temporairement interdites jusqu’à ce que de nouvelles réglementations soient mises en place.

Malgré cela, les habitants sont si nombreux à les utiliser que l’application de la loi n’a pas été très efficace.

Entre-temps, des personnes sont blessées. En juin dernier, une piétonne a été heurtée par un homme sur une trottinette électrique sur un trottoir de Toronto et elle a perdu connaissance. Elle a subi une commotion cérébrale et une fracture de la clavicule en deux endroits. Il lui a fallu des mois de physiothérapie avant de pouvoir reprendre le travail.

Oshawa envisage également de suspendre temporairement les trottinettes électriques depuis un incident survenu au printemps dernier, au cours duquel une jeune utilisatrice de 20 ans a été tuée après avoir été heurtée par une camionnette.

Pour de nombreux membres des collectivités locales, il est de plus en plus évident que de meilleures infrastructures, telles que des voies réservées aux vélos et aux trottinettes électriques, doivent être mises en place avant que ces engins puissent être considérés comme sûrs.

Au Manitoba, les avis divergent

Chris Shvets est un habitant de Niverville âgé de 13 ans qui adore son scooter électrique. La vitesse maximale de l’engin est de 25 kilomètres par heure. Il est assez simple à utiliser, dit-il, avec seulement un bouton d’accélération et un système de freinage sur le guidon.

Chris Shvets croit en la prudence. Il porte un casque et des équipements de protection et respecte le Code de la route. Mais il ne pense pas que les trottinettes électriques devraient être limitées à la rue.

« Je dirais que s’il y a un trafic dangereux sur la route, le trottoir est une option sûre », indique Chris Shvets.

Il reconnaît que les trottinettes électriques à grande vitesse n’ont pas leur place entre les mains des enfants. Il connaît un autre propriétaire de trottinette électrique à Niverville dont le véhicule peut atteindre une vitesse de 60 kilomètres à l’heure.

Chris Shvets a acheté sa trottinette dans un magasin qui propose des modèles dont le prix varie entre 300 et 3 000 dollars. Leur vitesse maximale varie entre 20 et 60 kilomètres par heure.

Lee Hee est représentante commerciale chez Scooter City à Winnipeg, une entreprise spécialisée dans les trottinettes électriques et les cyclomoteurs de toutes sortes.

Mme Hee explique qu’elle vend surtout des trottinettes à basse vitesse parce que, d’une manière générale, c’est là que se trouve la demande du marché.

Elle précise que la majorité de ses clients recherche des trottinettes électriques qui n’ont pas besoin d’être immatriculées et assurées comme les modèles à plus grande vitesse.

« De tels engins devraient être immatriculés en tant que cyclomoteurs, explique-t-elle. Tout ce qui dépasse le seuil de 32 kilomètres à l’heure nécessite un permis de conduire au Manitoba. »

Mme Hee affirme qu’elle se fait un devoir de connaître les restrictions qui s’appliquent aux produits qu’elle vend afin d’aider ses clients à faire des choix éclairés.

Selon Lee Hee, il faut être âgé de 14 ans ou plus pour conduire un vélo électrique. Si la vitesse maximale du vélo dépasse 32 kilomètres par heure, un permis et une immatriculation sont nécessaires.

Les trottinettes électriques moins rapides, dont la vitesse maximale est inférieure à 30 km par heure, peuvent être utilisées légalement par toute personne âgée de plus de 12 ans sans permis.

Quant à savoir si les trottinettes électriques ont leur place dans la rue, Mme Hee estime qu’il s’agit d’une question d’opinion.

« Je ne pense pas que les trottinettes électriques aient leur place sur le trottoir, mais cela dépend, dit-elle. S’il s’agit d’une trottinette qui roule à 25 kilomètres à l’heure, elle est autorisée à circuler sur le trottoir parce qu’elle n’est pas considérée comme une bicyclette. Il s’agit en quelque sorte d’un jouet. »

Pourquoi cette popularité?

Si l’on met de côté les avantages environnementaux évidents, Lee Hee estime qu’il y a beaucoup d’autres bonnes raisons de posséder une trottinette.

« Je les vends à des personnes qui ont un permis de conduire ou qui n’ont pas de permis du tout, ou encore à des personnes qui ne veulent plus prendre le bus, explique-t-elle. J’ai reçu un homme qui m’a dit qu’il payait 200 $ par mois en frais de taxi et que ce genre de produit était vraiment super pour lui. »

Lee Hee s’adresse à des clients qui travaillent dans le centre-ville de Winnipeg et qui en ont assez de payer le stationnement. Pour d’autres, il s’agit du coût élevé du carburant. Certains de ses clients conduisent leurs trottinettes électriques pendant les mois d’hiver les plus froids.

« La batterie est vraiment la seule dépense que vous aurez à faire en termes d’entretien, explique Mme Hee. Il n’y a pas de mise au point, pas de vidange d’huile, pas d’essence, pas d’assurance et pas de frais de stationnement. »

La durée de vie de la batterie est d’environ cinq à huit ans et son remplacement coûte entre 400 et 500 dollars.

Histoire de la trottinette à assistance électrique

Il est tentant de croire qu’une technologie comme celle des trottinettes motorisées est le signe d’une époque avancée. En réalité, les archives montrent qu’elle remonte au début des années 1900.

Connues à l’origine sous le nom d’autopèdes, les trottinettes autopropulsées étaient équipées de petits moteurs à gaz situés à l’avant ou à l’arrière. À part cela, les modèles historiques ressemblent beaucoup aux trottinettes sur socle vendues en 2023.

Amelia Earhart en possédait une et certains services postaux américains les utilisaient pour la distribution du courrier en ville.