Déjà en février dernier — soit la fin de l’été là-bas — l’étendue de glace recouvrant l’océan qui entoure le continent antarctique était à son plus bas (1,79 million de km2), battant les records de 2016, 2017 et 2022. Normalement, l’hiver est l’occasion pour la banquise de regagner en force, mais à la mi-juillet, le terrain regagné en question était loin en dessous de ce à quoi on se serait attendu : 17 % sous la moyenne 1981-2010 de cette période de l’année, rapportait l’Organisation météorologique mondiale. Au point où de grandes portions des côtes étaient libres de glace, un phénomène jamais observé jusqu’ici. 

Pour l’ensemble de juillet, rapportait l’Agence américaine chargée d’étudier les glaces arctiques et antarctiques, leur progression s’était poursuivie, mais à un rythme toujours plus lent qu’attendu. Cela représentait 1,5 million de km2 de moins que le précédent record… en 2022. À la mi-août, la progression demeurait largement en dessous de toutes les années étudiées depuis 40 ans. (Un total de 15,12 millions de kmde mer recouverts de glace, ou 2,5 millions de kmsous la moyenne).

Rappelons que moins il y a de glace, plus la lumière du Soleil qui frappe l’océan est absorbée par celui-ci, plutôt que d’être reflétée, accélérant le réchauffement de l’eau. Ce qui a un impact sur le reste de la planète, bien que celui-ci soit encore mal compris : on sait que les courants océaniques qui traversent la région transportent les nutriments et sont donc influencés par les variations de température. Et que celles-ci influencent aussi les courants atmosphériques.

Mais à l’échelle locale, ce n’est pas encourageant non plus. Ne pas avoir de glace le long des rivages a pour conséquence que des eaux plus chaudes de l’été érodent davantage les rebords de l’immense banquise qui recouvre le continent. Ces rebords fondent par en dessous, accélérant le glissement d’une portion de la banquise vers l’océan, où elle contribuera tôt ou tard à la hausse du niveau des eaux. 

Il se peut même que ça ait un impact mesurable sur la survie des colonies de manchots empereurs. Selon une recherche parue la semaine dernière, mais qui concerne le recul des glaces de 2022, quatre des cinq sites étudiés par les chercheurs britanniques auraient connu une mortalité de près de 100 % des nouveau-nés, en raison des conditions instables de la glace de mer.

L’Antarctique a été beaucoup moins étudié que l’Arctique au cours des dernières décennies. Résultat, autant on mesure mal l’impact de ces changements, autant les scientifiques ont du mal à mesurer la part de responsabilité qui revient aux variations naturelles et à l’activité humaine. Intervenant le mois dernier sur le caractère inédit des rivages libres de glace, l’océanographe australien Edward Doddridge en parlait comme d’un événement si éloigné de la moyenne qu’il n’était susceptible de se produire qu’à peine une fois par 7 millions d’années.