Francis Hébert-Bernier
Des chercheurs de l’Université de Waterloo ont récemment détecté des niveaux records de microplastiques dans l’eau relâchée dans les Grands Lacs et de ses affluents. Loin de se limiter au cours d’eau, cette forme de pollution a été détectée dans tous les environnements, incluant l’intérieur de nos maisons.
En Colombie-Britannique, des chercheurs ont même détecté du plastique dans ou sur presque tous les aliments qui composent la diète nord-américaine.
Si bien que selon une étude réalisée en Australie, une personne ingère en moyenne 5 grammes de microplastiques par semaine, soit l’équivalent du plastique contenu dans une carte de crédit.
La majorité de ces particules seront éliminées relativement facilement par le corps, explique Joana Correia Prata, chercheuse à l’institut de médecine et de recherches biomédicales de Porto, au Portugal.
« Nous avons des mécanismes pour nous protéger. Par exemple, les plus gros morceaux que nous respirons restent pris dans notre nez et on les éjecte en éternuant. »
Aussi, le mucus présent dans la gorge et le système digestif bloque le passage des microplastiques et les empêche d’aller plus loin dans le système, décrit-elle.
« En fin de compte, c’est moins de 1 % des particules qui pourront traverser et entrer dans notre sang puis nos organes. Ça peut sembler peu, mais il faut se rappeler que l’on parle de millions de particules, alors il y en a quand même des centaines de milliers qui réussissent à passer. »
Des effets difficiles à mesurer
Les recherches sur les effets des microplastiques sur la santé humaine en sont encore à leurs débuts, rappelle la chercheuse. Chaque morceau de plastique est unique et peut créer des effets différents, ce qui les rend très difficiles à étudier de façon contrôlée.
« Chaque particule est un monde en soi, expose-t-elle. Elles diffèrent chimiquement selon le type de polymère et les additifs qu’elles contiennent, physiquement selon leur forme et même leurs couleurs et par les interactions qu’elles ont eues avec l’environnement. »
Nous savons en revanche que les particules de microplastiques peuvent agir comme les autres particules fines présentes dans l’air et dans certaines conditions causer des lésions ou même bloquer des vaisseaux sanguins au niveau des poumons, souligne Joana Correia Prata.
Des produits chimiques présents dans l’environnement ou des bactéries peuvent en outre se lier au plastique puis être libérés dans un organisme comme un humain ou un animal. « Mais l’inverse est aussi vrai, on a vu des cas où des substances toxiques présentes dans un organisme se sont liées au plastique avant d’être expulsées par le système digestif », nuance la professeure.
Mais tout semble indiquer que, du moins à court terme, cette ingestion de microplastique a un effet somme toute limité sur la santé humaine dans la majorité des cas. « Nous en respirons constamment et nous sommes toujours en vie après tout », remarque-t-elle.
Mieux vaut prévenir que guérir
Cela n’exclut toutefois pas que la présence de microplastique puisse entrainer des problèmes à long terme tels que des maladies chroniques ou le cancer, «mais ça prendra encore plusieurs années et de nombreux projets de recherche pour le savoir», note Joana Correia Prata.
« Ce qui ne veut pas dire qu’il faut attendre d’avoir prouvé hors de tout doute que ces particules sont nocives pour agir et diminuer leur prolifération », prévient Karen Wirsig, directrice de programme chez Environmental Defense Canada.
« Les microplastiques peuvent se frayer un chemin jusqu’à notre cerveau, ça ne prend pas beaucoup d’imagination pour comprendre que ce n’est pas une bonne chose, ni pour la santé humaine, ni pour la santé animale et l’environnement. »
Un problème en expansion
Un enjeu d’autant plus important, selon elle, car la pollution de microplastique émise chaque année ne disparait pas ; le problème va toujours en s’amplifiant.
Ce que confirme Johnny Gasperi, directeur de recherche au laboratoire Eau et Environnement de l’Université Gustave-Eiffel à Nantes, en France : « Certains procédés chimiques, physiques et biologiques permettent de dégrader le plastique, mais leur effet est minime. Donc évidemment on est en train de constituer des stocks très importants de débris plastiques, un héritage qui va demeurer pour le futur. »
De plus, nous produisons toujours plus de plastiques année après année, comme en témoigne une étude commandée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La production annuelle a plus que doublé depuis le début du siècle, passant de 234 millions de tonnes en 2000 à 460 millions de tonnes en 2019 à l’échelle planétaire.
Une action concertée
De plus, il serait futile, selon le chercheur, de tenter des opérations de nettoyage pour retirer les microplastiques présents dans l’environnement. « Par exemple, une fois qu’il rejoint une rivière, le microplastique se mélange à toute sorte d’autres éléments comme les minéraux. Retirer l’un sans retirer l’autre serait presque impossible. »
Aussi, s’il est possible de placer des systèmes de filtration pour capter ces particules, notamment à la sortie des machines à laver, ceux-ci resteraient très couteux et auraient une efficacité mitigée, ajoute Karen Wirsig.
Resserrer les règles qui encadrent les producteurs de plastique représenterait une avenue plus intéressante selon elle, car leurs usines demeurent une des premières sources d’émissions.
Toutefois, seule une action concertée entre les différents pays pourrait faire une réelle différence d’après elle, car ce type de pollution ne se soucie pas des frontières.
« Il y a plein de mesures qui peuvent être prises pour mitiger le problème, mais au final elles n’auront pas d’effets significatifs si nous n’essayons pas de réduire la quantité de plastique que nous produisons », conclut-elle.
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Souvent, mais pas toujours microscopiques
Selon la définition généralement retenue, tout morceau ou particule de plastique d’une taille inférieure ou égale à 5 mm est considéré comme étant du microplastique.
Si les scientifiques parlent de microplastiques, c’est principalement pour désigner des morceaux trop petits pour être vus, comme ceux que nous respirons tous les jours, indique Joana Correia Prata, chercheuse à l’institut de médecine et de recherches biomédicales de Porto, au Portugal.
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