Par Antoine CANTIN-BRAULT

La vérité subjective semble vouloir prendre le pas sur la vérité objective, parce que le libéralisme (la pensée en vogue dans notre société) met en avant l’individu. Pour le dire simplement, la vérité subjective provient de soi. Elle est plus axée sur le sentiment ou la conscience. Elle remonte en nous. Elle nous apparaît sous forme d’intuition.

La vérité subjective est l’expression même de l’authenticité : au travers d’un monologue, j’affirme ce qui est ma vérité. Elle conserve les traits du mystère, puisqu’on a du mal parfois à l’expliquer aux autres. Elle s’exprime, si l’on veut, dans la célèbre phrase du penseur Blaise Pascal : Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point.

Et puis il y a la vérité objective, qui a des raisons que la raison peut comprendre. Cette vérité est communicable et, en ce sens, elle invite à la discussion. Par le dialogue, elle peut être retravaillée et recalibrée. Elle est plus logique. Ou, du moins, il faut argumenter pour la faire comprendre. La vérité objective est certainement plus froide et moins mystérieuse, mais elle s’affirme plus clairement pour tous et toutes.

Il est indéniable que nous avons besoin de ces deux types de vérité. Car une vie passée dans seulement l’une ou l’autre des deux dimensions de la vérité serait fort problématique.

Une vie vécue dans la seule vérité objective serait une vie d’obéissance servile, sans possibilité d’intérioriser les devoirs auxquels elle nous astreint.

Une vie vécue dans la seule vérité subjective serait une vie où tout provient de l’individu. Or quand l’individu devient la mesure de toute chose, il n’y a plus de consensus possible, car ce que l’individu trouve en lui est relatif. Rien n’est plus discutable, puisque toute vérité est liée à une personne. Critiquer la vérité de l’autre reviendrait à l’empêcher d’être authentique.

Le monde libéral qui nous imprègne a mis l’accent sur l’individu. Quoique la vérité objective existe encore bel et bien (par exemple sous forme de lois politiques ou de principes scientifiques), l’actuelle survalorisation de la vérité subjective coupe court à toute forme de dialogue.

Passer de la vérité subjective à la vérité objective s’appelle la reconnaissance. La reconnaissance est atteinte quand autrui comprend la vérité subjective de l’individu et lui accorde une certaine valeur.

Passer de la vérité objective à la vérité subjective s’appelle l’autonomisation. Devenir autonome, c’est intérioriser pour soi-même des principes objectifs qui nous sont d’abord extérieurs.

À cette lumière, le constat s’impose : il faut la reconnaissance et l’autonomisation pour mettre en valeur tout le potentiel humain. Le travail de la connaissance, combiné à l’oeuvre de la liberté, peut produire des merveilles lorsque reconnaissance et autonomisation se conjuguent en harmonie.