Ce sont sept chercheuses venues de différents coins à l’Afrique qui sont réunies pour travailler sur les Grands Lacs africains. Ces dernières étaient de passage à Winnipeg pour rencontrer leurs homologues canadiens qui travaillent dans la région des Grands Lacs. Organisée par l’Institut international pour le développement durable (IISD), cette visite a pu s’inscrire sous le signe du partage et de l’échange. En effet, les Grands Lacs d’Afrique et les Grands Lacs du Canada contiennent près de 50 % du volume d’eau douce de la planète, respectivement 25 % et 21 %. Si les chercheurs ont décidé de se rencontrer, c’est qu’ils ont bien compris qu’il y avait des similarités dans leurs enjeux. Microplastiques, plantes inva-sives ou encore protection des espèces.
Élysée Nzigire Rutakaza est chercheuse au Centre de Recherche en Hydrobiologie au Congo. Elle est également candidate au doctorat à l’Université Mohammed V au Maroc. Pour elle, cette rencontre et ce partenariat avec l’IISD-ELA sont des occasions d’apprendre et de partager vraiment intéressantes.
« ELA mène beaucoup d’expérimentations sur la qualité de l’eau et la quantité d’eau. Ils ont beaucoup à m’apprendre, notamment sur le matériel que les chercheurs utilisent. Le fait d’être en contact avec eux, c’est un grand pas. C’est énorme en termes de partage de savoirs, ils ont déjà compilé énormément de données sur les lacs canadiens qui peuvent s’appliquer à nos lacs.
« Surtout, nous pouvons discuter de nos différents points de vue. J’ai ma manière de voir les choses et un chercheur a une autre manière de voir les choses. En échangeant et en discutant, on peut se compléter et comprendre davantage le problème. On s’enrichit les uns les autres. »
D’ailleurs, Élysée Nzigire Rutakaza a pu présenter quelques-unes de ses recherches qui portent sur les algues présentes en eaux douces. « Mes recherches portent sur le phytoplancton, et spécifiquement sur les diatomées. C’est un groupe très diversifié de phytoplancton. Je vais regarder les diatomées et les régimes alimentaires des poissons qui sont présents dans le lac Édouard. Je vais aussi être amenée à travailler dans le lac Victoria pour faire des comparaisons. Il est reconnu que certaines espèces de diatomées ont des nutriments qui sont favorables à la croissance des poissons. J’aimerais vérifier cette hypothèse.
« Pour le moment, ma thèse porte sur les algues. Je vais faire la systématique des diatomées des lacs Édouard et Victoria, ainsi que des rivières affluentes du lac Victoria. Je suis aussi en train de voir s’il y a une corrélation entre la diversité des diatomées et la santé générale des poissons. »
Sept lacs, dix pays
La région des Grands Lacs canadiens compte cinq lacs : le lac Supérieur, le lac Michigan, le lac Huron, le lac Érié et le lac Ontario, et se partagent entre deux pays : le Canada et les États-Unis. Cependant, les défis peuvent commencer à apparaître du côté des sept Grands Lacs africains (Lac Albert, Lac Édouard, Lac Kivu, Lac Malawi/Niassa/Nyasa, Lac Tanganyika, Lac Turkana, Lac Victoria) qui sont partagés entre dix pays. Un frein pour les recherches, comme l’explique Élysée Nzigire Rutakaza.
« L’un des problèmes, c’est évidemment de mettre d’accord les pays entre eux sur le contrôle des lacs. Certains pays ont des lois pour protéger les lacs, d’autres non. Mais si le lac est lié à deux pays, les écosystèmes peuvent être impactés. C’est notre rôle de faire asseoir les décideurs politiques à la même table pour leur faire part de nos préoccupations.
« Il y a aussi une connexion entre tous les lacs nord-américains. Ils sont tous reliés. Alors que de notre côté, tous les lacs ne le sont pas. Ils ont des écosystèmes propres à eux. »
Déformation professionnelle oblige, Élysée Nzigire Rutakaza a déjà pu noter quelques observations au cours de sa visite au Canada.
« J’ai pu voir que les lacs nord-américains connais-sent un vrai problème d’eutrophisation, alors que nos lacs le sont beaucoup moins. Du moins pour le moment. C’est quelque chose que l’on peut peut-être anticiper pour l’avenir en apprenant de nos confrères.
« Les espèces invasives ne sont pas consommées. On essaye de les détruire, c’est tout. Nous en avons dans le lac Victoria, appelées lates niloticus ou perche du Nil. C’est une espèce invasive qui se nourrit d’autres espèces. Cependant, du point de vue socioéconomique, cette espèce est très intéressante. Alors qu’ici, les espèces invasives ne sont pas vues sous cet angle. »