Par Laurent Gimenez.

Le Trésor de la langue française informatisé (TLFi – www.atilf.fr/tlfi), l’un des dictionnaires de français en ligne les plus complets, donne en partie la réponse. Sa définition du mot fleuve est la suivante : « cours d’eau important, généralement caractérisé par une très grande longueur et largeur, un débit abondant, des affluents nombreux, et qui se jette le plus souvent dans la mer ».

Les deux caractéristiques d’un fleuve sont donc ses dimensions importantes et son débouché dans la mer (ou l’océan). Les rivières Rouge et Assiniboine répondent au premier critère, au moins sur le plan de la longueur : la première s’étend sur 885 km et la seconde sur 1 070 km, alors que le célèbre fleuve Tamise, orgueil de l’Angleterre, ne parcourt que 346 petits kilomètres.

Il est vrai que ni la Rouge ni l’Assiniboine ne débouchent sur la mer. La première se jette dans le lac Winnipeg et la seconde rejoint la rivière Rouge à La Fourche, au cœur de Winnipeg. C’est donc bien l’absence de débouché maritime qui prive ces deux cours d’eau du glorieux titre de fleuve, contrairement au Saint-Laurent, au Congo, à la Seine (la française!) et à la Tamise, qui aboutissent à une mer ou à un océan.

La règle, cependant, n’est pas absolue. Prenons le cas de la baie d’Hudson. Tous les cours d’eau qui se jettent dans cette partie de l’océan Arctique portent le nom de rivière et non pas de fleuve, y compris la grande rivière Churchill, longue de 1 609 km. La seule exception est le fleuve Nelson, qui doit peut-être cette distinction à sa longueur impressionnante (2 575 km).

Tous les cours d’eau du Manitoba cités précédemment s’écoulent vers la baie d’Hudson en suivant leur inclination… ou leur inclinaison? Bien qu’ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau, ces deux mots ne veulent pas dire la même chose. Le mot inclination est toujours associé à l’expression de sentiments. Il désigne, au sens abstrait, une attirance vers certaines choses ou certaines personnes (« Elle a une inclination pour les livres et les enfants ») et, au sens concret, le fait d’incliner la tête ou le corps en signe d’approbation ou de respect (« Il m’a salué d’une légère inclination de la tête »).

Le mot inclinaison, en revanche, ne s’emploie qu’au sens concret et désigne une position inclinée par rapport à la verticale (« L’inclinaison de la tour de Pise a rendu ce monument célèbre »). Les rivières Rouge et Churchill n’ont donc pas d’inclination particulière pour la baie d’Hudson, mais une inclinaison naturelle qui les conduit vers elle.

Rive et berge sont deux mots qu’on emploie couramment pour désigner le bord d’un cours d’eau. Leurs sens sont très proches, mais pas tout à fait identiques. La rive est la bande de terrain en contact avec l’eau. Lorsqu’une rive est prolongée vers l’intérieur des terres par une élévation, naturelle ou aménagée, on parle plutôt de berge. Par exemple, à Saint-Boniface, on peut accéder à la rivière Rouge par les berges aménagées en face de la Cathédrale ou, à certains endroits, par les rives basses couvertes de pierres ou de végétation.

Dans son plus récent roman, Tous des loups (2022), l’auteur franco-manitobain Ronald Lavallée écrit : « Le matin, quand les canots passent devant des berges de granit, on croit voir le roc et les arbres plonger dans les profondeurs. » Ces « berges de granit » évoquent un environnement dangereux qui traduit bien l’atmosphère d’angoisse de ce roman policier, dont une grande partie de l’action se déroule dans la nature sauvage du Nord canadien. Des « rives de granit » auraient fait surgir dans l’esprit du lecteur d’autres images, plus douces, voire poétiques. Une autre histoire.