L’organisme Constru-Force Canada, qui s’intéresse à la main-d’oeuvre dans le secteur de la construction, a publié une étude sur les perspectives de l’emploi pour le Manitoba entre 2023 et 2032. Le but de cette étude est de préparer les différentes entreprises à la réalité du marché de l’emploi. D’ici 2032, 7 600 travailleurs devraient prendre leur retraite. Il faudra donc que des nouvelles personnes entrent sur le marché pour pouvoir les remplacer à niveau de qualification égale. En plus de remplacer ces travailleurs, il faut regarder les perspectives de croissance de la population. Il faudrait donc ajouter 1 100 travailleurs supplémentaires pour suivre les besoins de la population manitobaine.
Même si 2032 peut paraître loin dans la tête de plusieurs personnes, la directrice générale de Manitoba Building Trades (MBT), Tanya Palson, qui a pris son poste en mars 2023, a décidé de ne pas attendre afin d’éviter des situations qui mettraient des entreprises en danger. En effet, MBT représente les intérêts de 13 syndicats membres. MBT a alors lancé une plateforme, Try The Trades, avec toutes les informations en anglais. Et depuis maintenant quelques semaines, ces mêmes informations sont en partie disponibles en français. « Je dirais qu’au moins 50 % du site est en français. Nous voulons vraiment essayer de rejoindre les élèves francophones, où qu’ils soient. » En effet, chaque fiche métier possède sa description en français. Tanya Palson espère que le site web sera complètement bilingue d’ici la fin du mois de novembre 2023.
Rejoindre du monde
Pour Raymond Simard, consultant en construction, cette plateforme a toute sa place. « C’est vraiment très intéressant. C’est probablement une première au Canada. La pénurie est incroyable, dans tous les corps de métier. À cause de ce manque de main-d’oeuvre, les prix augmentent et les projets n’avancent pas, parce qu’il n’y a pas assez de monde. C’est devenu très évident dans les dernières années qu’il n’y a pas assez de monde formé. Alors rejoindre plus de monde et en français, c’est une excellente idée. »
Les quelque 6 000 élèves de la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM) pourraient certainement en bénéficier, comme le suggère son directeur général, Alain Laberge. « La DSFM est bien heureuse de voir que des offres de cours de métiers ont été traduites en français. Cela dit, nous espérons que ces organismes pourront rapidement proposer une offre de cours enseignés en français, et pas seulement une affiche pour attirer une clientèle qui, au bout du compte, étudiera en anglais. » Actuellement, seuls le Collège Red River ou encore le Manitoba Institute of Trades and Technology proposent des formations pour les métiers de la construction. Alain Laberge poursuit : « Il est important de souligner que la DSFM demande au ministère de l’Éducation, depuis plus de dix ans, de pouvoir offrir des cours de métiers au sein de ses propres institutions. »
Casser les préjugés
Dans le cadre de ce travail, Tanya Palson a pu trouver un appui auprès de Carl Charest, responsable des communications du Conseil provincial du Québec, qui était chargé de trouver des partenaires pour du contenu francophone auprès du Conseil national. « Lors d’une rencontre à Kelowna, Tanya est venue m’expliquer sa volonté d’aller à la recherche de ces jeunes francophones pour le domaine de la construction. Mon espoir est que les autres provinces embarquent dans la volonté d’avoir du contenu en français », relate Carl Charest.
Derrière cette plateforme, il y a aussi la volonté de casser les préjugés sur les corps de métiers de la construction. Trop souvent, les élèves sont envoyés vers des métiers manuels parce que jugés pas assez bons à l’école. Mais Tanya Palson insiste sur la nécessité de compétences pour ces métiers. « Lorsque des personnes entrent sans compétences sur le marché de l’emploi, elles sont exposées à de grandes questions et à une certaine vulnérabilité.
« Sur cette plateforme, il y a des renseignements pour les élèves suivant la carrière qu’ils souhaitent poursuivre. Imaginons qu’un élève veuille devenir électricien, il trouvera dans cette fiche descriptive les niveaux qui sont nécessaires dans certaines matières pour poursuivre dans cette formation. Ce qui permet, au secondaire, de mieux s’orienter au moment de faire des choix. Il faut se rendre compte que sans un certain niveau, il ne sera pas possible de travailler dans le domaine souhaité, parce qu’il faut des compétences. Ce n’est pas facile d’entrer en construction, et encore moins d’évoluer dedans. »
Cas pratiques
Un point que confirme Raymond Simard. « La plateforme pourrait certainement permettre à des élèves de la DSFM ou encore des écoles d’immersion de s’intéresser à ces métiers. Souvent, l’éducation au postsecondaire est privilégiée. Mais il y a un travail à faire pour encourager les jeunes vers ces métiers, parce qu’il y a de vraies carrières qui peuvent se faire dans ces domaines. »
Outre les élèves, les enseignants et enseignantes trouveront aussi des données qui pourront les appuyer dans leur travail, comme l’explique Tanya Palson. « Il suffit de s’inscrire gratuitement sur la plateforme pour avoir accès à du contenu pédagogique en français. Je sais que parfois, il est difficile pour eux de trouver des ressources en français. Par exemple, il y a des exercices de mathématiques qui sont des cas pratiques pour certains métiers. Ce sont les mêmes principes mathématiques. Mais dans des situations professionnelles. »
Des besoins grandissants
Toujours dans l’étude de ConstruForce Canada, il est possible de voir que certains métiers sont plus en demande que d’autres. C’est le cas pour les soudeurs, les couvreurs ou encore les charpentiers-menuisiers. Tanya Palson estime que le nombre de personnes qui devraient entrer dans des formations à ces métiers devrait se situer autour de 14 000. Elle détaille : « Actuellement, le plus gros manque est chez les compagnons. Le taux de réussite au diplôme est de 50 %, ce qui fait qu’en moyenne, pour devenir compagnon, il faut compter sept à huit ans, alors que normalement la formation est prévue pour quatre ans. Mais il faut arriver à se remettre à niveau dans certaines matières parfois, parce qu’au départ, les gens sont rentrés sans formation. »
Tanya Palson pointe aussi que « le Manitoba est actuellement l’une des provinces les plus lentes dans le domaine de la construction, en ce qui concerne les chantiers industriels et commerciaux. Il n’y a pas eu de gros investissements dans la construction dans la dernière décennie. »
Maintenant que l’élection du 3 octobre est passé, la directrice générale de MBT attend donc de voir si les promesses d’investissements vont se concrétiser. Ce qui demandera une main-d’oeuvre plus consé-quente.
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