Chantallya Louis

Une nouvelle nomination qui était très attendue depuis la retraite de Gérald Comeau en 2013.

Le directeur général de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), Jules Chiasson, ne cache pas son enthousiasme face à cette la nomination de Réjean Aucoin.

« On est très ravis, on applaudit la nouvelle. […] Ça faisait plusieurs années que la FANE demandait au premier ministre de nommer un sénateur acadien. »

Même son de cloche chez Rémi léger, professeur de sciences politiques à l’Université Simon Fraser en Colombie-Britannique.

« Je pense qu’il y a une histoire d’avoir un sénateur ou sénatrice acadienne de la Nouvelle-Écosse, explique-t-il en entrevue. Une histoire malheureusement qui a été interrompue avec la démission de Gérald Comeau. […] Avec la nomination de Me Aucoin, je pense qu’on vient de relancer cette tradition. »

Un défenseur des droits linguistiques

Réjean Aucoin est un avocat spécialiste en droit criminel reconnu dans la communauté acadienne de la Nouvelle-Écosse. Défenseur des droits linguistiques francophones, il est le président fondateur de l’Association des juristes d’expression française de la Nouvelle-Écosse (AJEFNE).

« Il est bien respecté et bien apprécié », affirme Jules Chiasson.

Le principal intéressé se dit honoré d’avoir été nommé au sein du Sénat canadien.

« C’est certain que je vais représenter les Acadiens de la Nouvelle-Écosse, les francophones en milieu minoritaire à travers le Canada, ma région et ma province », précise le sénateur Aucoin.

L’avocat de Chéticamp a représenté la FANE dans le combat pour la création d’une circonscription électorale protégée à Chéticamp. L’audience a eu lieu le 23 octobre dernier devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse.

« C’est un dossier qui m’a tenu beaucoup à cœur », admet-il alors qu’il attend toujours la décision de cette audience.

Parmi les autres dossiers, il surveille notamment les développements au sujet de la loi sur le divorce et le droit des Canadiens de divorcer en français.

Représenter les minorités

Selon Rémi Léger, le Sénat canadien a été conçu non seulement pour représenter les régions canadiennes, mais pour aussi représenter les minorités qui ne retrouvent pas leur voix au sein de la Chambre des communes.

« C’est difficile parfois pour les minorités de se faire élire au Parlement canadien parce qu’elles sont des minorités », détaille-t-il.

Avoir un représentant acadien de la Nouvelle-Écosse au Sénat, offre une opportunité de plus pour les Acadiens de la province de faire entendre les enjeux de la communauté indique Jules Chiasson.

« Ce sont des personnes qui peuvent nous ouvrir des portes quand on va à Ottawa pour plaider certains dossiers, soutient-il. Pour plaider certaines causes auprès de certains ministres, auprès de certains ministères, auprès de certains fonctionnaires, hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral. »

Dans cette optique, Réjean Aucoin se dit prêt à travailler et à mettre de l’avant ces dossiers qui touchent sa communauté.

« Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour les justifiables francophones qui se présentent en cour, dit-il. Par exemple, peu demandent d’avoir des procès en français parce qu’ils sont intimidés par le système ou pensent que le juge ne va pas apprécier. »

Pour Rémi Léger, le sénateur Aucoin « devient un allié, [il] devient un autre champion des Acadiens, oui, mais de la francophonie de manière générale au Sénat canadien. »

La particularité de Chéticamp

Quelques années après la Déportation, les Acadiens autorisés à revenir en Nouvelle-Écosse ont été dispersés sur le territoire.

« [Pendant plus de 200 ans], les Acadiens de différentes régions de la Nouvelle-Écosse ne se connaissaient pas, ne se fréquentaient pas, vu qu’ils habitaient très loin les uns des autres », retrace Rémi Léger.

Au fil du temps, des Acadiens de plusieurs régions de la Nouvelle-Écosse ont siégé au Sénat, mais Réjean Aucoin est le premier sénateur originaire de Chéticamp, dans le Nord de la province.

Le premier ministre, Justin Trudeau, a annoncé la nomination de quatre autres sénateurs en Atlantique : l’infirmière Joan Kingston, l’avocat John McNair, l’ancienne cheffe de la direction à la Chambre de commerce de Fredericton Krista Ross, tous les trois représentant le Nouveau-Brunswick. L’ancien consul général du Canada à Boston pour la Nouvelle-Écosse, Rodger Cuzner, représente, lui aussi, la Nouvelle-Écosse.

Il y a encore 11 sièges vacants au Sénat sur un total de 105.