L’indice des prix à la consommation continue d’augmenter au Canada. En août dernier (1), il était en hausse de 4 % par rapport à août 2022. En juillet, l’indice avait progressé de 3,3 % en 12 mois.

Établi depuis 1985, l’organisme Moisson Manitoba a pu constater l’impact de cette inflation récente de multiples façons, autant sur la clientèle que sur ses activités. Vince Barletta, président-directeur général, raconte :

« Ici à Moisson Manitoba, l’inflation nous frappe de trois façons. La première, c’est que les demandes d’utilisation de nos banques alimentaires ont atteint des niveaux historiques. En mars 2023 notamment, près de 22 000 familles se sont servies dans une banque alimentaire quelque part au Manitoba. Ça représentait 47 000 personnes, dont 17 000 enfants. »

Il précise que depuis le début de la pandémie de COVID-19 en 2020, Moisson Manitoba a enregistré une augmentation d’utilisateurs de 150 %. Une hausse en grande partie attribuable à l’inflation.

«  Les derniers 18 mois/deux ans, nous avons connu au Canada des niveaux d’inflation inégalés depuis au moins 30 ans, en particulier au niveau du panier d’épicerie. Et ça, ça frappe les familles vraiment fort. On a beaucoup de nouveaux clients dans nos banques alimentaires, du monde qui n’avait jamais eu besoin de nous avant. »

Nouvelle clientèle

D’ailleurs, les profils des utilisateurs de banques alimentaires ont changé dans les trois dernières années.
«  La nouveauté, c’est qu’on voit de plus en plus de personnes qui viennent se servir à Moisson Manitoba alors qu’elles ont un emploi. Aujourd’hui, un de nos clients sur quatre a un emploi, et je sais que c’est la même chose ailleurs au Canada. Les salaires n’arrivent pas à compenser la hausse des prix. »

Le problème est pire pour ceux et celles qui vivent de pensions fixes. Selon Vince Barletta, «  ils n’arrivent plus à étirer leur budget assez pour manger à leur faim. 90 % des personnes qui viennent à Moisson Manitoba ont un budget d’épicerie de 50 $ ou moins par semaine. Aujourd’hui, avec ça, on n’a rien ou presque ».

Les clients de Moisson Manitoba peuvent venir se servir dans leur banque alimentaire une fois toutes les quatre semaines. Ils n’y trouvent d’ailleurs pas que de l’alimentation, mais aussi des produits d’hygiène personnelle et féminine, de nettoyage, des vêtements, de la nourriture pour animaux, etc.

Outre les individus, le président-directeur général remarque aussi la venue d’organismes en plus grand nombre. Il explique  : «  On a aussi un programme de partage de nos surplus avec des organismes comme les écoles, les garderies, les foyers d’aînés, ou encore les refuges pour femmes. Pour eux aussi, les prix ont augmenté et leurs budgets sont étirés au maximum

« Si on peut les aider un peu en leur offrant certaines choses, c’est de l’argent en plus pour continuer leurs programmes. Par exemple, ils peuvent avoir besoin de thé, de café, de jus, de biscuits, ou encore de produits de nettoyage et d’hygiène. »

« Les derniers 18 mois/deux ans, nous avons connu au Canada des niveaux d’inflation inégalés depuis au moins 30 ans, en particulier au niveau du panier d’épicerie. Et ça, ça frappe les familles vraiment fort. On a beaucoup de nouveaux clients dans nos banques alimentaires, du monde qui n’avait jamais eu besoin de nous avant. »

Vince Barletta

Plus de dépenses que jamais

Si les prix ont augmenté pour les consommateurs, forçant plusieurs d’entre eux à frapper aux portes des banques alimentaires pour joindre les deux bouts, ils ont aussi augmenté pour l’organisme lui-même. C’est le deuxième impact de l’inflation selon le président-directeur général.

« Ça nous coûte plus cher de faire fonctionner notre bâtisse et nos camions de livraison, ou encore de payer nos employés. De plus, nous devons désormais acheter de la nourriture, que nous redistribuons ensuite entre toutes les banques alimentaires de notre réseau, pour pouvoir répondre à la demande en hausse. »

Une nouvelle dépense non négligeable puisque l’achat de nourriture par l’organisme s’est élevé à plus de 2 millions $ en 2022-2023, ce qui représentait 25 % du budget opérationnel total de Moisson Manitoba. À titre de comparaison, cette part du budget en 2019 s’élevait à 0 %.

Vince Barletta clarifie : « Le problème, c’est que la nourriture qu’on reçoit nous vient de nos magasins d’alimentation partenaires. Mais pour eux aussi, l’inflation fait qu’ils ne peuvent plus se permettre de nous donner autant de nourriture gratuitement. Ils font plus attention.

« Donc on reçoit moins de surplus, et en même temps la demande augmente chez nous. On est alors forcé de compenser. C’est le troisième impact de l’inflation que je peux voir. »

Moisson Manitoba a été en mesure de faire ces achats grâce notamment à un fonds d’urgence reçu de la Province du Manitoba en décembre 2022. « Nous avons reçu 3 millions $, ce qui nous a bien aidés pour combler le manque de nourriture, explique Vince Barletta.

« Nous en avons aussi utilisé une partie pour amortir nos coûts de transport, et nous avons gardé ½ million $ pour donner des subventions à 25 banques alimentaires de notre réseau qui avaient besoin d’argent pour acheter de nouveaux réfrigérateurs, congélateurs, améliorer leur bâtisse, ou simplement survivre. »

Vince Barletta tient par ailleurs à souligner le soutien constant des agriculteurs et des jardiniers manitobains, qui continuent d’offrir un peu de leurs récoltes à Moisson Manitoba chaque fois que c’est possible. « Nous sommes vraiment chanceux au Manitoba, affirme-t-il. Notre communauté agricole est incroyablement généreuse.

Le PDG de Moisson Manitoba se réjouit également de constater que les individus trouvent d’autres moyens d’aider l’organisme en ces temps économiquement difficiles  : par un don de leur temps. « Nous avons comptabilisé 65 000 heures de bénévolat en 2022-2023, c’est 50 % de plus que l’année précédente! »

Moisson Manitoba compte actuellement environ 6  250 bénévoles actifs, dont 1  575 nouveaux bénévoles accueillis depuis janvier 2023

(1) Derniers chiffres disponibles au moment de l’écriture de cet article.

« Nous devons désormais acheter de la nourriture, que nous redistribuons ensuite entre toutes les banques alimentaires de notre réseau, pour pouvoir répondre à la demande en hausse. »

Vince Barletta

Moisson Manitoba au service du Nord

L’inflation n’empêche pas Moisson Manitoba de servir du mieux possible la population manitobaine dans le besoin. Parmi les nouveautés de 2022-2023, le président-directeur général de l’organisme, Vince Barletta, est particulièrement fier d’être « la première banque alimentaire au Canada à travailler avec le gouvernement fédéral, précisément le ministre des Affaires du Nord, Daniel Vandal, pour acheminer de la nourriture aux communautés des Premières Nations du Nord du Manitoba.

Ce sont des communautés qui ne sont pas accessibles par la route et dans lesquelles les prix de l’alimentation sont terriblement élevés. 20 $ pour une boîte familiale de céréales Cheerios en 2019! Désormais, nous desservons quatre communautés isolées  : Saint Teresa Point, Wasagamack, Garden Hill et Red Sucker Lake. Nous envoyons deux avions remplis de nourriture par mois dans ces communautés des Premières Nations. »

Impact minimal au Centre Flavie

De son côté, le Centre Flavie à Saint-Boniface ne ressent pas l’impact de l’inflation. Le directeur général, Gilbert Vielfaure, affirme que « nous continuons d’accueillir des clients en grand nombre et de recevoir autant de dons qu’avant, voire même plus depuis notre déménagement. Je n’ai pas constaté de changement pour nous

« Certes, nos factures d’électricité et d’essence pour les livraisons et ramassages sont plus élevées, mais on peut encore rééquilibrer notre budget sans problème. »

Un projet de loi pour contrer la hausse du panier d’épicerie

Le 21 septembre dernier, la vice-Première ministre du Canada et ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déposé à la Chambre des communes le Projet de loi C-56 sur le logement et l’épicerie à prix abordable.

Entre autres, ce projet de loi propose de modifier la Loi sur la concurrence en augmentant les pouvoirs du Bureau de la concurrence, afin d’éviter les monopoles et la fixation ou hausse abusive des prix sur des produits de consommation courante.

« Le projet de loi C-56 apporte des solutions concrètes pour baisser le prix du panier d’épicerie  », affirme Chrystia Freeland.

Pour leur part, le Nouveau Parti démocratique (NPD), le Bloc québécois (BQ) et le Parti conservateur (PC) se sont tous réjouis du dépôt de ce projet de loi, tout en soulignant qu’il a encore « besoin d’être grandement amélioré pour réellement ramener le prix des aliments à un niveau abordable au Canada », comme l’exprime le député conservateur, Ryan Williams.

Selon ce dernier, lors de la dernière année, les prix des aliments ont augmenté de près de 7 % à l’échelle canadienne, et de 17 % sur les deux dernières années. D’où la nécessité d’agir.

Le député néo-démocrate d’Elmwood-Transcona, Daniel Blaikie, renchérit  : «  Il s’agit d’une mesure législative intéressante. Il y a de bonnes idées concernant le Bureau de la concurrence. Cependant, on pourrait en faire plus, comme imposer des pénalités plus sévères. »

Le projet de loi C-56 est présentement débattu en deuxième lecture à la Chambre des communes.