Quand la guerre entre le nord et le sud de la Corée a éclaté en 1950, les Nations unies (ONU) ont voulu agir vite pour éviter une propagation du communisme. Ils ont donc envoyé une force spéciale des Nations unies en Corée pour une action policière de maintien de la paix. Le Canada faisait partie de cette force spéciale.
Yonah Martin, sénatrice canadienne d’origine coréenne, explique l’impact de ces termes : « On n’a pas appelé ceci une guerre pour pouvoir s’ingérer plus rapidement dans les affaires d’un autre pays. Par conséquent, les Canadiens à la maison avaient aucune idée que c’était une véritable guerre qui se déroulait à des milliers de kilomètres d’eux!
« Alors quand les soldats canadiens sont rentrés de Corée, ils n’ont pas eu droit à un grand accueil chaleureux de héros. Ils ont juste dû disparaître dans la société, et ça a été très dur pour beaucoup d’entre eux. Il y a eu beaucoup de cas de stress post-traumatique. »
Ce n’est qu’en 1991 que le Canada a reconnu officiellement les combattants canadiens de la Corée comme des vétérans de guerre, et ceux-ci ont encore dû attendre jusqu’en 2008 pour pouvoir recevoir des prestations.
« Quand le projet de loi a été adopté, [les vétérans] ont tous pleuré, ils m’ont embrassée, et ils m’ont remerciée pour cette reconnaissance officielle. C’était un moment très important pour eux. »
Yonah Martin
Un retard qui s’explique
Pour le Dr Jongwoo Han, président de la fondation Korean War Legacy Foundation (KWLF), ce délai d’attente n’est pas si surprenant. « Non seulement les Canadiens ne pouvaient pas savoir, mais les soldats eux-mêmes ne voulaient pas trop en parler au départ. Ils avaient laissé derrière eux une situation sans victoire claire. Encore aujourd’hui, aucun traité de paix n’a pu être signé depuis l’armistice de 1953.
« De plus, quand les soldats canadiens sont arrivés en Corée, ils y ont trouvé une culture et des relations sociales complètement différentes et difficilement racontables à quiconque n’était pas là pour le voir. Les soldats n’étaient pas non plus bien équipés pour le climat. L’hiver de 1950-1951 a été le plus froid de toute l’histoire de la Corée, or ils avaient des uniformes d’été.
« C’est pourquoi ils voulaient surtout oublier cette guerre. Ils pensaient avoir perdu leur temps, en tous cas c’est ce que plusieurs vétérans que j’ai interviewés dans le cadre de la KWLF m’ont confié. »
Finalement, avec les Jeux olympiques de Séoul en 1988 notamment, les vétérans ont commencé à réaliser à quel point la Corée du Sud des années 1980 était différente de celle qu’ils avaient laissée dans les années 1950.
« Ils ont commencé à prendre conscience de l’impact positif de la guerre, rapporte Dr Jongwoo Han. Leur sacrifice n’avait pas été en vain, finalement. Grâce à eux, la Corée était désormais une démocratie forte et économiquement prospère. Un vrai miracle sans précédent. Les vétérans ne s’y attendaient pas du tout! »
Dans les années 1980, des associations de vétérans de la guerre de Corée ont donc vu le jour un peu partout au Canada. « Petit à petit, les vétérans eux-mêmes ont reconnu la portée de leurs sacrifices, et ils ont voulu que la société les reconnaisse aussi pour se souvenir de leurs contributions après leur disparition. Ils ont fait du lobbying auprès du gouvernement pendant près de dix ans pour être officiellement reconnus. »
Aujourd’hui, bien que certains soient « un peu amères de ne pas avoir été reconnus plus tôt et tristes que certains frères d’armes soient décédés avant cette reconnaissance », Dr Jongwoo Han affirme que les vétérans de la guerre de Corée sont « parmi les plus fiers du Canada. Ils ont réussi à contenir le communisme! Et ça, c’était l’une des réussites les plus importantes du 20e siècle ».
Pas assez
Mais pour Yonah Martin, une reconnaissance officielle n’était pas suffisante. Devenue sénatrice en 2009, elle a présenté en 2012 le projet de loi S-213 pour établir une journée annuelle spéciale de commémoration des vétérans de la guerre de Corée.
« La journée choisie est le 27 juillet, le jour de l’armistice. C’était très important et personnel pour moi de faire quelque chose car la Corée, mon pays d’origine, aurait probablement été perdue au communisme sans eux. Les histoires de leurs sacrifices m’ont émue aux larmes. »
Le 19 juin 2013, pour le 60e anniversaire de la signature de l’armistice, son projet de loi a été adopté. « Je me souviens que j’étais en compagnie de quatre vétérans. Quand le projet de loi a été adopté, ils ont tous pleuré, ils m’ont embrassée, et ils m’ont remerciée pour cette reconnaissance officielle. C’était un moment très important pour eux. »