Un pas significatif qui pourrait améliorer grandement la santé des abeilles à l’avenir.

Proposé par la société américaine Dalan Animal Health Inc., le vaccin sera distribué aux apiculteurs commerciaux du Canada à partir du printemps 2024. Ce vaccin oral, autorisé sous conditions, va donc s’attaquer à la loque américaine. C’est une maladie causée par une bactérie appelée Paenibacillus larvae, qui s’attaque aux jeunes larves abeilles. La bactérie peut être dans la ruche et ultimement engendrer la mort de la colonie. La maladie est aussi extrêmement contagieuse. 

Fernand Saurette, biologiste spécialiste des abeilles, et lui-même apiculteur, donne d’autres détails. « La bactérie est très petite, microscopique, et produit beaucoup de spores. Ces spores sont résistantes à toutes sortes de conditions environnementales et peuvent durer des années. C’est un fléau. »

Les abeilles en danger

Jusque-là, pour traiter cette maladie, la destruction complète par le feu des colonies infectées était l’une des solutions. Aussi, l’utilisation d’antibiotiques était recommandée. Mais selon le degré d’infection, cette solution n’est pas toujours efficace et le traitement une fois fini, il est toujours possible que la maladie revienne. Un sujet qui interpelle sur la façon de soigner les abeilles. 

En effet, la santé des abeilles a un impact sur l’humain. Pour rappel, selon les experts apicoles de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, un tiers de la production alimentaire mondiale dépend des abeilles, de leur travail de pollinisation. « D’habitude, il n’y a pas besoin de soigner les abeilles, car il y a assez d’abeilles pour amener du nectar à la ruche et la nourrir », souligne Fernand Saurette. 

Mais le biologiste précise la manière dont les apiculteurs peuvent aider leurs abeilles. « À l’automne, quand on récupère le miel, un manque de nourriture peut arriver et empêcher que les abeilles puissent hiberner comme il faut. Dans ce cas, l’apiculteur doit fournir un sirop à base de sucre dont les abeilles peuvent se servir. Le mois de juin est souvent aussi à surveiller, car c’est une période où il y a moins de fleurs. C’est aussi la pleine saison de la croissance de la ruche. Il faut donc plus de ressources, de sirop en l’occurrence, pour ne pas que la ruche meure de faim. »

« Si l’on peut tester et voir les bienfaits de ce vaccin contre la loque, on peut peut-être aussi utiliser ce même processus pour traiter d’autres maladies. Les virus, les champignons, d’autres bactéries, des acariens, il y a de multiples organismes qui sont prêts à envahir une ruche. »

Fernand Saurette

Antibiotiques contre vaccin

Par ce vaccin, l’utilisation des antibiotiques pourrait être considérablement réduite. Ce qui est un réel avantage selon Fernand Saurette. Il rappelle que le miel est extrêmement testé avant d’être donné aux humains. Dans le cas où des traces d’antibiotiques seraient retrouvées dans du miel, tout le stock serait banni et ça créerait « un chaos pour le marché du miel. Depuis une vingtaine d’années, les médecins ont eu tendance à trop donner d’antibiotiques pour n’importe quel petit problème. C’est devenu de l’abus, au point où les bactéries ont développé une résistance. Alors il a fallu aller au prochain niveau, avec des antibiotiques encore plus forts. C’est devenu malsain ».

Le vaccin de la firme américaine, créé sans organisme génétiquement modifié (OGM), souhaite lutter contre la loque américaine avant même son apparition. À l’image des vaccins pour humains, ce vaccin utilise des morceaux inactifs de Paenibacillus larvae. La solution est ajoutée à la nourriture des abeilles ouvrières, qui vont ensuite la donner à la reine. La reine, en l’ingérant, l’aura dans ses ovaires, protégeant alors les larves. « La larve, c’est comme un petit asticot au fond de l’alvéole, qui va se nourrir peu à peu et s’auto-immuniser. C’est de la prévention, ça empêche la maladie d’éclore. C’est une grande découverte », se réjouit Fernand Saurette.

Un vaccin historique

En effet, l’expert saisit bien le caractère historique de ce procédé. Selon lui, cela ouvre tout un tas de perspectives pour le soin et le bien-être des abeilles, souvent mises à mal par plusieurs éléments (environnement, maladie, prédateurs, pesticides). « Si l’on peut tester et voir les bienfaits de ce vaccin contre la loque, on peut peut-être aussi utiliser ce même processus pour traiter d’autres maladies. Les virus, les champignons, d’autres bactéries, des acariens, il y a de multiples organismes qui sont prêts à envahir une ruche. »

Fernand Saurette attend désormais les prochaines étapes pour voir comment ce vaccin va évoluer dans un milieu naturel. En effet, les essais de l’entreprise américaine n’ont été réalisés qu’en laboratoire, dans un milieu fermé et sécuritaire. « Ça sera un niveau complètement différent, qui entraîne plusieurs questions : est-ce que ce vaccin sera viable à la congélation? Comment l’administrera-t-on? Est-ce que l’apiculteur aura besoin d’une protection particulière? Il y aura certainement besoin d’une formation surveillée par un vétérinaire. »