Et justement, la Ville propose, pour la première fois, un plan stratégique pour sa forêt urbaine qui permettrait d’encadrer la destruction des arbres sur les terrains privés. 

Récemment, les résidents du quartier de Saint-Norbert se sont mobilisés pour empêcher un projet de développement sur une partie de la forêt de Lemay. Dans la foulée, le conseiller municipal pour Saint-Norbert-Rivière-Seine, Markus Chambers, a déposé une motion devant le comité communautaire Riel pour inciter la Ville à racheter le terrain au groupe propriétaire, ou bien procéder à un échange. Pour l’heure, la motion doit encore passer devant le comité exécutif de la ville, mais n’apparaît pas encore sur l’agenda et aurait été reportée au mois de janvier 2024. 

L’une des préoccupations principales des résidents du quartier était l’absence de loi de protection pour les arbres situés sur des terrains privés. Cependant, cela pourrait changer. 

Une stratégie 

Lors du comité exécutif de la ville de Winnipeg prévu le 5 décembre, un plan de stratégie pour la forêt urbaine doit être présenté devant le comité. Ce dernier adresse un certain nombre de points et présente de nombreuses recommandations, notamment au niveau de la plantation, la gestion, mais aussi la protection des arbres.

Par exemple, l’action 19A du plan stratégique propose justement de remédier à l’absence de règlement. Cela permettrait à la ville de réguler la préservation et la protection des arbres sur les terrains privés.

Car à l’heure actuelle, l’encadrement des projets de développement par la Ville est assez « flou », selon le conseiller municipal pour Saint-Vital, Brian Mayes. 

« Il est arrivé que nous avortions certains projets, car un trop grand nombre d’arbres auraient été perdus, mais nous avons laissé faire dans d’autres cas. » 

Assouplissement des règles 

À la fin du mois de novembre, la Ville acceptait d’ailleurs des changements importants dans les règles entourant le zonage des terrains en échange d’une subvention fédérale de plusieurs millions de dollars. Ces changements consistent concrètement en un assouplissement des règles. 

Par exemple, les constructions de quatre unités résidentielles sur un seul terrain ne nécessiteraient plus l’approbation de la Ville ou d’une audience publique. Brian Mayes insiste : « En raison de ces changements, il est d’autant plus important qu’une sorte de protection soit mise en place pour les arbres. » 

L’organisme à but non lucratif Trees Winnipeg, travaille justement à sensibiliser le public, mais aussi la ville, à la santé des forêts urbaines de Winnipeg. Son directeur général, Christian Cassidy estime que cette problématique ne relève pas exclusivement de la Ville. 

« Si l’on regarde une carte de Winnipeg, 90 % des terres sont privées ou appartiennent à des corps institutionnels. Il y a un peu plus de 3 millions d’arbres dans la forêt urbaine de Winnipeg et seulement 300 000 d’entre eux appartiennent à la Ville. C’est pour ça qu’il y a 10 ans nous avons commencé des ateliers d’arboriculture, pour apprendre aux gens à prendre soin des arbres, apprendre à en planter de nouveaux, etc. Nous poussons la ville quand c’est possible, mais nous sommes conscients qu’une partie de la responsabilité repose sur le public. Les commerces, les entreprises, les propriétaires ou encore les écoles doivent planter des arbres sur leurs terrains. » 

Replanter et partager

Christian Cassidy estime malgré tout qu’il était temps que la ville envisage la mise en place de loi pour les terrains privés, « c’est un problème sous-jacent depuis des décennies ». 

C’est quelque chose que l’on retrouve beaucoup dans les initiatives, à la fois des municipalités, mais aussi des grandes entreprises : replanter des arbres pour lutter contre la crise climatique. Mais Patrick Carty, arboriste et coordinateur de programmation pour Trees Winnipeg, bien qu’il salue la démarche, argue que cela ne devrait pas être une priorité. 

« Il est beaucoup plus important de protéger les arbres plus vieux, qui sont déjà matures. Plus il est vieux et grand, plus il a de valeur écologique. Cela peut prendre jusqu’à 60 ans pour des arbres fraîchement plantés pour être capables de stocker la même quantité de carbone qu’un vieil arbre. » 

Malgré tout, la situation de Winnipeg n’est pas catastrophique pour autant. 

Préserver la canopée winnipégoise

Avec ses quelque 287 hectares, le parc Assiniboine est la plus grande forêt urbaine au Canada. Et si la beauté de cette dernière est indiscutable, préserver la canopée winnipégoise n’est pas seulement une question d’esthétique. 

L’arboriste rappelle l’importance du rôle que jouent les arbres au sein de l’écosystème. Évidemment, ils sont essentiels pour filtrer le dioxyde de carbone dans l’air et en filtrer les polluants, mais ce n’est pas tout. « De la même façon qu’ils filtrent l’air, ils permettent également de filtrer l’eau qui tend à être plus propre près des espaces boisés. » La présence d’arbre est d’ailleurs excellente pour la rétention des eaux de ruissellement et éviter le débordement des systèmes d’égouts. 

Les réseaux racinaires protègent aussi les rives de l’érosion, et dans une ville comme Winnipeg, traversée par deux rivières, cette fonction-là est particulièrement importante. Et pour finir, même en termes de confort, les arbres sont des alliés de taille. « Alors que le béton absorbe la chaleur, les arbres sont efficaces pour faire baisser les températures de quelques degrés. Si on prend pour exemple deux maisons sur la même rue, celle qui a un arbre dans son jardin aura tendance à être plus fraîche. »