Cette pièce écrite aux débuts des années 2000 par Drew Hayden Taylor et mise en scène par Xavier Huard résonne encore 24 ans après son écriture.

D’abord écrite en anglais par le dramaturge canadien Drew Hayden Taylor, originaire de la Première Nation du Lac Curve, c’est avant la pandémie de COVID-19 que Charles Bender s’est attelé à la traduire en français. Après une tournée de deux ans, la pièce pose ses valises en français à Winnipeg.

Natalie Tannous a rejoint l’aventure il y a peu. Dans cette pièce, elle joue Michelle, qu’elle décrit comme : « c’est une Québécoise qui pense connaître, qui pense bien faire. Mais qui ne fait que des gaffes. »

Elle est accompagnée sur scène par Charles Bender, qui joue Dave, avec qui elle est en couple dans la pièce. « Je suis de descendance Wendat. Quand nous avons décidé de jouer la pièce, je ne voulais pas jouer un rôle autochtone. En voyant Dave, c’est le personnage qui m’attirait le plus. Je le trouve extraordinairement candide, naïf. »

La pièce met en scène des amis autour d’un souper qui représentent les extrêmes opposés d’une société. L’occasion de discussions houleuses et qui laissent place à une comédie.

Cette pièce s’inscrit dans un processus de vérité et de réconciliation, Charles Bender explique. « C’est une occasion de montrer qu’on a encore énormément d’angles morts malgré les bonnes intentions. Nous n’avons pas le choix de reconnaître qu’il existe ces angles morts et que nous ne pouvons pas les éviter. Cette pièce les révèle et montre qu’il y en a certainement de tous les côtés. Ce n’est pas étonnant que la pièce résonne encore aujourd’hui. Il y a au-dessus de 400 ans de colonisation, alors ce n’est pas étonnant de pouvoir ressortir une pièce 24  ans après et apprendre encore des choses. »

Natalie Tannous renchérit. «  La problématique n’est pas d’un côté ou de l’autre. Elle vient de partout. J’ai l’impression que cette pièce sert à péter l’accès et qu’on en parle. Mettons tout ça sur la table et parlons-en. Évidemment le théâtre peut être une porte ouverte pour la vérité et la réconciliation. Mais il faut des actions concrètes après. »

En français et en anglais

L’avantage de jouer un per- sonnage à plusieurs reprises, c’est d’exploiter son potentiel et de le développer. Alors, le jouer dans deux langues, c’est une occasion encore plus intéressante pour les comédiens comme le suggère Natalie Tannous. « En français, je redécouvre mon person- nage. Elle m’apparaît un peu plus matante. J’adore ça, c’est une belle découverte. La différence de langue donne une impression très différente du personnage. Je ne peux pas appliquer la même chose en anglais et en français. Ce n’est pas pareil.

«  Elle m’apparaît un peu plus bourgeoise en français. En anglais, elle était moins fausse. Enfin tout ça se passe dans ma tête. Ce que perçoit le public est peut-être complètement différent. »

Charles Bender confirme qu’« évidemment passer d’une langue à l’autre, d’un bagage culturel à un autre va avoir une incidence sur le personnage. Mais aussi, avoir une autre personne qui nous donne la réplique vient colorer la relation. En tant que comédien, même si moi j’ai l’impression de jouer le même personnage avec les mêmes intentions, et bien mon partenaire sur scène influence ma manière de jouer. Et comme acteur, c’est vraiment un cadeau. »

Charles Bender a aussi l’avantage d’avoir traduit la pièce, ce qui lui offre une vue d’ensemble. « Ce n’est pas facile de traduire. Surtout parce que c’est de la comédie, il faut trou-ver autant de punch, de rires. Par exemple, j’ai dû déplacer des rires dans la traduction.

« J’ai suivi les conseils d’un dramaturge, Jean-Marc Dalpé qui disait : quand je dois traduire une pièce, je me fous d’où les rires tombent. Je veux la même quantité de rires. Donc c’est comme ça que j’ai travaillé, en ayant la même qualité et quantité de rires. Ce sont des choix qui doivent être faits. »

Et il faut dire qu’avec une tournée pancanadienne, les référents humoristiques ne sont pas nécessairement les mêmes. Charles Bender a donc dû travailler autour de cette réalité. « Cette pièce a été jouée en anglais, en français et en français en situation minoritaire. Ce n’est vraiment pas la même chose. »

Sa collègue, Natalie Tannous confirme. « L’humour anglophone et l’humour francophone sont très différents. Les anglophones ne vont pas rire aux mêmes endroits que les francophones. Alors on sait qu’il va y avoir une réactivité différente de la part du public.

« C’est forcément quelque chose qui rend le travail intéressant. »

Charles Bender rappelle que « le théâtre c’est un art vivant. Nous sommes à l’écoute de ce que vit le public. On est là dans l’immédiat. Il y a une richesse d’être en contact avec ton public, de jouer avec lui et il change d’un soir à l’autre. »

La pièce se joue jusqu’au 20 janvier.