Les derniers développements en date viennent du média La Presse. Les journalistes ont appris que GC Strategies, l’entreprise qui s’est vue attribuer le plus gros financement (19,1 millions $) pour le développement d’ArriveCAN, avait aussi décroché quelque 140 contrats du gouvernement fédéral totalisant 258 millions $ depuis 2015.

La Presse explique également que GC Strategies, qui se présente comme un « fournisseur de solutions informatiques », ne compterait que quatre employés.

Quelques heures plus tard, ce 14 février, le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Jean-Yves Duclos, indiquait que les contrats du gouvernement fédéral avec GC Strategies étaient suspendus depuis novembre 2023.

Un rapport qui pointe plusieurs manquements

Le 29 avril 2020, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) avait lancé l’application numérique ArriveCAN. Elle a servi, au plus fort de la pandémie, à collecter des renseignements sur la santé des voyageuses et des voyageurs et de leurs coordonnées.

Alors que l’ASFC avait dépensé 80 000 $ pour créer sa version initiale, le coût de l’application est finalement de 59,5 millions $. « La documentation, les documents financiers et les contrôles de l’Agence des services frontaliers du Canada comportaient tellement de faiblesses que nous n’avons pas pu déterminer le coût précis de l’application ArriveCAN », remarque Karen Hogan, la vérificatrice générale du Canada dans son rapport de quarante pages dans sa version française.

Sur GC Strategies, le rapport souligne avoir « constaté que l’Agence disposait de peu de documents montrant comment et pourquoi l’entreprise GC Strategies s’était vue attribuer le premier contrat issu d’un processus non concurrentiel pour l’application ArriveCAN. »

Une enquête de la GRC?

Raymond Hébert, professeur émérite en sciences politiques de l’Université de Saint-Boniface, est d’abord surpris qu’il n’y ait pas eu encore de congédiement de responsables gouvernementaux liés à cette affaire. « On ne peut que constater de graves lacunes dans les procédures employées et très peu de surveillance. Trop de factures ont été approuvées avec peu de détails sur le travail accompli. »

L’expert politique essaie de comprendre les décisions des responsables qui ont donné autant de contrats à une seule entreprise. « Même si le contexte de la pandémie obligeait une certaine urgence d’action, ce n’est pas suffisant, il y avait sûrement d’autres moyens de procéder. Des principes de gestions de base ont été violés. Vu les montants impliqués, ça mériterait sûrement une enquête publique pour aller plus loin. »

Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada et chef de l’opposition officielle, a, depuis ces révélations, demandé au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada d’étendre son enquête criminelle.