Tour d’horizon avec l’économiste Raymond Clément et le Ministre Adrien Sala.

Le dernier rapport de Statistique Canada, qui date de novembre 2023, indiquait que la production totale d’électricité au Canada avait diminué de 1,3 % de novembre 2022 à novembre 2023, et que le plus grand facteur de cette baisse était le recul de la production d’hydroélectricité de 9,4 % pour s’établir à 29,6 millions de mégawattheures (MWh).

En termes de baisse de production d’hydroélectricité, le Manitoba puis la Colombie- Britannique étaient les plus durement touchés, avec des réductions de production respectives de -41,4 % et -18,6 %.

« C’est toujours inquiétant quand les réservoirs d’eau se vident, confie l’économiste franco-manitobain, Raymond Clément. D’habitude, ils se remplissent l’été en vue du pic de demande en hiver, notamment en janvier. Mais cette année, c’était la sécheresse, surtout à partir de juin 2023. Et comme on a eu peu de neige cet hiver, ça s’annonce mal pour le reste de l’année. »

Adrien Sala. (photo : Marta Guerrero)

Du côté de la Province, Adrien Sala, ministre des Finances et ministre responsable d’Hydro-Manitoba, reste confiant dans l’avenir. « Bien sûr, on aimerait plus de précipitations, mais j’ai entièrement confiance en le conseil d’administration d’Hydro-Manitoba pour relever ce défi.

« Nous savons que le changement climatique va poser de plus en plus de défis au réseau hydraulique, et Hydro-Manitoba est prêt à faire face à divers scénarii. »

Outre l’impact sur la production d’hydroélectricité pour les foyers et entreprises du Manitoba, cette baisse a aussi des conséquences sur les exportations. Selon Statistique Canada, les exportations d’électricité du Canada vers les États-Unis ont globalement diminué de 20,3 % par rapport à novembre 2022, dont une baisse de 64,4 % au Manitoba.

« Quand on n’a plus assez pour exporter après avoir répondu à la demande domestique, ça fait mal à l’économie », analyse Raymond Clément.

Une baisse qui s’explique aussi, l’expert précise toutefois, parce que les marchés de l’éolien et du gaz naturel sont en augmentation aux États- Unis, au détriment de l’hydroélectricité.

Pas de panique pour les Manitobains

Si l’économie est mise à mal, Raymond Clément nuance tout de même le tableau. « On a quand même encore beaucoup de capacité énergétique, donc on ne risque pas de manquer pour nos besoins domestiques pour le moment, rassure-t-il. D’autant plus que cet hiver est plutôt doux, donc la consommation d’électricité est relativement faible. Mais il ne faudrait pas que cette sécheresse dure trop longtemps. »

En outre, des ententes sont déjà signées avec plusieurs États et provinces voisins, comme la Saskatchewan, l’Ontario, le Minnesota et le Dakota du Nord, pour faire face à toute situation de pénurie.

Le ministre Sala confirme que « le Manitoba a des accords avec certains États américains pour importer de l’énergie pendant les mois les plus froids de l’année, au besoin ».

Selon Raymond Clément, « notre problème au Manitoba, c’est qu’on se fie trop à Hydro-Manitoba pour tous nos besoins en électricité, alors que l’organisme a une dette de près de 23,1 milliards $ à combler.

« Construire des barrages loin dans le Nord, c’est très dispendieux. La centrale Keeyask, ouverte en février 2021, a finalement coûté 8,7 milliards $ (1). On devrait davantage diversifier nos sources d’énergie, comme avec les pompes à chaleur dans le sol ou encore l’éolien, qui fournit aujourd’hui 3 % de notre électricité. »

Un message que la Province a bien entendu, d’ailleurs elle y travaille déjà, comme le rappelle Adrien Sala. « La Province pousse dans ce sens. Pendant la campagne électorale de l’automne dernier, on avait promis de connecter gratuitement 5 000 foyers au chauffage géothermique. Un plan est maintenant en préparation, on va bientôt pouvoir faire des annonces à ce sujet. »

Quant à Hydro-Manitoba, les objectifs du ministre pour la compagnie de la Couronne restent clairs : « On fera toujours en sorte que l’entreprise reste publique, que les tarifs abordables soient maintenus, et qu’elle réponde aux besoins de la province. L’hydroélectricité, ça reste notre source principale d’énergie renouvelable au Manitoba. »

(1) Le coût du projet avait au départ été estimé à 6,5 milliards $