L’annonce qu’un sous-ministre adjoint sera de nouveau responsable du Bureau de l’éducation française (BEF) au Manitoba a été saluée par ceux et celles qui avaient déploré l’abolition de ce poste par le feu gouvernement progressiste-conservateur de Brian Pallister en 2017.

Son ministre de l’Éducation, Ian Wishart, avait alors froidement expliqué que : « Notre gouvernement a été élu avec le mandat de réduire la fonction publique. Nous avons déjà réduit de manière importante nos effectifs pour être plus efficaces et rentables. Il faut comprendre que le Conseil du Trésor vise une réduction des dépenses publiques. »

Comme si l’éducation en français avait été une dépense onéreuse! Malgré les dispositions constitutionnelles inscrites dans la loi de 1870 sur le Manitoba, le gouvernement provincial avait imposé un système d’enseignement bilingue en 1896 puis interdit l’usage du français comme langue d’enseignement en 1916. Pendant plus de 50 ans, l’Association d’éducation des Canadiens français du Manitoba s’était substituée au ministère de l’Éducation pour maintenir l’enseignement en français. Cela n’a rien coûté au gouvernement provincial qui a fait des économies importantes pendant des décennies en refusant d’assumer ses responsabilités.

Malgré l’injustice de la décision du gouvernement du Manitoba, les parents devaient payer les impôts scolaires qui finançaient les écoles publiques. Ceux qui pouvaient le faire devaient payer en plus les frais de scolarité pour envoyer leurs fils au Collège de Saint-Boniface qui, comme institution privée, enseignait en français sans financement gouvernemental. Pour les autres, il n’y avait que les classes de français offertes clandestinement dans les écoles publiques jusqu’à ce que les filles soient admises en petit nombre au Collège.

En 1967, le gouvernement progressiste-conservateur de Duff Roblin a adopté la loi 59 qui restituait le droit d’enseigner en français mais pour seulement la moitié de la journée scolaire. Et en 1970, le gouvernement néo-démocrate d’Ed Schreyer a adopté la loi 113 qui rétablissait la pleine légitimité de l’enseignement en français.

L’établissement du poste de sous-ministre adjoint en 1976 avait été vu comme une façon de reconnaître l’importance de l’enseignement en français et de son statut à l’intérieur de l’appareil gouvernemental. Dorénavant un ou une fonctionnaire serait responsable d’une équipe chargée de proposer les priorités et les politiques appropriées au gouvernement, et pour appuyer les divisions scolaires en ce qui regarde l’enseignement en français.

À l’avenir, l’impact réel du rétablissement du poste dépendra du mandat qui sera donné au nouveau sous-ministre adjoint et de la réelle influence qu’il pourra exercer sur les décisions. Chose certaine, l’annonce du gouvernement néo-démocrate de Wab Kinew a une valeur symbolique importante. Elle renforce la légitimité de l’enseignement en français et renverse une décision prétendument basée sur des considérations budgétaires et qui, au fond, s’inscrivait dans une longue histoire d’opposition au statut du français au Manitoba.