C’est une longue lettre ouverte que le premier ministre a fait parvenir la semaine dernière aux Manitobains et Manitobaines sur le site du gouvernement. Thierry Lapointe, professeur agrégé de sciences politiques et vice-doyen à la Faculté des Arts à l’Université de Saint-Boniface, analyse ce discours. « Cette lettre ouverte est adressée principalement aux citoyens du Manitoba, même si on cite le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau. Cette lettre est le reflet d’une volonté de vouloir naviguer au travers de la polarisation qu’on connaît un peu partout dans le monde. 

« Dans cette lettre, Wab Kinew essaie de trouver un terrain d’entente. C’est-à-dire qu’il blâme les actions du Hamas en Israël. Mais il appelle à reconsidérer la tendance de déshumanisation qui peut exister dans la bande à Gaza. Le premier ministre dit qu’on ne peut pas réduire les actions d’un groupe à l’ensemble de la population. Il fait référence autant aux actions du Hamas. Mais aussi au fait que critiquer le gouvernement israélien ne signifie pas être antisémite. Il cherche à souligner ces points. C’est évidemment très symbolique. Il appelle aussi aux valeurs communes : la tolérance, le respect du pluralisme, le respect de la dignité humaine, etc. 

« C’est véritablement un appel aux communautés divisées sur une situation extrêmement complexe. Il souligne que l’accent devrait être placé sur les individus qui subissent ces opérations militaires. Il faut les voir comme des êtres humains avec toute la dignité humaine qui vient avec. »

Un cessez-le-feu

À la fin de sa lettre, le premier ministre, Wab Kinew appelle à un cessez-le-feu durable et demande au Canada de faire de même. En décembre dernier, Justin Trudeau avait publié un communiqué conjoint avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande où il était demandé un cessez-le-feu humanitaire. Thierry Lapointe souligne que « le cessez-le-feu humanitaire cherche à pouvoir permettre aux ONG de pouvoir être déployées sur le terrain sans être l’objet collatéral d’une opération militaire. 

« Lorsqu’on parle de cessez-le-feu durable, ça suppose une solution politique, donc une négociation entre les deux parties. Ce qui est particulier dans cette situation c’est qu’on a affaire à un état souverain, Israël et un groupe terroriste, le Hamas qui a gouverné pendant plusieurs années et qui n’est pas un acteur étatique. Mais quand on parle de négociation, il faut bien deux parties pour la négociation. »

De plus, plusieurs pays, dont le Canada, ont émis des obligations dans ce cessez-le-feu durable. « Le Canada a déjà soulevé le point que le Hamas ne devrait pas être responsable de la gouvernance d’un territoire donné. Évidemment, cette condition rend la situation compliquée pour une négociation. Cependant, on souligne qu’Israël ne devrait pas non plus occuper militairement la bande de Gaza après les opérations. Ce qui semble à contre-courant des interventions du gouvernement de Benyamin Netanyahou. Si l’objectif est d’éliminer le Hamas, plusieurs analystes ont souligné que couper la tête d’un dirigeant si la situation reste la même, il y aura toujours des groupes qui émergeront pour prendre la place du Hamas. »