Pour la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, il faut rester précis dans l’effort.

Le gouvernement du Manitoba a mis sur pied, en mars 2023, un Groupe de travail pour réduire la charge administrative des médecins. Une décision prise à la suite d’un rapport publié par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) qui dénonçait cette charge. Le groupe de travail devait prendre fin en décembre 2023. Finalement, le gouvernement néo-démocrate a décidé de rallonger la durée du mandat.

Dans leur rapport de progression en date de février 2024, le groupe de travail avait identifié une réduction de 75 300 heures de charge administrative sur l’année 2023. Plus que la cible fixée à 10 % sur les 633 000 heures de charge administrative non nécessaire. Ces 633 000 heures de charge administrative représentent 1,8 million de visites par an.

Frédéric Gionet, analyste principal des politiques, des Affaires législatives, pour l’Ile-du-Prince Édouard et l’Atlantique à la FCEI, souligne le besoin de réduire davantage cette charge administrative. « Au Canada, chaque année, 18 millions d’heures sont dédiées à l’administratif pour les médecins. Beaucoup se plaignent de ce fardeau. Surtout que ces heures correspondent à environ 56 millions de visites de patients. »

Responsabilité du médecin

Des visites dont ne peuvent se passer les patients à l’heure où le système de santé connaît une certaine pression et où les délais d’attente s’allongent. Frédéric Gionet identifie quelques endroits où l’administratif peut devenir un fardeau. « On parle de paperasserie qui demande beaucoup d’étapes, des choses qui sont dupliquées, les papiers qui doivent être remplis pour les assurances, la facturation. Il y a beaucoup d’aspects légaux. Le médecin est responsable de beaucoup d’administratif.

« Ce sont des choses qui sont nécessaires. Nous reconnaissons que cet administratif est important pour les personnes qui attendent des formulaires que ce soit d’invalidité, une référence à un autre médecin. Mais l’administratif ne doit pas prendre plus qu’un certain montant de temps aux médecins. Donc est-ce que tout devrait être la responsabilité des médecins? »

Outre le cheminement d’un formulaire pour un patient, Frédéric Gionet reconnaît que le système de santé n’a pas forcément connu la même évolution technologique que le reste des secteurs d’activité. « Le système de santé est très antique, tout est fait de manière papier. Il n’y a très peu d’électronique dans le système de santé. Ce système ne fonctionne pas à la même vitesse que le reste de la société. Ce qui fait que certains médecins se retrouvent à faire des choses manuellement alors qu’il y avait peut-être des solutions pour optimiser tout cela. »

Des pistes à explorer

Le gouvernement du Manitoba s’est donc doté d’action à court, moyen et long terme pour parvenir à réduire la charge administrative. Une bonne chose d’après Frédéric Gionet. « Il faut mesurer la paperasserie. Combien de formulaires sont nécessaires? Par combien de personnes est vu ce formulaire? Qui touche ce formulaire? Combien d’heures sont consacrées à la circulation de ce formulaire? C’est important d’avoir une idée du cheminement. Dans cette analyse, il faut déterminer les tâches qui reviennent uniquement aux médecins. À quel point le médecin doit toucher ce formulaire?

« Une fois qu’on a tous ces chiffres. Il faut mettre une cible de réduction avec des actions à court terme, moyen terme et long terme. Il faut aussi être très transparent pour publier ces résultats. Pour assurer ce travail, il faut une imputabilité à l’interne du gouvernement et donc une personne dédiée à tout ce processus. Ce n’est pas un exercice politique, c’est un exercice d’administration et de gouvernance. »

La Nouvelle-Écosse, modèle à suivre

Si le Manitoba a commencé à prendre des mesures, la Nouvelle-Écosse a été la première province à s’attaquer au problème. Frédéric Gionet salue d’ailleurs l’engagement du gouvernement. « La Nouvelle-Écosse est une province qui a beaucoup de leadership dans ce dossier. Elle a mis comme priorité son système de santé avec un plan d’action.

« Tout d’abord, le gouvernement néo-écossais s’est fixé un objectif de 10 % de réduction de charge administrative, soit environ 50 000 heures. Ils l’ont atteint et surpassé même. L’objectif a donc été fixé de réduire 400 000 heures, par année ce qui équivaut à 1,2 million de visites chez le médecin. La Nouvelle-Écosse a reconnu qu’il n’y avait pas assez de médecins et qu’il fallait libérer les spécialistes pour qu’ils puissent faire leur travail. »

Frédéric Gionet y voit aussi une occasion d’attirer du monde dans le secteur de la santé. En 2021, le Manitoba comptait 2 996 médecins et 18 229 infirmières et infirmiers réglementés. « Évidemment, cette politique va aussi avec une politique de recrutement pour le système de santé. Mais c’est possible qu’avec une politique de réduction de charge administrative, les personnes soient attirées à venir dans ce système médical parce qu’il y a une amélioration des conditions de travail. »

Là encore, la Nouvelle-Écosse et les provinces de l’Atlantique se démarquent pour le recrutement de leur personnel. « En Atlantique, il y a beaucoup de travail pour les conditions de travail qui est mené. Par exemple, il y a un registraire commun pour les médecins. C’est-à-dire qu’un médecin n’a pas besoin d’être licencié dans chacune des provinces, on reconnaît ses compétences dans chacune des provinces de l’Atlantique. Les patients peuvent voyager sans une charge administrative supplémentaire. »