C’est une question qu’on nous pose très souvent à nous, les nouveaux arrivants : Mais pourquoi donc le Manitoba?! Pour moi, ça a été une question de rencontres, avec un peu de hasard, un peu de chance, et beaucoup d’intuition. En 2012, alors que je faisais mes études de maîtrise à l’Université d’Angers (dans l’Ouest de la France), mon gut me l’a dit : Un jour, je vivrai à Winnipeg, au Canada.

Ce jour est arrivé en août 2015. Comme beaucoup, je suis arrivée ici seule, avec mes (nombreuses) valises. C’est tout. Même si j’avais déjà le goût de l’aventure, et plusieurs expériences d’expatriation en Europe derrière moi, je n’étais jamais partie aussi loin de chez moi (une petite ville dans l’Ouest de la France), ni pour aussi longtemps. J’arrivais au Manitoba pour une année, pour être assistante de langue française à l’Université de Saint-Boniface (USB).

Ma chance était que je connaissais déjà deux personnes ici, à Winnipeg : Andrea Davis et Natalie Baird, deux manitobaines, qui avaient fait une année d’études dans mon université en France, en 2010. On s’était liées d’amitié, mais jamais je n’aurais pensé, à ce moment-là, que j’allais vivre à mon tour dans leur ville natale, au milieu du Canada.

Un accueil comme dans un rêve

Je me souviens encore précisément de ce moment. Andrea et Natalie sont venues me chercher à l’aéroport de Winnipeg, vers 1 h du matin. Elles m’ont hébergée le temps que je trouve un logement. Elles m’ont aidée à trouver ma première colocation. J’ai du mal à imaginer comment se seraient passés mes premiers temps à Winnipeg sans elles.

Mais leur générosité ne s’arrête pas là. Durant mon premier jour au Canada, Andrea me propose : « Cette fin de semaine, on va à notre chalet avec ma famille. C’est au bord du lac, à 1 h de Winnipeg. Veux-tu venir avec nous? » Évidemment!

À travers mes lunettes roses d’européenne, le cadre dans lequel j’ai passé ma première fin de semaine manitobaine était digne d’une carte postale du Canada. La famille d’Andrea en rigole encore : sur leur « livret d’or » (un petit carnet dans lequel les invité.e.s peuvent laisser des petits mots), je m’extasie (vraiment comme une touriste) d’avoir vu une tortue, un aigle, de m’être baignée dans un lac et, surtout, d’avoir vu un chipmunk! Mes réactions d’émerveillement étaient un peu exagérées (comme d’habitude), mais pourtant si sincères. Je n’en revenais pas de vivre un tel moment, à peine quelques jours après mon arrivée dans un tout nouveau pays, sur un tout nouveau continent.

Cette visite, dans une famille canadienne que je n’avais jamais rencontrée, a été le premier d’une longue série de moments d’accueil. Andrea m’a invitée chez son oncle et sa tante pour fêter l’Action de grâce. Elle m’a aussi invitée à mon premier festival de musique au Manitoba, Harvest Moon Festival, durant lequel j’ai vu mes premières aurores boréales.

En fait, quand je repense à ma première année au Manitoba, Andrea et sa famille sont un peu partout. Ils ont tout fait pour que je me sente accueillie, entourée, à la maison. Et ce fut réussi.

Mon premier Noël chez les Robert

Mon expérience et ma vie au Manitoba ne seraient pas les mêmes sans l’apparition de Sylvie Robert dans ma vie. Nous nous sommes rencontrées à l’USB, en septembre 2015, quand on a commencé à travailler ensemble, au département d’études françaises. Très vite, j’ai été rassurée par sa douceur, sa sensibilité, son intelligence, son ouverture d’esprit. On s’est liées d’amitié et elle a fait quelque chose que je n’oublierai jamais : elle m’a invitée à passer mon premier Noël canadien avec sa famille.

C’est quelque chose qui a été évoqué plusieurs fois par nos intervenant.e.s dans notre balado. Le premier Noël. Bien que nous ne soyons pas vraiment religieux, Noël est un moment très important dans ma famille, synonyme de joie et de retrouvailles. Être seule pour mon premier Noël au Canada aurait été difficile.

Sylvie n’a pas hésité à m’inclure avec toute sa famille proche. J’ai donc passé mon premier Noël canadien chez Diane et Léo Robert. Je suis encore émue quand j’y pense. Cette famille m’a ouvert ses portes sans hésitation. Il y avait les grands-parents, les trois filles Robert et leurs partenaires, les petits-enfants. J’étais la seule « étrangère » présente.

Avant de se mettre à table, Léo Robert conclut le bénédicité en remerciant ma présence, car « personne ne devrait être seul.e pour Noël ». Comment vous dire que je me suis mise à brailler immédiatement (ainsi que Sylvie et sa sœur Maxine – j’ai très vite compris qu’on avait cette grande sensibilité en commun!). Cette générosité de cœur m’a profondément touchée. Ce Noël reste, à ce jour, un de mes meilleurs souvenirs manitobains. Je pense que c’est à ce moment que j’ai senti que j’étais chez moi au Manitoba. Et que je n’y serai jamais seule.

Des liens pour la vie

Avec Sylvie, je me souviens aussi avoir vécu plusieurs moments cocasses d’apprentissage, surtout par rapport au vocabulaire. Par exemple, elle a éclaté de rire quand j’ai dit « wrap » ou « tupperware » à la française. Je pense aussi au jour où j’ai utilisé l’expression française « Oh la vache! » et qu’elle a compris que je parlais d’elle… Quelle confusion!

Mais au fond, j’ai rarement senti des moments de différences. Au contraire. Sylvie est un repère pour moi. C’est une des personnes à qui je raconte mes péripéties de vie. Bien que nous ayons grandi dans des contextes culturels différents, je me sens toujours comprise.

Je pense aussi à Sophie Gaulin, qui m’a donné l’opportunité professionnelle de mes rêves, puis une famille adoptive. Ou bien à Sarah Gagné, qui a été un véritable coup de foudre amical et un repère pendant mes premières années au Manitoba. Sans elle, je n’aurais peut-être pas connu la LIM, ni la communauté franco-manitobaine comme je la connais aujourd’hui.

Ce n’est pas tout beau tout rose, évidemment. Il y a des manques, parfois des incompréhensions, des chocs culturels et d’autres défis liés à la vie d’expatrié.e.s. Pour ma part, je fais vraiment partie des chanceux.ses. Tout d’abord, parce que vivre au Canada est mon choix. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Et puis parce que j’ai eu beaucoup de chance avec les personnes que j’ai rencontrées ici. Sans elles, je ne serais pas restée au Manitoba. C’est une chose de venir au Manitoba, c’en est une autre d’y rester. Celles et ceux qui ouvrent leurs portes font toute la différence. Ce sont eux qui nous font rester. Et je leur en suis, moi aussi, éternellement reconnaissante.