En quelques mois à peine, le Canada a su mettre la lumière sur la nouvelle arrivante. En effet, à l’occasion du Sommet national sur l’apprentissage pour la francophonie canadienne organisé par le Réseau pour le développement de l’alphabétisme et des compétences (RESDAC), Mwasi Kabange, 27 ans, a remporté le prix Omer-Caissie qui honore les apprenants et apprenantes dans l’ensemble du Canada. « Ça a été une réelle surprise. Je pensais aller à cette rencontre pour simplement parler de mon histoire et encourager les autres. C’est un prix en forme de victoire pour moi. »

Une victoire en forme de revanche sur des derniers mois et années difficiles pour Mwasi Kabange et sa famille. Originaire de Lubumbashi, ville située au sud-est de la RDC, Mwasi Kabange a d’abord quitté son pays il y a une vingtaine d’années pour fuir les conflits. « Petite, avec ma famille, nous sommes partis du Congo. Il y avait trop de guerres. Nous nous sommes réfugiés au Burundi. »

Si Mwasi Kabange évoque des conflits passés, la RDC est toujours en proie à l’instabilité. En effet, depuis le début de février 2024, la situation en matière de sécurité dans l’est de la RDC est extrêmement

délicate. Les combats s’intensifient entre les forces de l’ordre et le groupe rebelle M23 dans le Nord-Kivu. Ce conflit a fait des centaines de victimes et des milliers de personnes déplacées, peut-on lire sur le site du gouvernement canadien. « Ça fait un moment que je n’y suis plus. Mais d’après ce qu’on voit, il y a un massacre en cours. Tellement de gens sont tués, ce sont aussi mes frères. Ça fait tellement mal de voir ça. Des gens sont tués comme des animaux. En tant que Congolaise, c’est dur, ça me fait mal… Je prie pour que ça se termine un jour ou moins que ça se calme », explique, émue, Mwasi Kabange.

Plus loin de la guerre, Mwasi Kabange n’avait pas moins de difficultés en grandissant au

Burundi. « On s’est réfugiés là-bas. Je suis allée à l’école, j’y ai terminé ma 12e année. Mais je ne pouvais pas faire l’université, c’était trop cher. Avec mes frères et ma sœur, on a été diplômés, mais nous n’avons pas pu continuer les études supérieures. Je ne travaillais pas, je vendais des choses et je me débrouillais comme ça », explique Mwasi Kabange qui rappelle qu’elle a encore deux membres de sa famille qui sont encore présentement au Burundi.

N’étant pas la seule à demander l’exil, Mwasi Kabange a attendu de longues années avant de partir. Elle et sa famille ont appliqué tous les ans dans l’espoir de pouvoir partir. « On nous a demandé d’attendre, encore et encore. On priait, on attendait, on se disait : un jour, un jour… Je voyais des gens partir, j’y croyais, je me disais : ça va nous arriver. »

Une éclaircie venue du Canada

Puis ce jour est arrivé l’an passé. Et tout s’est fait très vite. « On nous a appelés brusquement et puis il fallait partir. On ne dormait plus, nous étions si contents, nous avons prié et remercié Dieu. »

C’est donc au mois de juillet 2023 que Mwasi Kabange est arrivée à Winnipeg, directe- ment en provenance du Burundi. « Je ne connaissais rien, ni personne au Canada. Ceux que nous allions rencontrer au Canada, ce seront eux nos proches. Le plus important pour nous, c’était de partir. »

Sur place, Mwasi Kabange et sa famille ont pu bénéficier des organismes d’accueil pour débuter leur intégration. Mwasi Kabange est notamment passée par l’Accueil francophone avant d’être prise en charge par Pluri-elles. « Je pensais qu’on allait m’aider que pour l’anglais, mais j’ai pu aussi avoir des cours de français et même d’informatique, j’ai vraiment aimé ça. »

En effet, Mwasi Kabange participe depuis son arrivée, tout comme sa mère et sa sœur, au programme La route du succès proposé par Pluri- elles. « C’est un programme qui existe depuis 2019. Nous avons des cohortes d’une vingtaine de personnes. C’est destiné à un public féminin, réfugié ou résident permanent de moins de cinq ans. Généralement, ce sont des femmes qui maîtrisent l’anglais, le français, les deux ou la langue arabe », présente Jocelyna Dibanzilua, coordonnatrice chez Pluri-elles.

Du soutien des organismes

Si Pluri-elles est habitué à travailler avec ce genre de profil, cela représente tout de même plusieurs défis. « D’abord, on doit se comprendre. Trouver un langage, un moyen de communication. Elles ne parlent pas toutes le français. C’est surtout à nous de nous adapter, ça prend du temps. Il ne faut pas oublier que certaines ont des difficultés d’apprentissage, mais ont aussi subi des traumatismes horribles. On essaie d’instaurer un climat de confiance. »

Mwasi Kabange, qui a connu son premier hiver manitobain, voit ces opportunités comme une porte d’entrée pour réussir sa vie au Canada. Celle qui a repris des cours au Collège Louis-Riel pour valider le niveau secondaire souhaite ensuite aller à l’Université de Saint-Boniface pour étudier les sciences infirmières. « Bien sûr, je pense toujours à mon pays, mais je ne veux pas y retourner. Il faut avoir la foi et du courage. Oui, ici, il y a un peu de stress et c’est dur de devoir reprendre l’école. J’ai passé beaucoup de temps sans rien faire. Mais je fonce, je n’abandonne pas. Puis, les gens de Winnipeg sont gentils et polis avec tout le monde. Ils ne me connaissent pas et pourtant m’aident. Ma vie est mille fois mieux maintenant. »