Par Gérard Dubé.

Une autre contrainte énorme est la pollution des eaux ainsi que la perte grandissante du cycle hydrologique. Depuis des millions d’années, les systèmes terrestres évoluent afin d’assurer la continuité de la vie. « La vie crée des conditions qui incitent à la vie », nous dit Janine Benyus (1). Les fonctions naturelles sont complexes, elles sont toutes reliées les unes aux autres. Elles sont interdépendantes et inséparables.

La rétention des eaux est largement dépendante de la matière organique (MO) des sols ainsi que l’eau est aussi indispensable pour l’accumulation de la MO des sols. La MO contient environ 58 % de carbone. Pour chaque gramme de MO séquestré, 8 grammes d’eau peuvent être retenus. On peut conclure de nos jours avec les fluctuations climatiques qu’il est de plus en plus important de pouvoir absorber et retenir l’eau dans les sols.

Les résidus de plantes, l’épandage de fumier et l’ajout de compost peuvent certainement contribuer à augmenter la MO. Cependant, la manière la plus efficace d’accroître la matière carbonique des sols est via la photosynthèse. Grâce à l’énergie solaire et de l’eau fournie par la plante, le gaz carbonique se transforme en sucre liquide dans la chlorophylle des plantes. Les plantes consomment ces sucres pour leur croissance. Le surplus des sucres s’achemine par la voie des racines et les filaments mycéliens afin d’alimenter la faune biologique souterraine.

En échange cette faune solubilise les minéraux nécessaires à la croissance et la santé des plantes : c’est une relation de partage symbiotique. Une partie de ces sucres est séquestrée dans la rhizosphère et forme de l’humus stable et permanent (2). Cet humus est à la fois l’environnement propice à une grande biodiversité des sous-sols et largement responsable pour la rétention des eaux. Nous pouvons constater qu’une boucle de rétroaction vitale se produit : plus on enfouit du carbone dans les sols, plus la plante croît, plus celle- ci produit davantage de carbone. De même pour l’eau.

La vapeur d’eau émise par la transpiration durant la photosynthèse crée un rafraîchissement de ce procédé. Un plant de maïs peut transpirer 1 125 litres d’eau en une saison. Les gouttelettes de vapeur d’eau s’accumulent, deviennent nuages, se regroupent grâce aux nucleus de précipitation venus aussi de la transpiration, et retombent en pluie. Ainsi le cycle hydrologique se perpétue. En Amazonie, ce procédé : photosynthèse/transpiration/coalescence/précipitation se produit quotidiennement, ce qui permet un rafraîchissement cons- tant de la région et la continuité vitale du système naturel (3).

L’agriculture conventionnelle a fracturé les cycles naturels en utilisant des engrais chimiques, des pesticides, et dégrade la terre en la surcultivant et la laissant en jachère. Depuis une vingtaine d’années, on retrouve un intérêt particulier à reconstruire, à régénérer les sols afin de rétablir leur vitalité, leur cycle naturel basé sur des observations des fonctionnements naturels. Voici les cinq principes fonda- mentaux : limiter la cultivation des sols, tenir la surface du sol couverte de végétaux, encourager la diversité sur et sous terre, maintenir une faune biologique vivante, et intégrer des animaux (4). Un ajout de compost ou thé de compost équilibré (soit moitié bactéries, moitié fungi) pourrait être appliqué afin d’accélérer les cycles humiques et hydriques.

« L’eau n’est ni “ressource” ni “opportunité économique”, mais un don sacré (“gift”, définition autochtone serait plus juste) de Mère Nature pour lequel nous avons la responsabilité de protéger et utiliser avec modération pour que toute vie sur la terre demeure prospère. » David Suzuki.

(1) Livre « Biomimicry » de Janine Benyus.
(2) S.O.S.: Save our Soils avec Dr Christine Jones, Acres USA interview (Internet)
(3) The Soil Carbon Sponge, Climate Solutions’ and Healthy Water Cycle avec Walter Jehne -presentation (2.09) sur YouTube.
(4) Livre « Dirt To Soil » de Gabe Brown, page 107, « Principles of Soil Health ».