Remontons un peu dans le temps. En 2005, l’un est rédacteur en chef du Réveil, le journal étudiant de l’Université de Saint-Boniface, et l’autre est rédacteur en chef du Héros, journal étudiant de l’Université d’Abomey-Calavi (anciennement appelée Université nationale du Bénin, avant 2001). Chacun à un bout du monde.

En novembre de la même année, grâce au Carrefour international de la presse universitaire francophone (1), un évènement se tient à Tunis, la capitale tunisienne, et différents membres du CIPUF s’y rendent. C’est la toute première rencontre.

« C’était un contexte particulier en Tunisie, à ce moment-là, se souvient Miguel Vielfaure. Le président Ben Ali était au pouvoir. On va dire que les gens n’avaient pas beaucoup de liberté à l’époque et les médias n’étaient pas très présents. Il y avait des grèves de la faim, des manifestations. D’ailleurs, c’était la première manifestation publique depuis les années 1980. »

Joseph Hervé Ahissou continue. « C’était une expérience un peu exceptionnelle. Même au Bénin, moi je me rappelle, j’ai été arrêté par des policiers, même bastonné. C’était très courant pour les manifestations d’étudiants que le pouvoir politique envoie des policiers. On m’a déjà arrêté. Mais le cas de la Tunisie à ce moment-là, c’était carrément un autre niveau. »

Plus similaire que différents

Miguel et Joseph décrivent une amitié « rapide et facile », dès le départ. « Miguel, c’est quelqu’un de très ouvert. Très facile à aborder. Et puis, il est Métis. Nous, on est Africains. Je ne sais pas, quelque part, on avait pas mal de choses en commun. Miguel a fait le premier pas et puis on est devenus des amis. »

Pour Miguel, le lien s’est noué tout simplement. Après réflexion, peut-être que quelque chose a joué : « Quand j’y repense, la majorité des Canadiens qui étaient présents à Tunis, c’étaient des Québécois. Ils étaient bien gentils, mais ils restaient quand même dans un petit groupe. J’étais le seul Canadien francophone de l’Ouest d’Ottawa. Je me sentais aussi à l’aise avec un Africain qu’avec un Québécois. Je suis presque autant un étranger avec l’un ou l’autre. Alors ça explique peut-être le rapprochement. »

Par la suite, plusieurs possibilités professionnelles, toujours dans le cadre du journalisme, entretiennent le lien entre les deux amis durant plusieurs années. (Vous pouvez entendre ces péripéties dans notre épisode de balado sur Joseph et Miguel).

« Autant de choses qui, d’une certaine façon, non seulement rapprochaient les deux journaux, mais aussi les deux responsables qu’on était, l’un et l’autre. »

Un petit tour au Bénin

Joseph Ahissou vient de Porto-Novo, la capitale du pays, mais a grandi à Savalou, une ville dans le centre-Sud du Bénin. « On a un slogan, au Bénin : c’est le berceau du vaudou. C’est très culturel, très beau. Il y a des danses, des couleurs. On a un peuple très accueillant. On a aussi de très belles plages, au Sud. Si vous voulez y aller le 10 janvier, c’est la fête culturelle du vaudou. Il y a plein de belles choses à faire.

« Le Bénin a l’un des meilleurs ananas au monde aussi. Et Miguel me dit souvent que les œufs de poules et les bananes sont les meilleurs au Bénin. »

Eh oui, parce qu’il se trouve que Miguel a pu passer trois mois au Bénin, à Porto-Novo exactement. « Une fois arrivé au Bénin, Joseph m’a accueilli. C’était vraiment bien d’avoir des liens béninois. Je ne m’étais jamais vu comme une personne blanche avant que je déménage au Bénin. Là-bas, je suis un Yovo (2). »

Miguel raconte alors les chansons que les enfants chantaient quand il le voyait arriver. Ses découvertes du Bénin aussi. Mais surtout les moments privilégiés avec son ami, Joseph. Là, leurs liens se sont vraiment renforcés.

L’Amérique ouvre ses portes à Joseph

Petite ellipse temporelle. Il y a quelques années, par l’entremise de Miguel, Joseph décroche un poste de professeur de français au Concordia Language Village à Bimidji, dans le Minnesota. « Je venais de passer deux ans comme correspondant de la télévision privée à la présidence du Bénin. J’étais fatigué. Ça tombait à point. J’ai fait toute ma maîtrise en anglais. Alors c’était vraiment une belle opportunité. Et puis une très belle expérience. »

D’ailleurs, Miguel est allé lui rendre visite au Minnesota. Tous les deux racontent de belles aventures en canot sur le Mississippi. Enfin, surtout Miguel. Apparemment, Joseph a un peu moins aimé! « De base, dans ma culture, on n’a pas un rapport avec l’eau aussi banalisé. Je ne savais pas nager jusqu’à mes 25 ans. J’ai dit Okay à Miguel, même si je n’avais jamais canoté. Mais le lendemain, j’avais tellement mal aux bras! (rires) C’étaient quand même de bons moments. »

Et l’ange-gardien et meilleur ami canadien de Joseph ne s’arrête pas là. Il y a plus de cinq ans, Miguel Vielfaure fait venir Joseph du Bénin, à Winnipeg. Il a créé un emploi pour lui, dans son entreprise Étchiboy, et grâce au programme Mobilité francophone, Joseph a pu se rendre au Canada pour combler ce poste.

Une adaptation nécéssaire

Miguel Vielfaure : « Je savais que si Joseph venait, j’étais bon. Je le connais, c’est quelqu’un de très fiable. Puis c’est une qualité difficile à trouver. Là, t’as pas besoin de t’inquiéter, je peux le laisser faire, je sais qu’il va bien faire son travail. »

Bien que Joseph avait un de ses meilleurs amis sur place, il y a tout de même une adaptation qui s’impose. Il y a des codes culturels différents. Des choses simples, comme les horaires, les vêtements, le parfum.

Mises en bout de ligne, c’est tout un code de vie qu’il faut réapprendre. Heureusement, Joseph peut compter sur Miguel pour l’aiguiller. Et vice-versa d’ailleurs. Tous les deux s’apprennent des mots de vocabulaire. Et ils partagent l’amour de la bonne bouffe! Une de leurs activités préférées, c’est découvrir de nouvelles places culinaires à Winnipeg.

Finalement, maintenant que Joseph se sent bien chez lui, épaulé par son ami Miguel, le Béninois d’origine a créé sa marque de textiles : MonKanvo. Ce sont des vêtements d’hiver, aux motifs d’Afrique, faits à partir de laine de mouton ou d’alpaga. Retrouvez des patrons originaux, imaginés par Joseph lui-même, sur son site web : www.monkanvo.com

(1) Le Carrefour international de la Presse universitaire francophone (CIPUF) était un regroupement de médias étudiants de langue francophone, fondé en 2002. Il réunissait plus de 100 journaux et radios, répartis dans 25 pays francophones. Son siège social était à Gatineau. Le CIPUF a cessé ses activités en 2009.

(2) Yovo veut dire « personne blanche » en Fon, une langue locale béninoise.

Retrouvez la playlist intégrale des balados Quand les portes s’ouvrent.