Au Manitoba, après la pandémie de COVID-19, en 2022, la Fédération des parents de la francophonie manitobaine (FPFM) avait fait le tour des centres d’apprentissage et de garde francophones pour con- naître le nombre d’enfants sur liste d’attente au Manitoba. Ils étaient environ 1 500, et pour la directrice générale de l’organisme, Brigitte L’Heureux, depuis l’annonce des garderies à 10 $ par jour, ce chiffre n’a pas diminué. « Les centres nous ont fait savoir qu’il y avait eu une augmentation de la demande pour les places. Il faut donc des infrastructures, il faut aussi répondre au problème de pénurie de main d’œuvre dans le secteur et aussi revaloriser la carrière d’éducation en jeune enfance. »

Conscient de tous ces problèmes, le sénateur indépendant du Nouveau-Brunswick, René Cormier a voulu s’assurer lors du dépôt du projet de loi C-35 que les communautés de langues officielles en situation minoritaire ne seraient pas oubliées. « Ma motivation est venue du fait que plus un projet de loi est précis, plus on s’assure de sa mise en œuvre. Après plusieurs discussions avec des membres de la société civile, il est apparu clair que l’enjeu du financement des garderies à long terme devait être inclus dans le projet de loi.

« En effet, la question des communautés de langues officielles en situation minoritaire apparaissait à l’article 7. Mais pas à l’article 8 où la question du financement était abordée. Il y avait donc un risque que si un jour, un cas était porté en cour sur la question du financement, ce serait aux juges d’interpréter. Il y avait possiblement un risque d’interprétation à la défaveur des communautés de langues officielles en situation minoritaire. »

Clause linguistique?

Si le sénateur reconnaît l’importance de cet amendement, il concède que le travail n’est pas fini. « Désormais, le gouvernement fédéral va devoir négocier des ententes avec les Provinces. »

Brigitte L’Heureux attend alors de voir de quelle manière cet amendement va être inclus dans les ententes. « Cet amendement va assurer qu’il y aura toujours une portion assurée pour les francophones. Dans ce sens, ce n’est pas à la discrétion de la Province de décider si oui ou non elle veut nous accorder du financement. Maintenant, il faudra voir si ce financement est suffisant pour développer de nouvelles infrastructures ou de nouveaux programmes. Nous verrons en termes de chiffre ce que cet amende- ment va pouvoir signifier concrètement. »

René Cormier rejoint l’idée que cette loi est aussi une manière d’assurer l’avenir. « Dans sa mouture de départ, le projet de loi n’incluait pas les communautés de langues officielles en situation minoritaire. Je pense que le Fédéral visait avant tout les communautés autochtones, ce qui est valable et essentiel et inclure les communautés de langues officielles en situation minoritaire ne va pas à l’encontre de cette idée. Cette loi étant pour l’avenir, il était absolument essentiel d’y inclure les communautés de langues officielles en situation minoritaire. »

Dans ce sens, le sénateur René Cormier pense que l’amendement pourrait certainement servir de levier pour des clauses linguistiques. « Ce sera au gouvernement fédéral, dans son articulation de l’entente, de voir de quelle manière il compte inclure cette réalité. Je pense que oui, l’amendement pourrait servir de levier pour des clauses linguistiques. Il va falloir veiller au grain pour la suite des choses. »

Vitalité de la langue

Brigitte L’Heureux
Brigitte L’Heureux est la directrice générale de la Fédération des parents de la francophonie manitobaine. (Photo : Marta Guerrero)

Même si Brigitte L’Heureux accueille de manière favorable cet amendement, elle insiste sur un point : « Sans personnel qualifié, nous ne pourrons pas ouvrir davantage d’espace de garde. Il faut donc veiller à la question. Il est crucial que chaque enfant francophone ait une place dans un service de garde francophone. C’est vital pour la communauté. C’est le début du continuum éducatif. Nous perdons des enfants francophones qui vont dans les services anglophones par manque de place. »

En ce sens, le sénateur René Cormier appuie aussi sur le lien important entre éducation et vitalité de la langue. « La situation actuelle est problématique. Il y a un déficit de places pour les francophones. Les parents n’ont pas d’autres choix que de mettre leurs enfants dans des espaces anglophones. Ce qui crée des problèmes pour la suite de l’éducation.

« En acceptant l’amendement, le gouvernement fédéral engage sa responsabilité. On peut supposer que le Fédéral va tenir compte des communautés de langues officielles en situation minoritaire pour qu’elles reçoivent leur juste part du gâteau. C’est essentiel à la survie de la langue française qui est en danger au Canada. Le domaine éducatif est un vecteur majeur de la langue. »