IJL – Réseau.Presse – La Liberté

Il est de plus en plus difficile d’échapper aux nouvelles. Et ce, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Une notification sur le téléphone, et nous voilà au courant d’un nouveau conflit au Moyen-Orient, d’une nouvelle catastrophe en lien avec le réchauffement climatique, de la montée des extrêmes politiques ou encore du dernier scandale sexuel d’une célébrité familière. Alors, sans nécessairement prêter attention aux nouvelles sensationnalistes, il y a des actualités qui concernent plus que d’autres, en particulier dans une société cosmopolite comme celle du Canada.

Après tout, il y a le pays d’adoption, et celui d’origine, et ce qu’il s’y passe peut affecter directement les expatriés, et notamment les plus jeunes. S’il faut souvent zigzaguer entre les fausses nouvelles et les discours haineux, l’actualité peut être un bon moyen d’en apprendre davantage sur le monde qui nous entoure et d’échanger avec son voisin.

Quand l’actualité s’invite

Et ça, Jude Gosselin, professionnel enseignant à la faculté d’éducation de l’Université de Saint-Boniface (USB), l’affirme. « C’est toujours important de raccrocher ce que l’on est en train d’étudier en salle de classe avec l’actualité. Surtout dans une société pluraliste comme la nôtre. S’il y a des choses qui peuvent paraître loin de nous au niveau local, avec l’essor de l’immigration et de l’accueil de gens venant de communautés d’un peu partout dans le monde, il y a des thèmes qui se rapprochent. Car certains jeunes peuvent avoir des liens importants avec des endroits qui sont en conflit par exemple. »

Il peut arriver aussi que l’actualité s’invite d’elle-même dans les salles de classe. Jude Gosselin se souvient d’un incident qui s’est déroulé entre deux de ses élèves. Une altercation qui découlait de tensions entre les deux pays d’origine de ses élèves.

Alain Laberge confie que c’est une chose qui inquiète parfois les parents. Mais le directeur général de la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM) se veut rassurant : « Nos écoles font un excellent travail pour s’assurer que les élèves ne soient pas en confrontation, mais en complémentarité. Et souvent, les choses qui se passent dans une journée les réunissent plus qu’elles ne les divisent. Quand tu sors un ballon de soccer, là d’où tu viens n’a plus d’importance, tout le monde veut marquer des buts. »

Cultiver la pensée critique

La position de l’établissement scolaire reste malgré tout délicate. Car, même si le ministère de l’Éducation n’impose rien aux divisions scolaires, Alain Laberge, estime, lui aussi, qu’il est important de parler d’actualité avec les élèves. « Parce qu’ils se doivent d’être au courant, ce sont celles et ceux qui prendront les décisions de demain. Mais nous devons adapter notre discours au niveau des élèves. » Ainsi, les équipes professorales de la DSFM ne parlent pas d’un conflit avec des élèves de 12e comme ils le feraient avec des petits de 4e année. Pour ces derniers, « on peut faire des analogies. S’il y en a qui veulent jouer au basket et d’autres au soccer, comment peut-on arriver à une solution. »

Pour les classes plus avancées, l’approche est quelque peu différente. « On va prendre tout ce qui est en lien avec le développement de la pensée critique, explique Alain Laberge. Ce que l’on prône, c’est le débat, pas un débat qu’il faut gagner, mais un débat pour se compléter. » Et dans ce débat, la position de l’école est claire : c’est la neutralité.

Rester neutre

« On parle d’actualité dans nos écoles, mais de façon appropriée, sans jugement et sans prendre parti, mais plutôt en laissant aux élèves la chance de pouvoir se faire leurs propres idées. » De son côté, le professeur-enseignant Jude Gosselin, même s’il précise qu’il existe des éléments et des atrocités à propos desquelles la neutralité n’est envisageable, s’accorde sur l’importance de maintenir une position neutre dans la majorité des cas. « Il faut créer des situations dans les salles de classe où il y a du respect, où les gens se sentent en sécurité pour exprimer leurs perspectives, tout en ayant un professeur qui peut guider un peu tout ça. S’assurer d’outiller les élèves pour être en désaccord, mais sans que ça se transforme en haine. »

Dans le cadre de leur baccalauréat, les futurs enseignants en sciences humaines suivent un cours de didactique dans lequel toute la dimension de pensée critique est abordée. Après tout, développer la capacité d’un élève à prendre un pas de recul sur ce qu’il entend et ce qu’il voit reste l’un des meilleurs outils pour s’assurer, à la fois, que l’école reste un endroit sécuritaire, et, que les jeunes soient capables d’éviter la désinformation.

Mais ce n’est pas tout : « Il y a aussi un certain nombre de formations sur l’inclusion, comme les cours de perspectives autochtones. Tous sont des cours pendant lesquels on explore cette dimension d’appréciation de la diversité et de savoir-vivre les uns avec les autres. »