L’Université de Saint-Boniface pourra livrer 597 offres d’admission conditionnelle grâce à des revendications menées par le gouvernement du Manitoba.

L’immigration est un chemin qui demande de la patience. Et quand les changements surviennent, c’est tout un système qui doit se réajuster. À la fin janvier 2024, le ministre d’IRCC, Marc Miller a annoncé vouloir plafonner, durant deux ans, le nombre d’étudiants internationaux. Il a aussi annoncé que les Provinces et Territoires devront émettre des lettres d’attestation pour autoriser l’installation de ces étudiants en sol canadien. Jusqu’alors, la Province ou le Territoire n’avait pas de rôle actif dans la venue d’étudiants internationaux.

Minimiser l’impact

Le gouvernement fédéral avait initialement octroyé 15 233 allocations pour le Manitoba. La ministre de l’Éducation postsecondaire et de la Formation, Renée Cable avec l’appui du reste du gouvernement manitobain, a milité pour davantage. Finalement, le Manitoba aura 18 652 allocations. Elle détaille l’importance de soutenir l’immigration par la voie des étudiants internationaux. « Nous avons travaillé d’arrache-pied pour tirer le meilleur parti d’une décision politique qui nous était imposée. Je suis donc fière que nous ayons travaillé dur et que nous ayons réussi à faire évoluer les chiffres. Et je suis particulièrement fière du ministère qui a agi très rapidement pour trouver une solution qui minimise l’impact négatif sur les établissements d’enseignement postsecondaire du Manitoba.

« Nous apprécions les étudiants étrangers, nous savons ce qu’ils apportent au Manitoba et nous espérions en inviter encore plus, alors nous avons travaillé avec le gouvernement fédéral et nous nous sommes battus pour obtenir notre juste part et notre objectif est vraiment de faire en sorte que les universités et les collèges publics puissent continuer à accueillir autant d’étudiants étrangers que possible. »

« Lorsque l’IRCC a mis en place le nouveau système, la Province a pris en compte le taux de conversion pour notre établissement qui est d’environ 30 % au lieu de 60 % pour les établissements anglophones. Nous sommes donc encouragés de voir qu’il y a une sensibilité à notre réalité. »

Sophie Bouffard

Une satisfaction pour la rectrice

Après avoir obtenu plus d’allocations, il a fallu faire la répartition entre les universités. Finalement, l’Université de Saint-Boniface aura donc le droit d’émettre 597 offres d’admission conditionnelle. Un nombre qui satisfait sa rectrice, Sophie Bouffard. « Le but n’est pas d’agrandir notre population étudiante venant de l’international. Mais bien de maintenir ce nombre. Avec 597 allocations, nous sommes plus ou moins dans le même nombre que l’année passée. Et c’est une bonne chose.

Sophie Bouffard
Sophie Bouffard est rectrice de l’Université de Saint-Boniface. (photo : Marta Guerrero)

« Lorsque l’IRCC a mis en place le nouveau système, la Province a pris en compte le taux de conversion pour notre établissement qui est d’environ 30 % au lieu de 60 % pour les établissements anglophones. Nous sommes donc encouragés de voir qu’il y a une sensibilité à notre réalité. »

Le taux de conversion est le nombre d’étudiants véritablement inscrits dans l’établissement par rapport aux nombres de lettres émises. Du côté du gouvernement du Manitoba, un travail se fait en partenariat avec le gouvernement fédéral pour exempter l’USB de ce plafond. Renée Cable explique ainsi : « Le taux de conversion pour les étudiants qui viennent à l’USB est plus bas que d’autres. Il faut donc plus de demandes pour que les candidats retenus entrent à l’université. Donc, compte tenu de la position unique de l’USB, qui est la seule université francophone de l’Ouest canadien, nous aimerions qu’elle soit complètement exclue du plafond. Nous avons demandé au gouvernement fédéral une exemption pour l’Université de Saint-Boniface en raison des exigences linguistiques. »

« Donc, compte tenu de la position unique de l’USB, qui est la seule université francophone de l’Ouest canadien, nous aimerions qu’elle soit complètement exclue du plafond. »

Renée Cable

Caractère unique de l’USB

Renée Cable reconnaît le caractère unique de l’USB et son importance pour la francophonie hors Québec. « Nous avons deux langues officielles au Canada, le français est l’une d’entre elles. Elle est tellement ancrée dans notre histoire, dans notre culture, dans notre mode de vie ici. Mais je sais aussi que si nous ne l’honorons pas, nous allons commencer à la perdre.

« L’USB est la seule université francophone de l’ouest du Canada et elle offre aux étudiants des possibilités exceptionnelles de poursuivre leurs études en français. »

Quant à savoir si ces changements auront des répercussions sur le nombre d’inscrits pour la rentrée 2024-2025 à l’USB, il faudra encore attendre un peu de voir les effets. Sophie Bouffard détaille : « Quand IRCC a annoncé, à la fin janvier 2024, ces changements, nous étions dans le flou. Les demandes d’admission à l’USB étaient fermées depuis le 1er février. Il y a donc plusieurs personnes qui attendent depuis février pour savoir si elles vont pouvoir avancer avec leur dossier à l’immigration.

« Les changements ont causé beaucoup de turbulences. Nous ne pouvons d’ailleurs pas prédire combien il y aura d’étudiants internationaux en septembre. » Pour rappel, cette année 2023-2024, l’USB compte 305 étudiants internationaux.

Une plainte au Commissariat aux langues officielles

En vertu de la Loi sur les langues officielles dans sa nouvelle mouture, l’Association des collèges et universités francophones du Canada (ACUFC) a déposé une plainte au Commissariat aux langues officielles par rapport au plafonnement des étudiants internationaux. Martin Normand, directeur de la recherche stratégique et des relations internationales à l’ACUFC, explique les motivations. « Notre démarche s’appuie sur les nouvelles obligations de la LLO. En effet, il y a une obligation d’évaluer les impacts négatifs directs d’une décision structurelle et prévoir des mesures positives pour atténuer l’impact de ces mesures sur les communautés de langues officielles en situation minoritaire.

« Justement, dans le cas du plafonnement des étudiants internationaux, il n’y a aucune mesure positive de présentée pour atténuer ses effets. »

La plainte est en cours auprès du Commissariat aux langues officielles. L’ACUFC a demandé à ce qu’elle soit traitée de manière assez urgente puisque la mesure d’IRCC est temporaire, pour deux ans. « Le Fédéral s’est fixé l’objectif de protéger et promouvoir des institutions fortes. Si le Fédéral veut atteindre cet objectif, c’est important que les établissements en situation minoritaire aient accès à une clientèle internationale pour bonifier l’offre au postsecondaire.

« D’un point de vue plus large, c’est le premier vrai test face aux obligations de la nouvelle version de la Loi. On ne voudrait pas que la manière dont a agi IRCC crée un précédent. »

En parallèle de cette plainte, le gouvernement fédéral continue ses discussions avec l’ACUFC pour définir des mesures positives. Martin Normand souligne : « On veut que ces mesures soient le plus rapidement sur la table pour la rentrée 2024. Mais à ce point-ci, c’est de moins en moins réaliste en prenant en compte le délai de traitement d’IRCC. »

Renée Cable, la ministre provinciale de l’Éducation postsecondaire et de la Formation, tombe d’accord avec l’ACUFC. « J’espère que le gouvernement fédéral prendra au sérieux sa responsabilité. Nous devons aider les étudiants à étudier en français. Et j’espère sincèrement que le gouvernement fédéral examinera attentivement la situation unique de l’USB et des autres établissements francophones hors Québec, parce qu’ils sont d’une importance cruciale pour la santé et la revitalisation de la langue française au Canada. »

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